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Édition du lundi 6 octobre 2025
Jeunesse

Santé mentale des jeunes : les symptômes sociaux et territoriaux d'un profond mal-être

L'Institut Terram, l'Institut Montaigne et la Mutualité française ont présenté la semaine dernière les résultats d'une étude sur les vulnérabilités psychologiques des 15-29 ans. Un jeune sur quatre souffre de dépression mais des différences territoriales marquées sont à observer.

Par Lucile Bonnin

Depuis la période de pandémie liée au covid-19, plusieurs enquêtes ont exposé « la vulnérabilité psychique d’une jeunesse aux prises avec des conditions de vie précaires et un avenir incertain. »  Cette problématique de santé publique s’inscrit dans des territoires spécifiques et dans des « environnements concrets qui façonnent les expériences de la souffrance psychologique ». Un quart des jeunes interrogés seraient aujourd’hui en dépression (1) selon l’enquête menée auprès de 5 633 personnes âgées de 15 à 29 ans par l’Institut Terram, l’Institut Montaigne et la Mutualité française. Si la jeunesse française est massivement concernée par des troubles de santé mentale, des inégalités sociales et territoriales pèsent dans la balance.

Avenir incertain et hyperconnexion 

D’abord, le contexte mondial actuel a un impact sur la santé mentale des jeunes. 68 % des jeunes se disent inquiets pour leur avenir personnel mais surtout 83 % le sont quant à l’actualité internationale ou 77 % pour la crise environnementale. L’inquiétude pour l’avenir est corrélée à une santé mentale défectueuse : près de 9 jeunes sur 10 qui déclarent avoir une mauvaise santé mentale se disent inquiets pour leur futur. 

À cette inquiétude s’ajoute un autre facteur d’anxiété : la surexposition des jeunes aux réseaux sociaux. Alors que 44 % des jeunes passent plus de trois heures par jour sur les réseaux sociaux, il apparaît que plus le temps d’écran augmente, plus les troubles s’intensifient. Par exemple, 44 % des jeunes qui passent plus de 8 heures sur les réseaux sont en dépression. « C’est trois fois plus que ceux qui y passent moins d’une heure (15 %) » , précisent les auteurs de l’étude. Déjà anxieuse vis-à-vis du contexte mondial et parfois national, cette génération hyperconnectée est constamment confrontée aux flux d'informations parfois anxiogènes et subit de surcroît sur ces mêmes réseaux des pressions nouvelles comme le cyberharcèlement qui concerne aujourd’hui un jeune sur quatre.

Fractures territoriales et influences du cadre de vie 

La santé mentale doit aussi être analysée d’un point de vue plus individuel. Ainsi, 47% des jeunes en grande précarité souffrent de dépression, ce qui est près de trois fois plus que chez les jeunes sans difficultés économiques. D’autres facteurs sociaux entrent en jeu comme l’environnement familial ou le type d’emploi ou d’études que les jeunes occupent ou suivent. Mais l’enquête montre surtout qu’il existe des disparités territoriales marquées et que « la santé mentale des jeunes ne saurait être pensée indépendamment de leur inscription territoriale ».

Les résultats mettent en avant un lien entre un sentiment de solitude persistante et l’offre locale pour les jeunes. « L’absence d’engagement dans des pratiques sportives ou culturelles va de pair avec un sentiment accru d’isolement » , indiquent les auteurs. Cependant, si « les jeunes ruraux (24 %) sont plus nombreux que leurs homologues urbains (12 %) à se dire insatisfaits de l’offre locale, qu’il s’agisse de loisirs, d’activités culturelles ou sportives, le sentiment de solitude se révèle paradoxalement plus marqué dans les espaces fortement urbanisés. » 

Les auteurs expliquent en effet que « les territoires moins denses semblent offrir un environnement plus protecteur »  : 27 % des jeunes de métropole souffrent de dépression soit 7 points de plus que les jeunes ruraux (20 %). « Ces résultats invitent donc à dépasser une lecture trop mécanique de l’isolement. Si les occasions de sociabilité sont perçues comme plus limitées en milieu rural, les liens qui s’y tissent n’en sont pas nécessairement moins solides. »  Le cadre de vie est donc un déterminant important. Cette différence entre les urbains et les ruraux peut aussi s’expliquer par « la surreprésentation d’étudiants »  dans les espaces urbains, « plus exposés à la précarité et à l’isolement ». 

Cependant, si les jeunes ruraux semblent moins stressés, les jeunes des métropoles, eux, sont mieux informés sur le sujet de la santé mentale avec 80 % d’entre eux qui ont déjà été sensibilisés contre 68 % dans le rural. De même, la dépendance à l’usage de la voiture dans les zones rurales peut mener certains jeunes à subir « une forme d’immobilité »  qui peut avoir des « répercussions multiples sur leur bien-être et leur santé mentale. » 

Enfin, les chiffres qui concernent uniquement les jeunesses ultramarines sont préoccupants. 39 % de ces jeunes souffrent de dépression. La situation est d’autant plus grave en Guyane où 52 % des jeunes sont en dépression, en Martinique (44 %) et à Mayotte (43 %). Ces niveaux sont « sans équivalent en hexagone, où les proportions oscillent entre 19 % (Bourgogne-Franche-Comté) et 28 % (Provence-Alpes-Côte d'Azur) ». Les auteurs lient cette détresse psychologique des jeunes d’outre-mer à, entre autres, « un fort mécontentement à l’égard des services publics (santé, éducation, transports) ». « 43 % des jeunes ultramarins se déclarent insatisfaits des services essentiels, soit plus du double de la moyenne nationale (21%). » 

Besoin d’une réponse locale 

Selon les auteurs de l’étude, « la santé mentale ne peut donc être pensée sans une attention fine portée aux inégalités sociales et spatiales d’exposition et d’accompagnement »  et « doit devenir un levier d’action publique territorialisé, portée à la fois par les institutions nationales, les collectivités locales et les acteurs de proximité ».

Lorsque l’on pose la question aux jeunes concernés pour améliorer leurs prises en charge, 36 % déclarent vouloir avant tout faciliter l’accès aux soins psychologiques et renforcer la sensibilisation aux sujets de la santé mentale. Par ailleurs, 34 % souhaitent que les soins soient rendus plus accessibles. Ces résultats montrent à la fois le poids « des inégalités économiques dans les parcours de soin »  mais aussi la répartition inégale de l’offre de soins dans les territoires.

16 % des sondés souhaitent enfin favoriser le bien-être par des activités culturelles, sportives ou de relaxation. « Ce résultat invite à penser la santé mentale (…) comme un équilibre à cultiver », observent les auteurs, « où les politiques de prévention, les dynamiques associatives, les espaces de convivialité et les environnements peuvent jouer un rôle décisif. » 

(1) Diagnostic établi à partir du questionnaire standardisé PHQ-9, outil de référence pour dépister et mesurer la sévérité des symptômes dépressifs.

Consulter l'enquête. 

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