Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 14 mai 2025
Transports

Infrastructures ferroviaires : le plaidoyer de la SNCF pour des investissements massifs

Le groupe SNCF a diffusé hier sa « contribution » à la Conférence de financement des mobilités. Il estime que sans une aide massive de l'État (un milliard d'euros par an), le réseau français deviendra « un réseau de second rang » et ira vers « un effondrement » de la qualité de service. 

Par Franck Lemarc

La SNCF tire le signal d’alarme. Alors que le nombre de passagers dans les trains atteint un plus haut historique (5 millions de voyageurs par jour l’an dernier), le réseau ferré est « menacé »  aujourd’hui dans sa « viabilité »  même, victime du « sous-investissement chronique »  de la période 1980-2010. 

C’est le constat fait par le groupe SNCF dans un document d’une vingtaine de pages qu’il a rendu public hier, dans le cadre de la conférence « Ambition France transports », destinée à réfléchir aux pistes de financement des mobilités dans les années à venir. 

Sombres perspectives

Le constat est sans appel. Le réseau ferré « structurant », c’est-à-dire les 17 000 km de lignes TGV, Intercités et TER qui concentrent « 90 % du trafic », est plus que vieillissant. L’âge moyen des postes de signalisation est de 26 ans, celui des voies de 30 ans, celui des caténaires, de 40 ans. « 21 % des caténaires et sous-stations sont hors d’âge », alerte la SNCF. En 2030, « un tiers du réseau cuivre »  permettant la communication le long des voies sera « obsolète ». En outre, le coût de la rénovation des ouvrages d’art à traiter dans les 20 prochaines années atteindrait 12 milliards d’euros. 

La dégradation de ces installations va se payer en baisse de la qualité de service, prévient le groupe – comme cela a été le cas en Allemagne où « le sous-investissement général »  dans la modernisation du réseau a conduit à une dégradation « brutale »  de la qualité de service : outre-Rhin, « la ponctualité des trains longue distance a atteint [en 2023] le niveau historiquement bas de 61 % ». C’est 13 points de moins qu’en 2014.

En France, le même danger guette si les investissements ne sont pas à la hauteur, plaide la SNCF, qui liste une série de perspectives plutôt sombres : « dégradation des performances, fermetures de lignes », explosion des coûts d’entretien, incapacité de répondre aux obligations européennes en matière d’interopérabilité… et même impossibilité de mettre en œuvre les fameux « RER métropolitains »  promis par le chef de l’État, les Serm. 

Un milliard d’euros par an à trouver 

Pour ce qui la concerne, la SNCF estime qu’elle fait le maximum et qu’elle a budgété des « investissements massifs » : entre 2024 et 2027, elle aura investi « 14 milliards d’euros »  dans les réseaux. Le groupe s’engage, à partir de 2028, à verser « une contribution supplémentaire de 500 millions d’euros chaque année »  pour les investissements. Mais c’est le « maximum »  que le groupe peut faire « sans mettre en péril ses équilibres, recréer de la dette ou remettre en cause des investissements cruciaux comme le matériel roulant ». 

Ce sera insuffisant : pour répondre aux besoins, la SNCF estime qu’il faudra consacrer 1,5 milliard d’euros supplémentaires chaque année à la modernisation et la régénération du réseau. Puisqu’elle apporte 500 millions d’euros, il reste donc un milliard d’euros par an à trouver – ce qui est, insiste le groupe, une somme « minimale », pour permettre « un équilibre entre sécurité, exploitation et maîtrise des coûts ». 

La SNCF fait donc un certain nombre de propositions pour dégager ce milliard d’euros annuel nécessaire. 

Trois pistes de financement

Première option : s’appuyer sur le système européen d’échange de quotas d’émission (SEQE). Pour mémoire, depuis 2005, les entreprises dont l’activité est émettrice de CO2 – le transport aérien par exemple – n’ont le droit d’émettre qu’une quantité limitée de gaz à effet de serre. Si elles dépassent le plafond, elles doivent acheter des quotas supplémentaires sur un marché réglementé par l’Union européenne – qui fixe le prix de la tonne de CO2 supplémentaire. Les fonds collectés par les États peuvent, entre autres, être affectés au financement de la transition écologique, dont le transport ferroviaire, très peu émetteur de gaz à effets de serre. 

La SNCF estime que la réforme récente du SEQE va rapporter à l’État français quelque 5 milliards d’euros supplémentaires par an à partir de 2028. Le fameux milliard annuel à trouver pourrait donc venir de là. 

Deuxième possibilité : profiter de la fin à venir des concessions autoroutières pour « repenser le modèle actuel de gestion et de financement du réseau concédé ». L’idée de la SNCF est de flécher, lors du prochain renouvellement des concessions autoroutières, une partie des recettes de péage vers les investissements dans le ferroviaire. Par ailleurs, elle propose d’instaurer une nouvelle redevance touchant le fret par poids lourds, qui pourrait là encore être fléchée vers la régénération du réseau ferroviaire. 

Enfin, le groupe suggère une troisième piste : l’intégration du ferroviaire dans le dispositif des CEE (certificats d’économie d’énergie). Le secteur ferroviaire ne fait en effet pas partie des secteurs historiquement bénéficiaires de ce dispositif qui oblige les fournisseurs d’énergie et vendeurs de carburants à financer des économies d’énergie réalisées par des tiers. La SNCF souhaite donc être intégrée au dispositif et pouvoir signer des conventions avec les entreprises « obligées ». En augmentant les objectifs d’économies d’énergie fixés par le gouvernement pour la 6e période des CEE (2026-2030), des recettes supplémentaires substantielles pourraient être touchées, ce qui permettrait d’intégrer le ferroviaire au dispositif sans diminuer la part qui revient aux autres secteurs bénéficiaires. 

Ces propositions, intéressantes, sont maintenant sur la table. Elles seront discutées lors des réunions de la conférence Ambition France transports, lancée par le gouvernement le 5 mai dernier, et notamment dans l’atelier n° 3, consacré aux « infrastructures et services ferroviaires de voyageurs ». Cette conférence va se dérouler sur dix semaines, et se conclura mi-juillet par la remise au gouvernement d’un rapport synthétisant les propositions faites dans les différents ateliers. 

Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2