Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 10 octobre 2025
Intercommunalité

Les élus d'Intercommunalités de France demandent une résolution rapide de la crise politique

Les élus intercommunaux, réunis en Convention à Toulouse, ont demandé aux responsables politiques nationaux de « trouver un compromis » pour faire sortir le pays de l'instabilité. De nombreux intervenants les ont invités à s'inspirer des méthodes de gouvernance des communes et intercommunalités. Temps forts. 

Par Franck Lemarc (à Toulouse)

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« Plus grand congrès d’élus locaux après celui de l’AMF » , comme l’a souligné Sébastien Martin, le président d’Intercommunalités de France, la 35e Convention de l’association des élus intercommunaux s’est déroulée à Toulouse les 8, 9 et 10 octobre, avec environ 2 000 participants. 

Naturellement, dans la mesure où cette convention s’est déroulée en plein milieu de la « mission »  Lecornu, et s’est ouverte mercredi sans que l’on sache si l’Assemblée nationale allait être ou non dissoute, ces incertitudes ont plané sur les travaux de la Convention. Directement – comme le montre la motion adoptée par les congressistes dès le premier jour – ou à front renversé – beaucoup d’intervenants jugeant que la gouvernance des communes et intercommunalités devrait inspirer les responsables nationaux. 

« Machine à fabriquer du compromis » 

Mercredi, la Convention a adopté à l’unanimité une motion dénonçant la situation politique et appelant les « responsables politiques nationaux »  à s’entendre. « L’incapacité des forces politiques à s’accorder sur un projet de gouvernement entraîne et entraînera des conséquences lourdes pour les Françaises et les Français, qui attendent impatiemment une résolution de cette crise. »  Comme cela a été maintes fois répété tout au long de la convention, les maires et présidents d’intercommunalité savent trouver « au quotidien la voie du compromis » . Plus spécifiquement, les présidents d’intercommunalité « font travailler ensemble des maires de toutes tendances politiques et parviennent à construire les consensus qui dépassent les clivages politiques. »  Intercommunalités de France (IdF) appelle donc « solennellement »  les responsables des grands partis « à se mettre autour de la table comme beaucoup d’entre eux l’ont déjà fait lorsqu’ils exerçaient des mandats locaux ». 

Cette idée selon laquelle les élus locaux ont, eux, le sens et l’art du compromis, a été centrale durant toute la convention. Elle a par exemple été défendue par le constitutionnaliste Benjamin Morel, invité à s’exprimer mercredi, et qui a livré aux congressistes un passionnant exposé sur les causes profondes de la crise politique actuelle, et qui a conclu en rappelant que les conseils municipaux et communautaires sont « des machines à fabriquer du compromis » . Au passage, l’universitaire a fustigé une politique continue de recentralisation par la destruction de la fiscalité locale : si les communes, a-t-il détaillé, sont souvent qualifiées de « petites républiques dans la grande », c’est parce qu’elles sont – ou elles étaient – le lieu où l’on paye un impôt et où l’on voit à quoi il sert. « Ce qui est le fondement du consentement à l’impôt » , c’est-à-dire « un apprentissage républicain » , explique Benjamin Morel. En détruisant l’impôt local, les gouvernements successifs ne mettent pas seulement à mal l’autonomie financière des collectivités, ils brisent aussi cet apprentissage – et les conséquences en sont désastreuses pour les citoyens et pour les collectivités, de plus en plus considérées, du fait de cette évolution, comme « des prestataires de service ». 

« Inspirez-vous de nous ! » 

Jeudi, en séance plénière, la situation politique du pays a encore plané sur les débats, bien que les élus fussent rassurés sur le caractère non imminent de la dissolution. Jean-Louis Moudenc, maire de Toulouse, a surtout dirigé ses foudres contre le projet de budget présenté en juillet, particulièrement violent pour les intercommunalités, « plus touchées que toutes les autres strates par les ponctions » . Refusant ce « cocktail explosif », le maire de Toulouse a rappelé que c’était l’État qui avait « voulu les intercommunalités »  et qu’il ne pouvait pas, aujourd’hui, « leur couper les ailes » . Dans l’esprit de la Convention – dont le titre est « Faire France ensemble »  –, Jean-Louis Moudenc a rappelé que les intercommunalités « font l’interface entre les territoires ruraux et urbains », qui sont « complémentaires », tout comme sont complémentaires « les communes et les EPCI ». 

