Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du lundi 27 mars 2023
Justice

Violences dans les manifestations : le gouvernement durcit le ton

Le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, vient de publier une instruction relative au traitement judiciaire des infractions commises à l'occasion des manifestations ou des regroupements en lien avec les contestations contre la réforme des retraites. Il appelle à une fermeté particulière dans le cas des violences contre les élus. 

Par Franck Lemarc

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© ADF

Après une semaine marquée par la multiplication des affrontements entre manifestants violents et forces de l’ordre, dans le cadre du mouvement de protestation contre la réforme des retraites, la journée de samedi a été le théâtre de scènes de chaos à Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, où avait lieu une nouvelle manifestation contre les « méga-bassines ». Cette manifestation, interdite par la préfecture, a très rapidement dégénéré et s’est soldée par plusieurs heures d’affrontements extrêmement violents entre certains manifestants et les quelque 3000 policiers et gendarmes présents sur le terrain. Bilan, des dizaines de blessés tant chez les manifestants que chez les gendarmes, certains très gravement. Selon le procureur de Niort,  47 gendarmes ont été sérieusement blessés, dont deux très grièvement. 200 manifestants auraient été blessés, dont au moins un, apparemment atteint à la tête par une grenade de désencerclement, est encore ce matin entre la vie et la mort. 

Versions opposées

Deux jours après ces événements, les versions des deux camps s’opposent. Côté gouvernement, on dénonce la présence de quelque 1500 manifestants radicaux et, selon les mots du ministre Christophe Béchu ce matin, « un déferlement de violence inouï ». « Il faut arrêter avec la fable des gens qui sont allés faire une petite balade bucolique », s’irrite le ministre, qui parle d’un véritable « arsenal »  saisi chez certains manifestants, évoquant notamment les mortiers et les cocktails Molotov dont ceux-ci ont fait usage contre les forces de l’ordre.

Côté manifestants et élus de gauche, la version est radicalement différente, évoquant une attitude « provocatrice »  des forces de l’ordre et un usage « disproportionné »  de la force. Des questions se posent notamment sur l’usage de quelque 4000 grenades lacrymogènes en moins de deux heures, et surtout sur celui des grenades de désencerclement, qui ne doivent en théorie qu’être lancées au ras du sol, et auraient, samedi, été lancées à hauteur d’homme, ce qui aurait occasionné de graves blessures. 

Réquisitions

Dans ce contexte plus que tendu, et à la veille d’une nouvelle manifestation contre la réforme des retraites, le garde des Sceaux rappelle, dans une instruction, que « le droit de manifester et la liberté d’expression doivent être garantis et assurés », mais que « leur exercice ne saurait donner lieu à la commission de troubles graves à l’ordre public, à des atteintes aux personnes et aux biens et à des actes d’intimidation et des menaces contre les élus ». 

Adressée aux procureurs, cette instruction vise à rappeler à ceux-ci les outils dont ils disposent pour prévenir et traiter ce type d’infractions. Il est en particulier rappelé que la loi permet désormais aux procureurs de délivrer des réquisitions afin d’autoriser les forces de l’ordre à fouiller  les véhicules et les bagages aux abords des manifestations. 

Le ministre insiste également – alors que les critiques fusent sur les arrestations nombreuses qui ont émaillé des manifestations récentes, le plus souvent sans suite – sur l’obligation de rédiger en cas d’interpellation « une fiche de mise à disposition destinée à assurer l’information immédiate de l’officier de police judiciaire sur les éléments ayant justifié lesdites interpellations et de permettre l’identification des agents interpellateurs et témoins éventuels ». 

Éric Dupond-Moretti demande également aux procureurs, dans les départements les plus concernés, de mettre en place « une permanence dédiée au traitement des infractions commises en marge des mouvements de contestation ».

Infractions contre les élus

Alors que plusieurs députés de la majorité font état de menaces écrites – parfois particulièrement violentes – et que les dégradations contre les permanences parlementaires se multiplient, le garde des Sceaux appelle les procureurs à « attacher une attention particulière aux infractions qui seraient commises contre des élus ». Il leur demande d’apprécier, chaque fois que nécessaire, « la possibilité de retenir les qualifications prévues par l’article 433-3 alinéa 6 du code pénal, qui dispose qu’est puni de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende le fait d’user de menaces, de violences ou de commettre tout autre acte d’intimidation pour obtenir d’une personne investie d’un mandat électif public ». En cas de violences avérées contre des élus ou des membres des forces de l’ordre, le ministre demande des défèrements immédiats. 

Il rappelle enfin que des mesures complémentaires peuvent être prises « pour éviter la réitération des faits », telles que les peines d’interdiction de séjour pour les ressortissants étrangers, les peines « d’interdiction de paraître en certains lieux », ainsi que les « interdictions de participer à des manifestations sur la voie publique ». 

Ce durcissement du ton de l’exécutif s’est traduit rapidement dans les faits : vendredi, un manifestant qui avait agressé jeudi un policier en lui portant un coup avec une planche de skate-board s’est vu condamner, en comparution immédiate, à une peine de trois ans de prison ferme, et a été immédiatement incarcéré. 

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