Adoption définitive d'une proposition de loi permettant à toutes les collectivités de créer une « société portuaire »
Par Franck Lemarc
Une affaire rondement menée. La proposition de loi adoptée par les sénateurs le 18 juin dernier – sous le régime de la procédure accélérée – a été adoptée sans modification, hier soir, par les députés, ce qui signifie qu’elle est adoptée définitivement. Peu après le grand moment de l’adoption du PLFSS, où la quasi-totalité des députés étaient présents, l’hémicycle s’est presque entièrement vidé pour la séance du soir, consacrée à cette proposition de loi sur les ports – qui n’a été adoptée qu’en présence de 67 votants.
Restriction
Le principe de cette proposition de loi est assez simple : mettre à disposition de toutes les collectivités et EPCI un outil jusque-là restreint à quelques-unes seulement : la société portuaire. Cet outil, créé en 2006, permet à une collectivité de prendre des participations financières dans le capital d’un port. Une société portuaire est créée par le regroupement de deux acteurs : une collectivité (ou plusieurs) et la chambre de commerce et d’industrie (CCI). La société portuaire est ensuite chargée de l’exploitation du port, au titre de concessionnaire.
Cet outil est particulièrement intéressant, écrivaient dans leur exposé des motifs les auteurs de la loi, les sénateurs Nadège Havet, Michel Canévet et Yves Bleunven, « parce qu’à la différence d’autres catégories de sociétés, elles permettent la participation au capital des CCI, et si les conditions en sont remplies, la conclusion de contrats en quasi-régie avec les actionnaires ». La participation des collectivités à une société d’exploitation d’un port lui donne « une assise financière plus large, permettant « des investissements d’infrastructures, de modernisation ou de transition que les CCI n’étaient pas ou plus en mesure de porter seules ».
Mais le problème est que la loi de 2006 qui a créé cet outil le réserve strictement aux seuls ports décentralisés par l’État au titre de la loi relative aux responsabilités et aux libertés locales de 2004, qui sont au nombre de 17 en métropole et un outre-mer. Les autres ports décentralisés, que ce soit en 1983 ou via la loi Notre de 2015, ne sont pas concernés – et ils sont au nombre de 600, dont une centaine de ports de pêche.
Le texte vise donc à faire sauter la restriction prévue par la loi de 2006 et à permettre à tous les ports décentralisés d’être gérés par une société portuaire, avec participation des collectivités territoriales.
Quasi-régie
Du côté des 18 ports ayant déjà cette possibilité, on ne peut pas dire que cet outil est plébiscité, puisque seuls deux sont gérés par une société portuaire : le port de Bayonne (dont la région Nouvelle-Aquitaine possède de plus de 70 % du capital) et celui de Brest (dont Brest métropole détient 10 % du capital et la région Bretagne 51 %). Mais, selon les sénateurs, « de nombreux autres ports souhaiteraient pouvoir en bénéficier », et en sont empêchés par la restriction prévue par la loi. C’est, disent-ils, notamment le cas des six ports de pêche du pays de Cornouailles, autour de Concarneau.
Selon le rapport de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale, le port de Toulon serait également intéressé par ce modèle – mais l’adoption de la nouvelle loi, en l’espèce, ne changera rien, puisque ce port a été décentralisé en 2004 et peut donc déjà créer une société portuaire.
On ignore donc si ce modèle rencontrera un grand plus grand succès dans les nouveaux ports concernés que dans les anciens ? Mais sénateurs et députés sont, en tout cas, d’accord sur l’utilité de leur en ouvrir la possibilité. Notamment, comme le notent les députés dans le rapport de la commission, parce que ce système est plus souple que les autres formes juridiques existantes. Les SPL (société publiques locales) ne peuvent avoir pour actionnaires que les collectivités et leurs groupements – les CCI en sont donc exclues. Quant aux sociétés d’économie mixtes (SEM), elles peuvent certes avoir à leur capital des sociétés privées, mais le régime dit de la « quasi-régie » leur est inapplicable. Ce régime, pour mémoire, permet de dispenser les collectivités de mise en concurrence et de publicité au moment de l’octroi de la concession. Les sociétés portuaires, elles, bénéficient de ce régime.
En séance, hier, l’article unique de ce texte a été adopté sans grands débats et de façon conforme à la rédaction du Sénat. Au moment du vote, tous les groupes ont voté pour, à l’exception de La France insoumise, qui s’est opposée « fermement » à ce dispositif, disant vouloir privilégier « une gestion entièrement publique » des ports et refuse donc l’entrée de capitaux privés.
Le texte étant ainsi définitivement adopté, il devrait être promulgué rapidement, ce qui donnerait donc la possibilité à quelque 600 ports de recourir à cet outil de gestion.
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