Grandes ou petites, comment les villes arrivent à maintenir une faible vacance commerciale
Par A.W.
« Le commerce français n’est pas condamné au déclin », et la vacance commerciale à un essor sans fin. Alors que le gouvernement a dévoilé il y a un mois son « plan » de lutte contre la désertification commerciale - après la publication d’un rapport sur le sujet - , la Fédération des acteurs du commerce dans les territoires (FACT) vient de publier, « à l’approche des élections municipales », une étude documentant les dynamiques du commerce en France et l’évolution de la vacance commerciale dans les centres-villes.
Et selon elle, « il n’y a pas de fatalité ! ». Malgré les crises et les mutations de la consommation que doit surmonter ce secteur qui fait travailler « près de 3 millions de Français », les résultats obtenus par la FACT sur les 155 000 emplacements commerciaux qu'elle a étudiés seraient même « porteurs d’espoir ».
Une vacance contenue dans les villes moyennes
Parmi les 355 villes françaises concernées par l’étude, ce sont plus de 37 % d’entre elles qui sont ainsi parvenues à réduire le pourcentage de locaux vacants entre 2019 et 2024 (elle n’était qu’environ 13 % lors de la mandature précédente), et même près de la moitié (48 %) s'agissant des villes de 50 à 100 000 habitants. Celles-ci ont ainsi pu stabiliser leur taux moyen de vacance, à « 10,8 % contre 10,6 % en 2019 ».
Hors Île-de-France, la progression de la vacance commerciale en centre-ville a ainsi « fortement ralenti » lors de la mandature en cours avec une progression de seulement 1 %, contre une hausse de 3,2 % pendant la précédente.
Des données qui traduisent « la transformation remarquable des acteurs français du commerce », mais attestent également « des succès plus fréquents des politiques mises en œuvre par de nombreuses collectivités, avec l’appui de l’Etat ».
« La hausse du nombre de villes qui sont parvenues à réduire le taux de vacance commerciale sur la période 2019-2024 semble attester des effets positifs de la mobilisation de très nombreuses collectivités autour des enjeux d’attractivité des centres-villes », expliquent ainsi les auteurs de l’étude en notant que la vacance des 245 villes ayant du plan Action Cœur de Ville a évolué « au même rythme que les autres ». Et ce, « en dépit d’une situation initiale moins favorable ».
« La mise en œuvre [de ce plan] a donc été opportune, et l’émergence du sujet de la dévitalisation dans le débat public a visiblement permis à davantage de collectivités de se mobiliser pour travailler à l’amélioration de l’attractivité de leurs centres-villes », jugent-ils.
Accélération dans les grandes villes
En revanche, quelques signaux d’alerte apparaissent avec notamment une hausse de la vacance qui s’est accélérée dans les grandes villes de plus de 100 000 habitants (et particulièrement dans les plus grandes métropoles, hormis Marseille et Nice), celle-ci demeurant toutefois à « un niveau moyen très inférieur à la moyenne nationale » (8,7 % de vacance contre 11 % pour les 355 villes de l’étude).
Si cette trajectoire « interroge », « il est difficile de ne pas y voir un lien avec la remise à plat des politiques de mobilité, au bénéfice des résidents et des touristes, mais certainement pas de l’accessibilité pour les habitants des bassins de vie », indiquent les auteurs de l’étude. D’ailleurs, le même phénomène est observé en Île-de-France où la tendance est inversée par rapport au reste de l’Hexagone. La région capitale a ainsi subi une progression de la vacance de 2,6 % lors de ce mandat, contre 1,5 % lors de la précédente mandature.
Finalement, si la vacance a globalement bien ralenti dans les 355 communes étudiées par rapport au mandat précédent, elle a tout de même continué de progresser en moyenne de 1,5 point (contre 2,7 % entre 2014 et 2019) pour atteindre les 11 %. D’autant que « les années de la crise Covid ont permis de faire sensiblement décroître la vacance, du fait de la baisse des défaillances d’entreprises », souligne l’étude.
