Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 18 septembre 2025
Logement social

Crise du logement : devant un nombre de demandeurs inédit, les bailleurs sociaux réclament la suspension de la ponction sur leurs recettes

S'il veut engager une « rupture forte », le futur gouvernement doit suspendre la réduction de loyer de solidarité (RLS) et conforter le financement de l'Anru 2, plaide l'USH. Car la crise du secteur « ne cesse de s'aggraver » avec près de 2,9 millions de demandeurs de logements sociaux.

Par A.W.

À une semaine de leur congrès, les bailleurs sociaux ont, une fois de plus, décidé d’alerter sur « l’ampleur et la gravité de la crise du logement qui touche [les Français] sur tous les territoires ». Une crise qui « ne cesse de s’aggraver », s’est ainsi indignée l’Union sociale pour l'habitat (USH), dans un communiqué publié hier.

Si l’année 2024 avait déjà connu un record, la situation se dégrade encore avec désormais plus de 2,87 millions de personnes « en attente d’un logement social adapté à leurs besoins », en hausse de presque 300 000 par rapport à la fin d’année 2023. Et « la demande progresse dans tous les territoires »  sans distinction entre les zones considérées comme tendues et le reste de la France, rappelle le mouvement qui fédère les bailleurs sociaux.

100 000 nouvelles demandes par semestre

Ce nouveau « chiffre inédit »  traduit ainsi « l’impossibilité d’accéder aujourd’hui à un logement correct », constate-t-il en pointant les conséquences « dramatiques » : « Des millions de nos concitoyens en subissent les effets, parmi lesquels les jeunes actifs et les étudiants, qui ne parviennent plus à se loger, ainsi que les familles dont le pouvoir d’achat est mis à mal par le coût croissant du logement ». 

Parmi les demandeurs, les personnes seules et les familles monoparentales représentent 78,5 % des « primo-demandeurs ». La présidente de l’USH, Emmanuelle Cosse, a ainsi indiqué, lors d’une conférence de presse, qu’il y a une « accélération de l'évolution de la demande »  avec désormais « 100 000 nouvelles demandes en un semestre », contre « 100 000 nouveaux demandeurs en un an »  auparavant.

Et à peine une demande sur dix est désormais satisfaite, selon l’Agence nationale du contrôle du logement social (Ancols) qui pointe, outre le ralentissement des créations de logements sociaux, également le manque de rotation.

Un point de réjouissance, toutefois, la construction repartirait à la hausse. Les bailleurs sociaux seraient ainsi « en bonne voie »  pour engager la production de 100 000 logements sociaux cette année (contre 85 000 nouveaux HLM agréés en 2024), conformément aux objectifs qu’ils se sont fixés avec l’État en début d’année.

Plus précisément, la présidente de l’USH a fait état de 99 500 « intentions de programmation »  pour l'année 2025 (hors outre-mer), première étape avant de demander auprès de l'État un agrément pour construire un nouveau logement social, puis de lancer sa réalisation. En parallèle, la rénovation énergétique de 125 000 logements doit être engagée.

Nécessité de construire « 110 000 logements par an » 

« Un effort considérable, mais encore largement insuffisant pour répondre à la fois aux besoins sociaux et aux enjeux climatiques majeurs posés par la loi Climat et Résilience », estime l’USH dans son communiqué, tandis qu’Emmanuelle Cosse a évalué que « des objectifs de production de logements sociaux autour de 110 000 par an sont essentiels à terme », pour répondre aux besoins.

Sur ce point, la Banque des territoires vient, toutefois, de montrer, dans une étude parue la semaine dernière, la difficulté, si ce n’est l’incompatibilité, pour les bailleurs sociaux de concilier à la fois réhabilitations massives et hausse de la construction neuve de HLM, en l’état actuel des choses. 

Ainsi, s’il fallait maintenir un niveau de production d’au moins 100 000 nouveaux logements durant les prochaines décennies, voire un peu plus comme le souhaite Emmanuelle Cosse, le niveau de logements réhabilités tomberait, lui, à 82 000 logements en moyenne par an. Ce qui rendrait impossible l’atteinte de la neutralité carbone en 2050, d’après les projections de l’étude. Les objectifs de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) ne seraient qu'à moitié atteints à cette date et à 75 % en 2060.

Selon la Banque des Territoires, les bailleurs sociaux n'ont tout simplement pas les capacités financières suffisantes actuellement pour produire à un rythme élevé des nouveaux logements sociaux chaque année et atteindre la neutralité carbone d'ici 2050.

Sauver les aides à la pierre

Pour y parvenir, l’USH réclame donc « une rupture forte », reprenant la ligne annoncée par le Premier ministre, Sébastien Lecornu, lors de la passation de pouvoir à Matignon. 

Et en premier lieu, la suspension de la réduction de loyers de solidarité (RLS). Cette ponction de 1,3 milliard d’euros – ramenée à 1,1 milliard d’euros en 2025 – sur les recettes des bailleurs HLM a particulièrement rogné leurs marges de manœuvre depuis sa mise en place au tout début du mandat d’Emmanuel Macron. Cette mesure aurait le mérite de permettre de relancer la production de logements neufs et la réhabilitation de ceux existants déjà.

Pour « soutenir concrètement »  la construction et la rénovation, le Mouvement HLM réclame également le maintien du Fonds national d’aides à la pierre (Fnap) avec le déblocage de 700 millions d’euros d’autorisations d’engagement. Car cet outil de pilotage de la création de logements sociaux est menacé faute de financements prévus à partir de l'année prochaine.

Le Fonds a déjà perçu deux fois moins de recettes en 2025 que l'année précédente et trois fois moins que l'année de sa création, et la rénovation n’a pas été intégrée aux missions du fonds. En juin dernier, des sénateurs estimaient d’ailleurs qu’il faudrait « au moins 250 millions d’euros »  pour le « sécuriser »  en 2026 et demandaient le réengagement de l’État (désengagé de son financement depuis 2018).

« Vive inquiétude »  sur les engagements de l’Anru 

Rappelant « l’urgence d’amplifier les dispositifs de soutien à l’accession sociale et de mettre en place des outils efficaces pour maîtriser les coûts globaux de production, y compris ceux du foncier et des matériaux de construction », l’USH demande, par ailleurs, que les programmes de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) continuent. 

En effet, celle-ci exprime « sa vive inquiétude quant aux capacités de l’Anru à honorer, dans la durée, les engagements contractualisés avec les bailleurs et les collectivités pour financer la transformation des quartiers ». En cause, là aussi, le peu d’empressement de l’État à financer les opérations puisque, à fin 2025, celui-ci « n’aura versé que 13 % de sa contribution, là où Action Logement aura apporté 35 % et les bailleurs sociaux 47 % de leurs parts respectives ».

Alors que le programme actuel – le deuxième – s'achèvera en 2030, la ministre du Logement avait promis, en juin dernier, le doublement de son enveloppe pour 2026 et le lancement d’une mission de préfiguration pour poursuivre cette politique via un troisième programme… alors qu’un rapport sénatorial souhaitait la remettre en cause au même moment.

Malgré le contexte budgétaire contraint, la fédération enjoint donc le prochain gouvernement à faire de la lutte contre la crise du logement « une priorité nationale »  et de mettre les moyens dès le budget 2026.

Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2