Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 14 mai 2025
Santé publique

Déserts médicaux : le Sénat vote la participation des médecins à une « mission de solidarité territoriale »Â 

Souhaitée par le gouvernement, cette participation des médecins dans des zones jugées prioritaires pourrait durer jusqu'à deux jours par mois. En cas de refus, une pénalité maximale de 1 000 euros par journée non effectuée est prévue. D'autres dispositions pour résorber la désertification pharmaceutique ont été adoptées.

Par A.W.

Après l’adoption d’un premier texte visant à réguler l’installation des médecins par l’Assemblée nationale la semaine dernière, les sénateurs ont validé, à leur tour, hier soir, en première lecture, leur propre proposition de loi. Votée par 190 voix en sa faveur et 29 voix contre, elle est jugée moins coercitive et promet d’« améliorer l'accès aux soins dans les territoires ». Seuls les communistes et quelques centristes s’y sont opposés alors que socialistes et écologistes ont préféré s’abstenir.

Si le texte porté par le député socialiste Guillaume Garot – et cosigné par 250 députés de tout bord, hormis le RN – n’a pas eu les faveurs de l’exécutif, celui défendu hier par la majorité sénatoriale a reçu son soutien grâce à l’intégration, par voie d’amendement, de la mesure phare défendue par François Bayrou dans son « pacte »  pour lutter contre les déserts médicaux. 

Solidarité ou pénalité financière

Une concurrence parlementaire et un parcours législatif parallèle qui créent une certaine confusion, d’autant que le texte sénatorial peut désormais compter sur le déclenchement par le gouvernement de la procédure accélérée (qui permet une seule lecture par chambre), contrairement à l’initiative transpartisane des députés qui doit poursuivre sa navette et attendre son inscription à l’agenda du Sénat.

Souhaitant imposer aux médecins jusqu’à deux jours par mois de temps de consultation dans les zones prioritaires du territoire, le gouvernement a donc réussi à faire adopter par amendement sa « mission de solidarité territoriale obligatoire ».

Le Premier ministre avait annoncé que ce dispositif se mettrait d’abord en place, dès cette année, pour aider les territoires les plus prioritaires identifiés par les Agences régionales de santé (ARS), en lien avec les préfets et les élus. Ensuite, progressivement, cette mission serait étendue à l’ensemble des zones sous-denses et non plus uniquement à ces zones rouges.

Dans l’amendement gouvernemental, on apprend que cette participation des médecins (libéraux, salariés ou remplaçants) situés dans les territoires les mieux dotées sera indemnisée et s’exercera « sur la base du volontariat, ou à défaut, sur désignation du directeur général de l’agence régionale de santé ». En cas de refus, le médecin sera passible d’une pénalité financière qui pourrait aller jusqu’à 1 000 euros par journée non effectuée.

À noter que les modalités d'identification des zones prioritaires prévues par le gouvernement ne s'appliqueront que « durant une période transitoire ne pouvant s'étendre au-delà du 1er janvier 2027 », ont précisé les sénateurs. Ensuite, ces zones devront être identifiées « dans des conditions de droit commun ».

De nombreux élus ont, toutefois, fustigé le flou entourant la mise en œuvre de cette mission (dont les modalités doivent être fixées par décret) : que ce soit sur les pénalités financières justement, mais aussi le périmètre des zones sous-denses ou encore les remplacements dans les cabinets...

Conditionner l'installation 

Cette participation devra ainsi s'articuler avec le dispositif voulu par les sénateurs qui prévoit que l’installation des médecins généralistes (libéral ou salarié) exerçant « en zone sur-dense »  soit conditionnée à « un engagement d'exercice à temps partiel en zone sous-dense », là où il y a un déficit de soignants. Grâce à un cabinet secondaire, par exemple.

Et, pour les spécialistes, l’autorisation d’installation serait conditionnée au départ d’un praticien dans la même spécialité et sur le même territoire. Là aussi, une dérogation serait possible si le spécialiste s'engage à exercer en plus, à temps partiel, dans une zone où l’accès aux soins est jugé déficitaire.

Dans ce cas, les sénateurs ont décidé que les médecins ne pourraient pas être contraints, en plus, de participer à la « mission de solidarité territoriale »  voulue par François Bayrou.

En parallèle, ils ont validé plusieurs dispositions visant les médecins diplômés hors de l'UE (Padhue), qui seront orientés « prioritairement »  vers les zones privées de médecins et verront le concours préalable à leur accès à un plein exercice remplacé par un « examen ».

Lutte contre la désertification pharmaceutique

Le Sénat a, par ailleurs, avalisé d'autres mesures dont le but est de gagner du « temps médical », en élargissant notamment les actes réalisés par les audioprothésistes - comme « le retrait non-instrumental des bouchons de cérumen »  - ou les compétences des préparateurs en pharmacie - telles que « la réalisation des tests rapides d’orientation diagnostique Covid »  (l’arrêté le permettant durant la crise sanitaire ayant été abrogé).

Pour lutter contre la « désertification pharmaceutique », les sénateurs ont également élargi les « aides conventionnelles hors territoires fragiles », en accordant « davantage de latitude »  pour définir les officines qui nécessiteraient un « soutien spécifique ». 

De même, ils ont étendu le dispositif expérimental de création d'antennes pharmaceutiques dans les communes déléguées en zone de montagne en « ouvrant la possibilité pour les pharmaciens titulaires de la commune nouvelle ou d’une commune limitrophe de créer une antenne d’officine au sein de la commune déléguée où la dernière pharmacie a cessé son activité, dès lors que l’approvisionnement en médicaments est compromis ». L’objectif étant de « maintenir une présence pharmaceutique minimale dans les zones isolées ».

Agressions des soignants : sanctions renforcées

Ils ont aussi décidé d’assouplir les règles applicables aux « médecins propharmaciens », ceux-ci ayant la possibilité de délivrer les médicaments qu'ils prescrivent a leurs patients. Bien que « relativement peu nombreux en France, ils sont pourtant essentiels à certaines communes rurales et insulaires, qui ne bénéficient pas […] des services d'une pharmacie ». L’amendement adopté vise notamment a les autoriser a « délivrer les médicaments prescrits par leurs collègues dans le cadre des maisons de sante mais également par leurs collègues spécialistes ». Il permet également aux « infirmiers pratiquant des soins a domicile pour les patients des propharmaciens de délivrer les médicaments prescrits par ces derniers ». 

On peut, enfin, signaler que le Sénat a renforcé, hier, les sanctions pénales encourues par les auteurs d'agressions et violences visant les professionnels de santé, en nette augmentation depuis plusieurs années. Déjà adoptée par l'Assemblée nationale en mars 2024, la proposition de loi du député Horizons Philippe Pradal a aisément passé le cap de la chambre haute avec une adoption unanime. 

Une des principales mesures de ce texte, l'aggravation des sanctions encourues en cas de violences contre les personnels de nombreux établissements de santé (soignants mais aussi personnel non-médical) pourraient atteindre dans certains cas jusqu'à 5 ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende. 

Soutenu par le gouvernement, le texte doit désormais faire l'objet d'un accord entre les deux chambres du Parlement, lors d'une commission mixte paritaire (CMP) dont la date n'a pas encore été fixée. 

 

Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2