Maire-info
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Édition du lundi 26 mai 2025
Santé publique

Bientôt la généralisation des espaces sans tabac ?

Priorité du gouvernement l'an dernier, la lutte contre le tabagisme, qui fait 75 000 morts et coûte 156 milliards d'euros par an, prévoyait de généraliser les espaces publics sans tabac... mais en attendant un décret d'application, ils ne voient pour l'instant le jour que localement, au gré de la volonté des maires. Le décret pourrait néanmoins arriver très rapidement.

Par Rébecca Frasquet (AFP) et Franck Lemarc

À ce jour, les espaces sans tabac réglementaires tels que les lieux de travail, ceux fermés et couverts accueillant du public, les transports collectifs, les écoles, les aires de jeux pour enfants (depuis 2015) et les espaces affectés au transport (2019), « sont à peu près bien respectés » , dit à l'AFP Philippe Bergerot, président de la Ligue contre le cancer. Mais il existe encore des « zones grises » : parvis des écoles, abribus non fermés, abords des hôpitaux... Selon un sondage réalisé pour la Ligue contre le cancer, six Français sur dix (62 %) interrogés se disent favorables à une plus forte interdiction de la cigarette dans l'espace public.

En novembre 2023, Aurélien Rousseau, alors ministre de la Santé, avait présenté le Programme national de lutte contre le tabac (PNLT) 2023-2027, avec pour ambition de « relever le défi d'une génération débarrassée du tabac dès 2032 »  (lire Maire info du 29 novembre 2023). Parmi les mesures prévues: la généralisation des espaces sans tabac aux plages, parcs publics, forêts et aux abords extérieurs de lieux publics, en particulier les établissements scolaires. Des amendes financières en cas de non-respect de cette interdiction étaient prévues.« Nous attendions beaucoup de ce PNLT, mais les décrets d'application prévus pour 2024 sont toujours dans les bagages » , affirme Philippe Bergerot. « Nous disons régulièrement au ministère: "ça n'est pas très coûteux, les Français y sont favorables"... on ne comprend pas pourquoi ça bloque ».

« Emmerder les Français » 

« Les espaces sans tabac ont pour objectif principal de protéger les non-fumeurs du tabagisme passif qui tue lui aussi. Ensuite, cela dénormalise la consommation de tabac et amène les fumeurs à progressivement envisager d'arrêter de fumer. C'est efficace, ça a été démontré » , dit à l'AFP Yves Martinet, président du Comité national contre le tabagisme (CNCT). En France, l'exposition passive à la fumée du tabac fait 3 000 à 5 000 morts par an, selon les chiffres officiels. Très sensibles, les enfants voient augmenter leurs risques d'infections respiratoires, otites, asthme... Pour les  nourrissons, le risque de mort subite est multiplié par deux.

Le 20 février, le CNCT avait dénoncé des propos « indignes d'un cardiologue, et, a fortiori, d'un ministre de la Santé »  après les déclarations de Yannick Neuder. Interrogé sur Sud Radio sur la nécessité d'interdire de fumer sur les terrasses, celui-ci avait déclaré n'être « ni pour ni contre » , ajoutant « Ça fait partie des discussions. Il faut des mesures qui soient acceptables, compatibles avec tout le monde » , avant de conclure: « Arrêtons d'emmerder les Français ».

Désireuses d'agir, 1 600 communes volontaires ont élargi l'interdiction de fumer dans les lieux publics à des parcs, plages, pistes de ski, abords d'école... soit 7 000 espaces sans tabac, des expérimentations locales accompagnées par la Ligue. Celle-ci souhaite que la cigarette électronique soit elle aussi bannie, car elle provoque une dépendance à la nicotine similaire à celle des cigarettes et constitue une « dangereuse porte d'entrée vers le tabac » . Elle aussi prévue par le PNLT 2023-2027, la hausse des prix du tabac – l'une des mesures les plus efficaces pour réduire la consommation selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) – ne s'est pas concrétisée dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025.

Décret imminent

La situation pourrait changer prochainement, puisqu'un projet de décret a été soumis au Conseil national d'évaluation des normes le 7 mai, qui prévoit, dès le mois de juin, une extension de l'interdiction de fumer à différents lieux fréquentés par les mineurs : zones couvertes d'attente des voyageurs, comme les abribus, prémiètre autour de l'accès aux écoles, collèges et lycées, périmètre autour des bibliothèques et installations sportives ; mais aussi les plages (en saison), et les parcs et jardins publics clôturés. L'idée du gouvernement est de décreter des règles générales en laissant la liberté aux communes de les durcir si elles le souhaitent. Il reviendrait par exemple aux maires de définir, par arrêté, la liste des parcs et jardins concernés par l'interdiction.

L'AMF, consultée par le ministère de la Santé, a rappelé l’engagement des maires en faveur de la lutte contre le tabagisme, mais a émis des réserves sur l'impact financier du dispositif prévu pour les communes – il faudra, par exemple, payer la signalétique et l'affichage – et sur le contrôle de l'application des nouvelles règles : ce serait une tâche supplémentaire pour les polices municipales, là où il y en a une. L'AMF souhaite donc que le contrôle de ces interdictions incombe à l'État. 

L'AMF a également émis des réserves sur la date particulièrement rapprochée de mise en œuvre de ce texte, puisque le gouvernement vise le 1er juin... Ce qui laisse, pour le moins, bien peu de temps aux maires pour s'organiser. 

 

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