Or depuis 2023, « on assiste à une reprise » de la croissance de la vacance commerciale et les dernières données déjà collectées en 2025 « laissent augurer une confirmation de cette tendance », nuance ainsi la FACT.
L’impact négligeable de la démographie et du tourisme
Dans ce contexte, la fédération prévient que toutes les « réussites » récentes « ne doivent pas masquer les menaces qui pèsent sur notre modèle ». Celle-ci pointe « les plateformes asiatiques » qui « déstabilisent le modèle français du commerce, fondé sur la qualité et la proximité ». « Le déferlement de leurs produits à bas coûts et souvent dangereux — sans ancrage territorial, sans respect d’une fiscalité équitable, sans souci de la sécurité du consommateur — fait peser le risque d’une décommercialisation progressive de notre pays », alerte-t-elle, alors que la taxation des petits colis en provenance de pays situés hors de l’Union européenne pourrait voir le jour dès l’an prochain.
La bonne nouvelle, c’est que les auteurs de l’étude assurent - même si cela peu paraître contre-intuitif - qu’il n’y a pas de corrélations entre l’évolution de la vacance et la démographie, le tourisme ou bien la présence d’enseignes nationales. Et donc « pas de fatalité », selon la Fédération des acteurs du commerce dans les territoires qui fait remarquer que les évolutions de la vacance sont parfois « très différentes sur des territoires pourtant proches ».
« Même quand les territoires connaissent une baisse de leur population, il demeure possible de juguler la vacance commerciale », alors qu’il « serait a priori tentant de considérer que là où la population baisse, il est plus difficile de contrer la hausse de la vacance commerciale, et inversement », affirment-ils.
Pour ce qui est du « potentiel touristique », l’étude constate que les villes à forte capacité touristique n’ont « pas mieux évolué » que les autres en la matière, entre 2019 et 2024. Sans effet notoire également, la présence plus ou moins forte d’enseignes nationales ou internationales reste d’ailleurs minoritaire dans les centres-villes français (environ 30 % des locaux occupés) et n’a « pas d’incidence » sur l’évolution du taux de vacance.
Agir sur « tous les leviers »
Alors qu’est-ce qui fait la différence ? La composition de l’offre marchande, selon l’étude. La nature des services proposés (banques, agences immobilières…), la part de la restauration assise ou des petits commerces alimentaires sont ainsi « de véritables critères de différentiation ».
La clef du succès serait « la diversité de l’offre, la surreprésentation des commerces alimentaires, de la restauration assise et de l’habillement », concluent les auteurs de l’étude qui constatent que tous ces traits sont « communs aux villes qui connaissent une vacance faible ». Si le secteur de l’habillement est largement en déclin à l’échelle nationale, « réussir à conserver une offre significative en prêt-à-porter contribue à la complétude de l’offre proposée » notamment par les petites villes, souligne ainsi l’étude.
À l’inverse, les agences bancaires et d’assurances, la restauration rapide, les coiffeurs, barbiers et autres centres de soins sont « nettement moins représentés » là où la vacance est la plus faible, mais bien plus dans les communes où elle est importante.
Des leviers identifiés par quatre maires dont les villes font partie du top 5 des villes de leur catégorie présentant le taux de vacance le plus faible. Fabien Roussel, Frédéric Aguilera, François Bayrou et Anne Vignot, respectivement maires de Saint-Amand-les-Eaux, Vichy, Pau et Besançon, mettent notamment en avant « l’embellissement et la mise en valeur du patrimoine », « une politique de stationnement et d’accessibilité équilibrée », mais aussi le rôle de « la culture, de l’événementiel et du sport » tout comme le « retour d’activités tertiaires et d’habitants en centre-ville ».
« C’est en agissant sur tous les leviers (logement, emploi, mise en valeur du patrimoine, accessibilité et stationnement, animations culturelles et sportives…) qu’ils ont obtenu des résultats exemplaires, en renforçant notablement le rôle de centralité de leur commune au sein de leur bassin de vie », concluent la FACT.
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