Les dépenses liées aux polices municipales en forte hausse sur le mandat 2020-2026
Par Franck Lemarc
Un an après la première l’OFGL publie une nouvelle étude sur les polices municipales, avec des données plus complètes. Cette étude s’appuie à la fois sur les comptes de gestion 2024 des communes, les recensements du ministère de l’Intérieur et – nouveauté – sur les données transmises par ce dernier sur les catégories d’armement des différentes polices municipales. L’étude porte sur un échantillon de 1 371 communes.
Dépenses en hausse
Premier constat : les dépenses de fonctionnement sont toujours en « forte hausse » : elles sont passées de 2,15 milliards d’euros en 2023 à 2,28 milliards en 2024, soit une hausse de 5,7 %. C’est moins qu’en 2022 (+ 9 %) et en 2023 (+ 7,7 %), mais ces années ont été marquées par la crise inflationniste et la hausse du point d’indice, ce qui explique des augmentations hors norme. Cette hausse de 5,7 % est, quoi qu’il en soit, très supérieure aux taux de croissance des dépenses de fonctionnement observés entre 2017 et 2021, qui tournaient plutôt autour de 3 %.
Elle est aussi deux fois plus importante que la hausse des dépenses de fonctionnement hors police municipale (3,5 % en 2024). Au final, en sept ans, « les dépenses de fonctionnement des polices municipales ont augmenté en moyenne de 41 % contre 16 % de croissance pour les dépenses de fonctionnement des autres services publics ».
Logiquement, cette dynamique conduit à ce que le poids relatif du coût de la police municipale augmente dans le total des dépenses de fonctionnement : il est passé de 3,18 % en 2017 à 3,84 % aujourd’hui.
« Plafonds indemnitaires »
Ces dépenses consacrées à la police municipale, dans les communes qui en sont dotées, sont essentiellement des dépenses de personnel (à 90 %). Cette proportion est spécifique aux polices municipales, rappelle l’OFGL, « dont la réalisation repose principalement sur les moyens humains » . La part des indemnités est, dans les PM, très supérieure à celle autres services publics : chez les policiers municipaux, le traitement indiciaire représente 50 % des coûts salariaux et les indemnités 24,5 % – contre 13,6 % chez les autres agents. Cela s’explique en grande partie par les heures supplémentaires, le travail de nuit ou le dimanche, bien plus courants dans les PM que dans les autres services.
Mais il s’agit également de la conséquence des tensions existant sur le recrutement : l’explosion du nombre de communes se dotant d’une police municipale a conduit – et conduit encore – à de lourdes difficultés de recrutement, voire à des débauchages d’une commune à l’autre, le montant des indemnités pouvant être un important facteur d’attractivité. Les maires ont donc tendance à chercher à augmenter les salaires pour attirer des policiers municipaux, « en se positionnant au plafond des régimes indemnitaires ».
L’étude de l’OFGL ne prend pas en compte les effets du nouveau régime indemnitaire mis en place en juin 2024, avec la création de l’ISFE (indemnité spéciale de fonction et d’engagement).
La différence entre les polices municipales et les autres services publics se matérialise aussi dans la hausse des effectifs : « En 2023, les effectifs de la filière police municipale étaient en hausse de 5,5 % contre 0,4 % pour l’ensemble des effectifs des fonctionnaires et contractuels des communes ».
Un « pic d’investissement »
Si les moyens humains sont fondamentaux, les polices municipales ont aussi besoin d’équipement, et les dépenses d’investissement qui y sont liées sont conséquentes : elles s’élèvent, selon l’OFGL, à environ 188 millions d’euros par an en moyenne sur les six dernières années. Les années 2023 et 2024 représentent « un pic » en la matière : « Ces deux années concentrent 58 % des investissements réalisés pour les polices municipales sur les cinq années du mandat actuel. » En 2024, les investissements atteindraient 314 millions d’euros.
Les investissements sont également bien supérieurs à ceux du mandat précédent, où ils atteignaient en moyenne autour de 100 millions d’euros par an, à comparer aux 314 millions de 2024.
Ces dépenses sont diverses : elles vont du bâtiment (39 % des dépenses) au matériel technique (19 %) et de transport (7 %).
Dépenses par habitant variables
En moyenne, les communes dépensent 48,3 euros par habitant pour leur police municipale, mais cette moyenne cache des disparités très importantes : un quart des communes dépense moins de 24,3 euros par habitant et un autre quart plus de 53,4 euros. Ces disparités tiennent notamment au nombre d’agents par habitant dans la commune – choix qui relève de l’appréciation du maire. Mais le budget par agent diffère aussi sensiblement d’une commune à l’autre. Ces différences tiennent à des niveaux de rémunération différents, mais aussi à des achats de fournitures et de matériel qui peuvent beaucoup varier, selon des critères qui sont détaillés dans l’étude.
L’enquête de l’OFGL met en avant, pour la première fois, l’impact de l’armement des polices municipales sur ses coûts de fonctionnement et d’investissement. Sur l’échantillon étudié, 91 % des PM ont « au moins une arme de catégorie D » (matraque, aérosol de gaz lacrymogène, etc.), et 66 % une arme létale (pistolet ou revolver). « Les niveaux de dépenses augmentent avec la catégorie d’armement » . Dans les communes où les policiers sont équipés d’armes létales, les dépenses par habitant sont 58 % supérieures à celles des communes où les armes sont non létales. Mais l’OFGL précise bien que « cette différence ne correspond pas à un surcoût causé par l’arme létale en elle-même. Elle traduit en partie des différences de tailles de structure de polices municipales par rapport à la population et les écarts entre doctrines. »
Et de conclure : « Les disparités de niveaux de dépenses en fonction des catégories d’armement sont finalement le reflet de différents types de polices municipales avec des doctrines d’emploi qui varient et qui s’adaptent aux besoins des communes tels qu’identifiés par les exécutifs locaux, qui restent libres et autonomes dans la gestion de leurs polices municipales. »
André Laignel, président de l’OFGL, souligne l’intérêt de cette étude, qui permet d’objectiver les dépenses liées à une police municipale, « au moment où le débat public bat son plein sur les prérogatives et l’armement des policiers municipaux ». Le renforcement progressif des polices municipales vient, en grande partie, des tentatives des maires de pallier les carences de l’État en matière de sécurité, ce qui représente une forme de transfert de compétence qui ne dit pas son nom. Pour André Laignel, c’est « l’exemple type d’un défi national placé au pied des mairies sans solution de financement. »
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