Les maisons des jeunes et de la culture, un réseau plus jeune qu'il n'y paraît
Par Emmanuelle Stroesser
Quintin, Plouha, Bégard, Lamballe-Armor et Saint-Brieuc. Le choix de ces communes, de 2 700 à 44 600 habitants, pour accueillir la convention des maisons des jeunes et de la culture (MJC), la première depuis la création de MJC de France en avril 2022 (fusion de deux anciennes fédérations), ne doit rien au hasard. Il s’agissait de mettre en avant à la fois un département « dense » en MJC, et l’implantation rurale de celles-ci (1).
Une « maison des jeunes et de la ruralité » , c’est d’ailleurs le nom que la commune de Plouha a inventé pour affirmer l’identité de sa structure, et dont la scène ouverte a été étrennée pendant la convention. « Nous en avons eu l’idée en 2016. Nous avions une coopérative agricole en friche, 1 000 mètres carrés en face du collège, et nous avons eu l’envie d’en faire une coopérative à la fabrique du commun ! La ruralité a tellement à partager pour faire société et fraternité » , explique son maire, Xavier Compain. Une conviction communicative parmi les 500 participants, dont une bonne moitié de moins de 25 ans.
L’effet ciseau
Le réseau ne distribue pas de label en tant que tel, les appellations peuvent être donc variées selon les communes (2). Ce qui fédère les MJC, c’est un cadre politique commun et de référence, et des « fondamentaux » (le processus démocratique, l’accueil inconditionnel, la place des collectivités, etc.).
Si la majorité d'entre elles ont été créées il y a des décennies, il s’en crée toujours de nouvelles, comme à Plouha, mais il s’en ferme aussi. Surtout depuis ces deux dernières années, marquées par « des liquidations pour raisons économiques » , relève Patrick Chenu, directeur de MJC de France.
Leur modèle économique repose, en moyenne, sur 52 % de subventions publiques (en majorité des municipalités, en plus petite partie des CAF pour des actions jeunesse et les agréments centre social, de l’État avec des postes Fonjep, des Drac, ou plus à la marge, des régions). Le reste des ressources, 48 %, provient des cotisations et recettes d’activités.
Les MJC subissent donc, elles aussi, l’effet ciseau d’une baisse de certaines subventions, le « coup de rabot » sur les services civiques, comme la hausse des coûts de fonctionnement (inflation des prix des fluides, +10 % de la masse salariale suite à des accords de branche). L’amortissement est impossible pour les plus fragiles. « Or, en 2023, la moitié des MJC était en déficit, les marges de manœuvre se réduisent » , pointe le président de MJC de France, Jean-Yves Macé.
Faire vivre le débat
« Le projet MJC reste pourtant désirable, dans sa vocation de transformation sociale, émancipatrice », revendique le directeur. « Même s’il n’est pas peut-être pas assez lisible et visible » , nuance le président. « Les MJC sont des lieux de débat, nous tenons à l’implication de chacun, jeunes comme élus, qui siègent dans nos conseils d’administration, nous devons rester des espaces de confrontation pacifique », plaide Jean-Yves Macé. Cette convention était d’ailleurs placée sous le thème des « transmissions ». « Parce qu’il faut remettre en question la motivation et la mobilisation des militants que nous sommes, toujours s’intéresser à la place que l’on laisse aux jeunes, aux nouvelles formes d’engagement » , poursuit-il.
Le message de certains élus venus participer à des ateliers a été encore plus franc et direct, comme celui du maire de Plouvenez-Moëdec, Gérard Quilin, lors d’un atelier sur l’action culturelle de proximité : « Les MJC sont politiques et c’est normal, on a besoin de vous. Aux plus jeunes, je dis, participez à la politique, sinon elle se fera contre vous ! ».
« On a effectivement besoin de lieux où l’on apprend à participer à la vie démocratique, où l’on découvre et comprend un collectif, l’éducation populaire fait partie de ces autres formes d’éducation que l’on soutient » , acquiesce Émilie Kuchel, adjointe aux politiques éducatives de Brest, venue en voisine mais davantage avec la casquette de présidente du Réseau français des villes éducatrices. Sa ville vient justement de voter une hausse de la subvention aux MJC de la ville.
62 % des communes maintiennent leurs subventions. Ce qui veut dire que près de 40% les diminuent… « Les élus se trompent lorsqu’ils mettent en concurrence des établissements culturels sous prétexte d’économie, à long terme c’est terrible » , soupire un ancien adjoint, aujourd’hui administrateur d’une MJC en Bourgogne Franche-Comté.
Valoriser l’engagement des jeunes
À l’heure où certains mettent en doute la capacité d’engagement des jeunes, il leur est recommandé d’ouvrir les portes d’une MJC. Une personne sur deux les fréquentant a moins de 25 ans. De quoi vivifier certains échanges… « Quand je suis arrivée, je cherchais un stage, j’étais un peu perdue » , raconte une jeune fille. « On m’a transmis, et j’ai appris à transmettre à de plus jeunes » explique une autre. « C’est pas toujours drôle, c’est parfois long, mais on s’y sent reconnu ». « J’ai l’impression de me rendre utile, d’avancer vers une société plus égalitaire, c’est peut être naïf ou utopique mais c’est suffisant pour que je souhaite m’engager », ajoute une autre. « C’est un lieu imparfait où on apprend à échanger avec les autres, on remet nos certitudes en question, où on fait un pas de côté », enchaine une jeune femme. « J’ai ouvert la porte d’une MJC pour ne plus m’embêter le mercredi après-midi et trois ans plus tard je suis entrée au conseil d’administration, aujourd’hui je suis plus sûre de moi » , exprime une autre. Dans le public, les adultes apprécient. D’ailleurs, n’est-ce pas aussi le sens du message vidéo envoyé par la ministre de la Culture, confiant avoir été une « enfant de l’éducation populaire » ?
(1) 43% des MJC sont rurales. La majorité des MJC urbaines sont plutôt dans des villes entre 5 000 et 10 000 habitants, une sur cinq est installée dans un quartier prioritaire de la ville. Les 1000 MJC se répartissent dans 850 collectivités.
(2) L’appellation « MJC » recouvre plusieurs structures associatives qui partagent les mêmes valeurs : Maison pour Tous, de quartier, de Loisirs et de la Culture, de la Vie Citoyenne, Centre d’animation, rural, socio-éducatif, Foyer de Jeunes, Espace culturel, OCAL, Forum, etc.
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