Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 11 juillet 2025
Outre-mer

Mayotte, vie chère et sécurité : les trois urgences du comité interministériel des Outre-mer 

Des décrets contre la vie chère ont été annoncés hier par le gouvernement, en attendant le projet de loi dédié. Des comités interministériels locaux seront aussi organisés, à partir de septembre, dans chaque territoire ultramarin. Ils doivent permettre d'impliquer davantage les élus locaux.

Par A.W.

Deux ans après la précédente édition, le gouvernement a organisé, hier, un nouveau Comité interministériel des outre-mer (CIOM) avec une dizaine de ministres qui se sont ainsi réunis autour de François Bayrou et du ministre des Outre-mer, Manuel Valls. 

Au programme, trois grandes priorités pour ces territoires qui concentrent près de 3 millions d’habitants : la reconstruction de Mayotte, la lutte contre la vie chère et la sécurité. Si la Nouvelle-Calédonie n'en a pas fait partie, c’est pour éviter de perturber les négociations en cours depuis une semaine entre indépendantistes et non-indépendantistes.

« C’est dans les Outre-mer que les crises frappent le plus durement, que les vulnérabilités sont les plus profondes, et que la défiance est la plus forte. Pendant trop longtemps, la France a entretenu avec les Outre-mer un rapport déséquilibré », a souligné Manuel Valls, en rappelant qu’il avait « commencé sa journée »  d’hier en recevant un rapport de l’Assemblée sur les conséquences des essais nucléaires en Polynésie française.

« Sécuriser »  le foncier à Mayotte

Ce Comité interministériel intervenait alors que le Parlement a définitivement adopté, hier, par un ultime vote des sénateurs, le projet de loi pour « refonder »  Mayotte, département le plus pauvre de France qui a été dévasté par le cyclone Chido en décembre dernier, au lendemain de la prise de fonctions de François Bayrou.

L’occasion pour l’exécutif de présenter sa stratégie quinquennale pour Mayotte, qui doit permettre d’agir « de façon coordonnée et hiérarchisée dans le temps, sur tous les problèmes qui entravent le développement de Mayotte » : « l’immigration irrégulière, le logement illégal, le manque d’infrastructures, le faible niveau de formation et l'insuffisante structuration des filières économiques, notamment ».

Au même titre que le recensement de la population, la régulation de la situation foncière est considérée comme « un impératif », selon le document publié à l'issue du CIOM. Parmi les différents points développé, il projette le « titrement complet du territoire d’ici 2035, grâce à la création d’un guichet commun de régularisation foncière (GCRF) ». Pour préserver les milieux naturels, il est également prévu un plan dédié à leur restauration et l'amélioration de la gestion des déchets.

L'objectif est de « sécuriser le foncier des Mahorais »  pour leur permettre d’accéder à la propriété, de transmettre un patrimoine, ou de souscrire à des assurances, de « valoriser »  ce foncier pour en faire « un levier économique », mais aussi d’« appuyer la planification territoriale grâce à un schéma d’aménagement régional (SAR) réaliste et applicable ».

La stratégie quinquennale pour Mayotte sera « présentée sans délai aux élus du territoire pour qu’ils puissent faire entendre leur avis et l’amender », a indiqué le Premier ministre. Le plan présenté par le gouvernement devra aussi faire l’objet d’un « suivi continu et rigoureux », au regard du manque de résultat des précédents plans. L’avancement de ce plan sera donc suivi « chaque trimestre », a indiqué le Premier ministre

Vie chère : trois décrets

En outre, l’exécutif a décidé de plusieurs « mesures de fond »  contre « deux fléaux qui affectent avec une force particulière la vie quotidienne de nos concitoyens dans l’ensemble des territoires d’outre-mer : le coût de la vie et l’insécurité ».

Contre la vie chère, le gouvernement présentera ainsi un projet de loi en Conseil des ministres « le 30 juillet »  et au Parlement « à la rentrée ». Il doit permettre de renforcer le « bouclier qualité-prix », qui fixe depuis 2012 le prix d'un panier de produits de première nécessité dans les départements et régions d'outre-mer (DROM). Pour cela, il est notamment prévu « un accroissement des contrôles »  et « des sanctions pénales en cas de non-respect ».

« Il renforcera le pouvoir d’achat, améliorera la transparence dans la formation des prix, stimulera une concurrence loyale et soutiendra les filières locales », a expliqué le ministre des Outre-mer, Manuel Valls.

En attendant, une série de mesures réglementaires ont été prises hier. « Sans attendre l'adoption »  de sa loi contre la vie chère, Manuel Valls a annoncé l’adoption de « trois décrets »  afin de « renforcer le "bouclier qualité-prix" », mais aussi « les observatoires des prix, des marges et des revenus »  (OPMR), ces instances chargées d'analyser le niveau et la structure des prix dans les outre-mer. Ces dernières avaient été instituées en 2008 à la suite de mouvements contre la vie chère aux Antilles. 

Pour les entreprises, l’ancien Premier ministre de François Hollande a fait savoir qu’il publiera également prochainement une circulaire visant à « améliorer les délais de paiement public dans les outre-mer ».

Autre décision, le lancement d’un travail d’adaptation des normes européennes pour mieux tenir compte « des réalités des territoires ultramarins », a-t-il indiqué, en soulignant qu’elles sont « parfois des sources inutiles de contraintes ».

S’agissant de  l’insécurité dans les territoires ultramarins – qui est « plus forte que dans l'Hexagone »  – François Bayrou a notamment pointé « l’explosion des narcotrafics qui sévit particulièrement aux Antilles et en Guyane en raison de la proximité de ces territoires avec les quatre premiers pays producteurs de cocaïne au monde ».

Il a donc été décidé d’aller « plus loin encore »  que les dispositions inscrites dans la loi contre le narcotrafic, qui vient d’être promulguée, en « renforçant considérablement »  le contrôle des approches maritimes et aériennes et « la coopération policière et judiciaire avec les pays voisins ».

CIOM territoriaux

« Partant du bilan que nous avons effectué cet après-midi (...), nous allons maintenant définir pour chacun des territoires d'outre-mer une stratégie de développement »  à long terme, a fait savoir François Bayrou, en annonçant un nouveau comité interministériel « dans les prochains mois ». 

Le Premier ministre ainsi assuré vouloir « tenir la promesse d’égalité »  à l’égard des Outre-mer alors que les collectivités et les élus locaux n’ont pas été impliqués dans l’organisation de le comité interministériel qui s’est tenu hier.

Manuel Valls a donc précisé que ce CIOM n’était que le « coup d'envoi d'une démarche davantage déconcentrée dont les élus locaux, parlementaires et représentants de la société civile seront les moteurs ». Des comités interministériels locaux seront ainsi organisés, dans chaque territoire ultramarin, « à partir de la rentrée de septembre ».

« Ils permettront, selon une logique de démétropolisation et d’adaptation, de dégager des actions qui pourront être mises directement à l’échelle du territoire », mais aussi « d’adresser des demandes aux recommandations qui seront traitées dans le cadre du prochain comité interministériel, à la fin de l’année, et qui là associera l’ensemble des élus ».

Plusieurs thématiques ont été retenues, comme l'adaptation au changement climatique (considérée comme « le grand défi de ces territoires ultramarins » ), la coopération et le rayonnement régional (« ces territoires doivent mieux se développer dans leur espace régional » ), la lutte contre les violences intrafamiliales ou l'autonomie alimentaire.
 

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