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Édition du lundi 27 février 2023
Santé publique

Médecins libéraux : les deux grands syndicats disent « non » au projet de convention de l'Assurance maladie

Les deux syndicats de médecins libéraux jugent la revalorisation du tarif de la consultation insuffisante et estiment que les propositions ne répondraient pas aux « questions essentielles pour l'accès aux soins de la population ». Regrettant l'échec annoncé d'un accord, le ministre de la Santé, François Braun, annoncera « d'autres solutions » la semaine prochaine.

Par A.W.

Les deux principaux syndicats de médecins libéraux ont fait savoir, hier, qu’ils refusaient, « à l'unanimité », de signer le projet de convention proposé par l'Assurance maladie, prévoyant des nouveaux tarifs de consultation à condition de s’engager à augmenter leur activité.

Le principal syndicat de médecins généralistes, MG France, et la principale organisation de spécialistes, Avenir-Spé Le Bloc, qui pèsent chacune plus de 30 % du paysage syndical, ont ainsi rejeté l’offre de la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) de revaloriser, sans condition, de 1,50 euro les consultations médicales, à hauteur de 26,50 euros. 

Une revalorisation qui monterait jusqu’à 30 euros pour les praticiens qui consentiraient à respecter un « contrat d'engagement territorial », consistant à prendre davantage de patients, participer aux gardes, employer un assistant médical ou encore exercer dans un désert médical. Les médecins revendiquent, de leur côté, un tarif de la consultation porté à 50 euros.

« Un traitement qui aggraverait le mal » 

Le comité directeur de MG France a ainsi dit « non »  à cette convention « à l'unanimité », a fait savoir le syndicat. Avec « 98 % de participation », ce « vote négatif »  exprimé par « 100 % »  des membres « devrait être de nature à faire réfléchir les politiques », a lancé Agnès Giannotti, la présidente de MG France, lors d'une conférence de presse retranscrite partiellement sur Twitter

Même résultat, « à l’unanimité », chez les spécialistes de l'union Avenir Spé-Le Bloc, a indiqué à l'AFP le président d'Avenir Spé, Patrick Gasser, celui-ci estimant que « la responsabilité en incombe […] au gouvernement et au-dessus ».

Pour les généralistes, « nul doute que le traitement proposé aggraverait le mal ». D’ailleurs, la question du tarif – « insuffisant »  - n’aurait pas été centrale dans l'issue du vote, selon Agnès Giannotti, qui a expliqué que les praticiens souffrent surtout d'un « manque de reconnaissance ». « Dire qu'il faut qu'on s'engage, ça veut dire qu'on ne le fait pas et ça, c'est absolument inaudible pour la profession », a-t-elle ajouté, rappelant que si « nous passions tous aux 35 heures, c’est la moitié de la population qui perdrait son médecin traitant ».

En outre, selon MG France, « il est évident que ces négociations conventionnelles ne pouvaient pas répondre aux deux questions essentielles pour l’accès aux soins de la population » : « l’attractivité du métier »  et « la prise en charge d’une population qui vieillit et qui est impactée par les maladies chroniques ».

Du côté des spécialistes, les contreparties exigées n'étaient tout simplement « pas admissibles », a expliqué Patrick Gasser, comparant l'enveloppe globale de 1,5 milliard d'euros avancée par la Cnam aux « milliards injectés dans les établissements de santé, publics et privés »  depuis le covid-19 et le « Ségur de la santé ». 

Les quatre autres syndicats de médecins représentatifs (sur six) ont jusqu'à demain soir pour faire savoir s'ils acceptent ou non la nouvelle grille de tarifs des consultations et autres forfaits proposée par l'Assurance maladie.

Mais pour que cette nouvelle convention médicale soit adoptée, il faut qu’elle soit signée par au moins un syndicat ou l’alliance de deux d’entre eux représentant au minimum 30 % des voix aux dernières élections. Le projet d'accord semble donc compromis. « Il n’y aura pas d’accord d’ici demain soir, c’est à peu près certain », a d’ailleurs convenu le ministre de la Santé, François Braun, ce matin sur France Inter.   

