Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 9 décembre 2025
Laïcité

Il y a 120 ans, la séparation de l'Église et de l'État 

Ce 9 décembre 2025 marque le 120e anniversaire de la célèbre loi de 1905 « concernant la séparation des Églises et de l'État ». Si ce texte ne contient pas le mot de « laïcité », il en a néanmoins posé les principes fondateurs. Mais cette loi pose, avant tout, le principe de la liberté de conscience. 

Par Franck Lemarc

Trop souvent vue, à tort, comme une loi restrictive, la loi de 1905 est d’abord une loi de liberté. Elle dispose, dès l’article 1er : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes. » 

Adoptée à l’issue d’un furieux débat parlementaire entre partisans et adversaires de la séparation de l’Église et de l’État, cette loi a eu pour première conséquence de mettre au fin – sur la majeure partie du territoire – au Concordat signé en 1801 entre Napoléon et le Vatican, qui organisait les relations entre l’État et le clergé. 

De la Révolution au Concordat 

Il faut en effet rappeler que ce n’est pas la loi de 1905 qui a, pour la première fois, séparé l’Église et l’État en France : c’est la Révolution française. La Révolution, dès ses premiers jours, a mis fin aux privilèges du clergé puis nationalisé les biens de celui-ci, avant de prendre deux décrets, en 1794 et 1795, le premier supprimant le budget de l’Église et le second disposant, plus d’un siècle avant 1905, que « la République ne salarie aucun culte »  – phrase qui se retrouvera textuellement dans la loi de 1905. 

L’arrivée au pouvoir de Napoléon Bonaparte, après le coup d’État du 18 brumaire (9 novembre 1799), marque un retour à une religion d’État. Voulant, d’une part, mettre clairement fin aux excès de la Terreur contre les ecclésiastiques, et jugeant, d’autre part, que la religion était indispensable à la stabilité de l’État, Napoléon élabore un texte qui sera ratifié par le Vatican : c’est le Concordat, qui dispose dès son article premier que « la religion catholique (…) sera librement exercée en France », et que l’État devra « assurer un traitement convenable aux évêques et aux curés »  (« traitement »  étant à prendre, ici, au sens de « salaire » ), en contrepartie de la saisie des biens du clergé en 1790. Mais le même Concordat impose, par exemple, que les prêtres fassent réciter, à la fin de chaque messe, une prière en latin intitulée Seigneur, sauve la République, en lieu et place de l’ancienne prière Seigneur, sauve le roi

Toute la seconde partie du 19e siècle a été marquée par un affrontement politique violent entre cléricaux et anticléricaux. C’est en 1901 que le premier coup est porté au Concordat, avec la loi sur les associations, qui soumet les associations cultuelles à un régime d’autorisation et permet leur dissolution par décret. En 1902, les élections législatives voient la victoire du Bloc des gauches, et un gouvernement républicain est nommé sous la direction du très anticlérical Émile Combes, qui prône une application « rigoureuse »  de la loi de 1901 et fait fermer quelque 3 000 établissements scolaires catholiques ne bénéficiant pas d’une autorisation. Le gouvernement Combes engage une laïcisation complète de l’éducation en interdisant l’enseignement aux congrégations. Il interdira même purement et simplement certaines congrégations et fera expulser des religieux de leurs couvents. 

La dernière étape avant la séparation de l’Église et de l’État fut, en 1904, la rupture des relations diplomatiques entre l’État français et le Vatican, qui vidait de facto de son sens le Concordat de 1801.

La commission Briand

La loi de 1905 a été préparée par une commission dirigée notamment par Aristide Briand, où vont s’affronter des laïcs modérés, dont Aristide Briand, et des anticléricaux très radicaux, partisan de Clemenceau, qui prônent la destruction de l’Église catholique, sa mise sous tutelle complète par l’État et la transformation des églises en « maisons du peuple »  et en bourses du travail.

Finalement, la commission élabore un texte plutôt mesuré par rapport aux velléités des anticléricaux les plus radicaux – ce qui n’empêchera pas, pendant les débats parlementaires, de furieuses batailles. La loi est adoptée définitivement le 6 décembre 1905 et promulguée le 9. Trois ans plus tard, le Vatican prononcera l’excommunication de tous les députés et sénateurs ayant voté ce texte. 

Ce que dit la loi

La loi de 1905 a donc, premièrement, proclamé la liberté de conscience, en déclarant chacun libre de croire ou de ne pas croire et d’exercer librement « les cultes »  – le pluriel est important, dans la mesure où le Concordat donnait la priorité à la seule religion catholique. 

Le texte met fin à la rémunération du clergé par l’État et abandonne la nomination des évêques par l’État. Les anciens « établissements publics du culte »  sont dissous et remplacés par des associations cultuelles, qui ne peuvent, en aucun cas, toucher de subventions publiques, ni de l’État ni des communes. 

Quant aux édifices cultuels qui avaient été nationalisés pendant la Révolution française, ils restent propriété de l’État ou des communes. Ceux qui étaient propriété des anciens établissements publics du culte sont, en revanche, rendus aux cultes, sous conditions qu’ils aient créé les associations cultuelles prévues par la loi. Dans les années qui ont suivi, devant le refus de l’Église catholique de créer de telles associations, une loi de 1907 déclarera tous les édifices catholiques propriété publique. 

Enfin, la loi de 1905 a créé une « police des cultes », toujours en vigueur aujourd’hui, soumettant les manifestations et réunions religieuses aux mêmes règles que toutes les autres : obligation de ne pas troubler l’ordre public, déclaration préalable pour toute manifestation ou cérémonie. C’est également cette loi qui a interdit la tenue de réunions politiques dans les locaux cultuels et qui a proscrit l’apposition de tout signe ou emblème religieux « sur les monuments publics ou quelque emplacement public que ce soit ». 

Rappelons enfin que cette loi fondatrice de 1905, complétée au fil du temps par plusieurs autres lois – dont la récente « loi contre le séparatisme »  du 24 août 2021 – n’est pas en vigueur sur l’ensemble du territoire national : l’Alsace et la Moselle restent toujours sous le régime du Concordat ; et la séparation de l’Église et de l’État n’est pas en vigueur en Guyane, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte. Dans ce dernier département, par exemple, les cadis – dignitaires religieux musulmans jouant un rôle de médiateur – sont restés rémunérés par la préfecture jusqu’en 2004, et le sont maintenant par le département. 

À noter que l’AMF, à l’occasion du 120e anniversaire de la loi de 1905, a réalisé une exposition en partenariat avec les éditions Hors Pistes / Les livres géants laÏcité et le Petit Gibus, dans le but de « transmettre, notamment aux jeunes générations, les principes de la République et l’envie de les promouvoir ». Cette exposition, à la fois destinée aux enfants et aux adultes, s’intitule Les maires au service des valeurs de la République et permet « d’identifier le rôle des communes dans la mise en œuvre de ces principes, notamment la laïcité, avant et après la loi de 1905, mais aussi leur concrétisation au quotidien dans les communes de France (accueil en mairie, services publics communaux, …) » 
Les fichiers peuvent être téléchargés sur le site de l’AMF.
 

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