Maire-info
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Édition du mercredi 14 mai 2025
Gouvernement

Emmanuel Macron : beaucoup de bruit pour (presque) rien

Le président de la République a répondu hier soir, sur TF1, aux questions de multiples interlocuteurs, sans faire finalement d'annonces nouvelles, ni sur les éventuels référendums à venir, ni sur les collectivités, ni sur la situation économique et sociale.  

Par Franck Lemarc

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© TF1

Ceux qui espéraient en savoir plus sur les intentions du chef de l’État notamment en matière de référendum en seront pour leurs frais. Alors que l’entourage du président avait fait fuiter, la semaine dernière, des informations selon lesquelles, lors de cette interview, Emmanuel Macron allait annoncer plusieurs référendums dont un sur « l’organisation territoriale », il n’en a rien été. 

Augmenter la TVA ?

Après une séquence consacrée à la politique internationale, le chef de l’État a notamment été confronté à la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, sur les questions économiques et sociales, au maire de Béziers, Robert Ménard, sur les sujets de sécurité et d’immigration, ou encore à la présidente du groupe de réflexion libéral Ifrap, Agnès Verdier-Molinié, sur la question des finances publiques. 

Sur tous ces sujets, le chef de l’État a oscillé entre la défense de son bilan et le constat d’une forme d’impuissance, dans une situation bien différente de celle de son premier quinquennat – puisqu’il ne dispose plus d’une majorité à l’Assemblée nationale pour faire passer ses projets. Bien que confronté, dès le début, au mécontentement des Français qui ne sont, selon un sondage dévoilé en ouverture de l’émission, que 7 % à penser que la France a changé « en mieux »  grâce à Emmanuel Macron, celui-ci s’est tout de même félicité de son « bilan », que ce soit en matière d’emploi, de lutte contre le terrorisme, d’action climatique ou de baisse des impôts. « On est sorti du chômage de masse », s’est félicité le chef de l’État, bien que la situation économique actuelle fasse craindre que le pays y retourne très vite. Emmanuel Macron ne compte pas rompre avec son crédo de « la politique de l’offre » : pressé par Sophie Binet de renoncer aux « cadeaux aux entreprises sans conditions ni contreparties », le chef de l’État est resté ferme – tout comme il a clairement refusé toute option de « nationalisation »  d’ArcelorMittal, qui vient d’annoncer la suppression de plus de 600 postes. 

Il a, au contraire, estimé qu’il faut encore diminuer les cotisations patronales (« le modèle social français repose trop sur le travail » ). Pour continuer à financer malgré tout ce modèle social, il a évoqué une piste : « Taxer davantage la consommation ». Emmanuel Macron n’a pas donné plus de précisions sur cette idée – il demande au gouvernement d’y travailler – mais on ne peut que supposer qu’il envisage une hausse de la TVA. Une telle hausse est réclamée depuis plusieurs mois par le patronat, mais c’est une arme à double tranchant, puisqu’elle est non seulement douloureuse socialement mais peut également peser sur la consommation des ménages. 

Face à Agnès Verdier-Molinié (qui, de façon tout à fait exceptionnelle, a réussi à faire une intervention sans fustiger les collectivités locales), le chef de l’État a là encore défendu son bilan en matière de finances publiques, sans se satisfaire, naturellement, du niveau abyssal du déficit. Il a rappelé que les deux premières années de son premier quinquennat avaient été marquées, pour la première fois, par une baisse du déficit, mais que la succession des crises qui ont éclaté par la suite – Gilets jaunes, covid, guerre en Ukraine, explosion des prix de l’énergie… – a fait exploser la dépense publique sans qu’il en soit « responsable ». 

Mariage des personnes en situation irrégulière

Face à un Robert Ménard très offensif sur les questions de sécurité et estimant que les maires n’ont pas les moyens législatifs d’assurer la sécurité des habitants, Emmanuel Macron n’a, là encore, pas fait d’annonce nouvelle. Quand le maire de Béziers lui a demandé s’il était pour doter les policiers municipaux de nouvelles compétences de police judiciaire, le chef de l’État a répondu positivement, « si le maire le souhaite ». Cela correspond aux positions défendues par le gouvernement et par l'AMF lors des discussions du « Beauvau des polices municipales », qui durent depuis plusieurs mois. Il a également dit son soutien à la proposition de loi du sénateur Demilly visant à interdire le mariage pour les sans-papiers, après avoir été apostrophé par Robert Ménard sur sa propre situation – le maire de Béziers encourt une condamnation pour avoir refusé de marier un couple dont l’époux était sous OQTF. « Le droit est mal fait, a déclaré le chef de l’État. Il permet à un maire de s’opposer à (…) un mariage blanc, mais après on ne reconnaît que la liberté de se marier qui est une liberté constitutionnelle. On ne protège pas le maire. »  Il estime qu’il est « de bon sens »  de permettre à un maire de ne pas marier des personnes en situation irrégulière et souhaite que la proposition de loi Demilly, adoptée au Sénat, soit « inscrite rapidement à l’ordre du jour de l’Assemblée ».  

Interrogé, enfin, par le maire de Béziers sur l’échec de son projet de construire « 15 000 places de prison », Emmanuel Macron s’est dit « pas fermé »  à l’idée suggérée par Robert Ménard de « louer »  des places de prison à l’étranger : « Il n’y a pas de tabou là-dessus ». 

Référendum : le grand flou

Très attendu, on l’a dit, sur la question du référendum, Emmanuel Macron n’a finalement donné que très peu de précisions sur le sujet – ce qui est dommage car c’est l’un des seuls points abordés dans cette émission qui relève réellement de ses prérogatives présidentielles. Il a certes évoqué la perspective de « plusieurs référendums en même temps dans les mois qui viennent », mais sans dire ni sur quoi ni quand. Sur le budget, comme l’a évoqué François Bayrou ? « Pourquoi pas », a d’abord lancé le chef de l’État, avant de reconnaître que « la fiscalité, le budget, c’est une prérogative du Parlement, pas un sujet de référendum ». 

Le seul sujet sur lequel Emmanuel Macron a évoqué avec plus de précision l’hypothèse d’une consultation des électeurs est la question de la fin de vie, qui fait actuellement l’objet d’un texte examiné par l’Assemblée nationale. « Si, à l’issue de la première lecture, il y a un enlisement, le référendum peut être une voie pour débloquer », a assuré le chef de l’État. Mais il n’empruntera cette voie qu’avec « beaucoup de précautions »  et uniquement « si c’est bloqué ». 

Emmanuel Macron a, en revanche, exclu un référendum sur la question des retraites et sur la question de l’immigration. 

Au terme de plus de trois heures d’émission, le président de la République a finalement balayé de nombreux sujets sans vraiment donner d'orientations nouvelles, rappelant fréquemment qu’il n’est pas « un homme-orchestre »  et que c’est le gouvernement qui gouverne, pas lui. S’il a certes donné son avis personnel sur un certain nombre de sujets et réitéré sa confiance dans son Premier ministre, il n’aura pas réussi à aller à l’encontre de l’image d’une présidence marquée par une forme d’impuissance, après une dissolution qui a rendu la France ingouvernable. 

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