Si cela se confirme, un règlement arbitral sera mis en place. L'Assurance maladie devra ainsi s’en remettre à une haute fonctionnaire ex-inspectrice générale des affaires sociales, désignée arbitre par l’exécutif, afin de fixer les nouveaux tarifs. Celle-ci aura trois mois pour proposer un texte au ministre de la Santé, qui, s’il décide de le valider, s’appliquera pour au moins les deux prochaines années.

Une décision « pas responsable » 

« On passe à côté de l’occasion d’améliorer la prise en charge de nos concitoyens », a regretté le ministre de la Santé, jugeant que la décision des syndicats de médecins n’était « pas responsable ».

« Un milliard et demi sur la table, c'est plus que ce qu'on n'a jamais fait dans une convention médicale. Pour améliorer la couverture médicale de nos citoyens, nous faisons un effort important, je constate que les syndicats de médecins ne font pas le même effort. Ils pénalisent les Français », a ainsi déploré l’ancien président du syndicat Samu - Urgences de France. 

Sans conditions, la revalorisation de la consultation de 1,50 euro représenterait « 7 000 euros de plus »  par an. Pour les médecins qui respecteraient les termes d’un « contrat d'engagement territorial », la consultation atteindrait les 30 euros par mois. Mais, « pour les médecins qui travaillent beaucoup, il n’y a aucune contrainte supplémentaire. Ils vont atterrir à 20 000 euros de plus par an », a précisé le ministre de la Santé qui demande « un effort supplémentaire [...] aux autres ».

Alors que les médecins évoquent des semaines déjà interminables, à plus de 55 heures de travail et l’impossibilité de travailler davantage, François Braun a répondu que « ce n’est pas travailler plus, c’est travailler différemment, c’est travailler en exercice coordonné, avec d’autres professionnels de santé par ce que ça leur permet d’avoir plus de clientèle [patientèle, NDLR]. L’exercice du médecin isolé doit devenir une exception ».

Des solutions alternatives annoncées « la semaine prochaine » 

Pointant « l’état d’esprit qu’il y a dans ces syndicats »  consistant à vouloir « sortir du modèle de convention avec la Sécurité sociale », François Braun a toutefois dit ne pas craindre un mouvement massif de déconventionnement de la part des médecins qui entraînerait « une médecine à deux vitesses ».

Bien que, « dans un mouvement de colère, certains parlent de déconventionnement », MG France a pourtant assuré être « profondément attaché au processus conventionnel »  et ne « pas adhérer à ce mot d’ordre qui reviendrait soit à ne soigner que les plus riches, soit à se jeter pieds et poings liés dans les bras des assurances privées et autres fonds de pension ».

Sans accord, que vont alors devenir les 6 millions de Français sans médecin traitant, dont 600 000 atteints de maladies chroniques ? « D’autres solutions »  seront annoncées « la semaine prochaine », a indiqué sans plus de précisions le ministre de la Santé.

On peut également rappeler la proposition de loi du groupe Renaissance qui doit permettre « l'amélioration de l'accès aux soins », en examen actuellement au Parlement, et qui provoque également l'ire de certains médecins, mais qui va dans le sens des demandes des élus.

Adopté il y a quelques jours au Sénat, ce texte vise à trouver « des solutions à très court terme »  pour assurer la permanence des soins, via « des protocoles de coopération et le développement de la pratique avancée », en permettant aux professionnels paramédicaux (infirmiers, kiné, sage-femmes, etc.) d’exercer des missions jusque-là réservées aux seuls médecins.

Les syndicats de médecins et l’Ordre des médecins se sont prononcés unanimement contre un dispositif dont ils craignent qu’il aboutisse à « une désorganisation des soins et une médecine à deux vitesses ». 

Une vision à l’opposé de celle des élus locaux. Les mesures prévues dans la proposition de loi sont, en effet, en phase avec les souhaits des élus de la commission santé de l’AMF, qui estiment que le partage et la délégation des tâches sont un moyen de dégager du temps médical face à la pénurie de professionnels. 

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