Sébastien Martin, président d’IdF, a rappelé qu’au milieu de cette crise politique inédite, les élus locaux « font face » , et « restent le dernier visage visible de la République ». « Notre pays est divisé, fracturé, mais nous, élus locaux, montrons tous les jours que nous savons travailler ensemble, de droite, de gauche, du centre. (…) Les Français désespèrent de la politique, mais nous leur montrons ce que sont de véritables responsables politiques. » 

Face au projet « d’acte de décentralisation »  promis par Sébastien Lecornu (mais qu’en restera-t-il dans le programme du prochain gouvernement ?), Sébastien Martin a détaillé la position de son association : « Nous ne voulons pas de grand mercato des compétences ! La décentralisation, c’est de prendre des compétences à l’État et de les donner au niveau des collectivités les plus à même de les exercer. » 

Pour conclure son discours, Sébastien Martin a dit aux élus présents qu’ils pouvaient être « fiers de ce qu’ils ont accompli »  au terme d’un mandat d’une difficulté inouïe, « qui a commencé avec le covid et se termine dans une crise politique inédite » . Mais les élus ont tenu bon, et Sébastien Martin appelle « les responsables politiques nationaux à s’inspirer de nous ». 

Jean-Louis Borloo prône « une France fédérale » 

La journée d’hier a également été marquée par la visite surprise de Jean-Louis Borloo, ancien maire de Valenciennes et ancien ministre de l’Écologie, pour une « carte blanche »  d’environ une heure. Comme l’a expliqué Sébastien Martin, la décision d’inviter Jean-Louis Borloo a été prise vendredi dernier, c’est-à-dire avant les événements politiques de la fin du week-end et la démission de Sébastien Lecornu. Mais, hasard du calendrier (ou pas), cette visite s’est déroulée au moment même où le nom de Jean-Louis Borloo est évoqué pour Matignon, Bruno Retailleau lui-même ayant déclaré, un peu plus tôt dans la journée, qu’il ne serait pas contre participer à un gouvernement dont Jean-Louis Borloo serait Premier ministre, puisque celui-ci n’est « ni macroniste ni de gauche »  et qu’il est « disruptif ».

L’ancien ministre, dès avant son entrée en scène à la Convention, a indiqué aux journalistes qu’il n’avait reçu aucun coup de fil de l’Élysée, et que la question de sa présence à Matignon n’était pas à l’ordre du jour. Elle a néanmoins été très présente, en filigrane, dans son intervention, Jean-Louis Borloo déroulant ses idées pour sortir le pays du marasme politique et économique. 

Marchant micro, à la main, en mode « stand-up », très en verve et agrémentant son intervention de nombreux  « Putain les gars ! »  et de « Faut s’y mettre, les enfants ! », Jean-Louis Borloo a rappelé les idées qui lui tiennent à cœur depuis plus de vingt ans : une décentralisation qui irait jusqu’à « une France fédérale », une « union sacrée pour la jeunesse (…), notre trésor national » , et l’application des méthodes du Grenelle pour résoudre les problèmes. À la place de la « monarchie administrative » , dans laquelle ce sont « les inspecteurs et les comptables de l’État »  qui décident de tout, Jean-Louis Borloo veut « mettre autour d’une table, avec un paperboard », ceux qui agissent au quotidien, au premier rang desquels « les élus des territoires » , parce que ceux-ci ont une expérience unique : « Ils savent gérer les complexités humaines » . Promettant qu’avec une telle méthode, des solutions seront trouvées « en cinq jours » , pour « trouver qui doit faire quoi dans ce pays ». 

Il est à noter que Jean-Louis Borloo n’a pas exclu d’accepter Matignon si on lui propose, à condition qu’il soit répondu à la question : « Pour quoi faire ? ». « Je souhaite que le président de la République nomme un gouvernement capable de fixer un cap, et pas simplement expédier les affaires courantes. Le redressement doit commencer maintenant. » 

Un peu plus tard, devant des journalistes, l’ancien maire de Valenciennes a précisé : « Je suis quelqu'un de responsable, si un jour quelqu'un m'appelle, je répondrai de manière responsable à cette personne, point final. Et moi je reste à la disposition de tous mes amis, qui souhaitent que je mette un petit coup de booster dans le truc. » 

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