Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 6 novembre 2019
Transports

Loi d'orientation des mobilités : baroud d'honneur au Sénat, qui rejette une dernière fois le texte

Avant-dernière étape de la navette parlementaire, hier, pour le projet de loi d’orientation des mobilités (LOM) : après l’échec de la commission mixte paritaire, le 10 juillet, le texte était de retour devant les sénateurs avant un ultime passage à l’Assemblée nationale. Les sénateurs, à une très forte majorité, ont refusé de discuter du texte, en raison de l’absence de financements dédiés aux autorités organisatrices de transport rurales.
Le secrétaire d’État chargé des Transports, Jean-Baptiste Djebbari, a pourtant plaidé pour une « adoption »  de ce texte par le Sénat, estimant que les apports du Sénat lors de la navette parlementaire avaient permis de le faire évoluer sur « de nombreux enjeux structurants ». « Le travail [du Sénat] a été immense et utile. Il est nécessaire d’adopter ce texte. » 
Après lui, des sénateurs de presque tous les bancs (en dehors de ceux de La République en marche) se sont succédé pour expliquer leur refus non seulement de voter ce texte – mais même de le discuter.
En effet, une motion préalable a été déposée par le sénateur de l’Eure, Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, selon laquelle « le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi ». Hervé Maurey a longuement expliqué les raisons de ce choix : « Le texte issu de l’Assemblée nationale ne permettra pas de répondre à l’ambition affichée de mettre fin aux zones blanches de la mobilité. Le financement est la pomme de discorde. » 

Un dispositif jugé trop fragile
Rappelons les enjeux de ce débat. Le texte, depuis le début, a pour ambition de voir se créer des autorités organisatrices de la mobilité dans les communautés de communes – ce que la ministre des Transports de l’époque, Élisabeth Borne, avait appelé « résorber les zones blanches de la mobilité ». Mais aucun moyens spécifiques n’étaient prévus dans le dispositif gouvernemental pour financer cette compétence nouvelle. C’est pour pallier cette carence que le Sénat a adopté un amendement prévoyant l’affectation d’une part de taxe carburant (TICPE) aux intercommunalités – amendement qui a été « balayé », selon l’expression d’Hervé Maurey, par les députés. 
Quelques heures avant la tenue de la commission mixte paritaire sur ce texte, Élisabeth Borne faisait parvenir un courrier aux parlementaires pour leur décrire un système de financement via l’attribution aux intercommunalités d’une part de TVA nationale, en remplacement de leur part de taxe d’habitation. Le gouvernement et les parlementaires de la majorité saluaient alors un système « dynamique », permettant, a répété le secrétaire d’État devant les sénateurs hier, « une recette supérieure de 30 à 40 millions d’euros par an ». 
Mais les faiblesses de ce dispositif apparaissaient évidentes depuis le début (lire Maire info du 10 juillet). D’abord parce que ce financement n’est nullement dédié à la mobilité : il s’agit uniquement d’une compensation de la perte de la taxe d’habitation, que les intercommunalités pourront – ou parfois devront – affecter à d’autres dépenses. Ensuite, parce que le « dynamisme »  de cette recette n’est absolument pas gravé dans le marbre : le produit de la TVA dépend de la consommation, et la consommation dépend de la conjoncture économique. En cas de grave crise économique, qu’en sera-t-il de ce « dynamisme »  dont se félicite déjà le gouvernement ?

Une réforme « à la charge des collectivités » 
La plupart des orateurs, au Sénat, se sont retrouvés sur le rejet de ce dispositif. D’autant qu’un autre signe peu rassurant est venu ces dernières semaines du gouvernement, avec la décision inattendue de diminuer de quelque 45 millions d’euros la dotation de compensation de la baisse du versement transport (lire Maire info du 14 octobre). Michèle Vullien (Rhône, Union centriste) a ainsi dit hier sa « déception » : « Vous ne résolvez pas la question du financement des intercommunalités prenant la compétence mobilité. Pire, vous diminuez la contribution sur le versement transport. »  Olivier Jacquin (Meurthe-et-Moselle, socialiste), a reproché au gouvernement un dispositif financier « bricolé »  et un texte qui, au final, ne résoudra pas le problème de la mobilité en zone peu dense : il y aura « d'un côté les utilisateurs de TGV, d'avions et de VTC et de l'autre ceux qui n'ont d'autre choix pour se déplacer que leur vieux diesel, sans parler de ceux désignés par un sociologue comme « insulaires », ruraux sans voiture, handicapés, personnes âgées dépendantes, jeunes sans permis, quasi-assignés à résidence. » 
Le groupe Les Républicains est allé dans le même sens, par la voix de Michel Vaspart (Côtes-d’Armor) : « Sur le financement, le gouvernement ne nous a jamais rassurés. Une nouvelle lecture est une voie sans issue. » Les sénateurs RDSE et communistes ont également pris position pour un abandon des discussions. En présentant sa motion, Hervé Maurey a résumé la position ressentie par la très grande majorité des sénateurs : « Nous refusons une réforme de la gouvernance des mobilités à la charge financière des collectivités locales que nous avons à cœur de représenter et de défendre. » 
En dehors des groupes LaREM et MoDem, tous les sénateurs ont voté la motion, et le Sénat n’a donc pas adopté le texte. L’Assemblée nationale aura donc le dernier mot, et examinera le texte en lecture définitive le mardi 19 novembre.

Franck Lemarc
 

Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2