Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 21 janvier 2021
Interview

André Laignel : « En l'état, les Contrats de relance et de transition écologique actent l'effacement des communes et des maires »

Les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) ont été lancés à la fin de l'année dernière, dans le cadre du plan de relance présenté par le gouvernement en septembre ; établis sur la durée du mandat, soit six ans, ils doivent englober l'intégralité des politiques contractuelles entre l'État et le bloc communal, mais aussi s'adosser sur les contrats de plan État-région (CPER). 
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© A. Février

Devant être signés en juin au plus tard, à un échelon intercommunal ou supérieur, ils visent à faire pénétrer dans l’ensemble des « territoires »  du pays le maximum de crédits du plan de relance. Mais pour André Laignel, premier vice-président délégué de l’Association des maires de France et président de sa commission intercommunalité, ces contrats, élaborés dans la précipitation et le manque de moyens dédiés, cachent une « recentralisation à marche forcée »  qui contribue toujours plus à « l’effacement des communes » 

Pour l’AMF, les CRTE ne sont-ils pas une bonne nouvelle ?

Nous sommes évidemment ouverts à l’idée de contrats avec l’État mais en l’état, les CRTE n’en sont pas. On veut nous faire signer à marche forcée ces contrats qui, en réalité, reflètent la volonté du gouvernement de procéder à une recentralisation accélérée, puisque les CRTE devront être totalement en accord avec les priorités gouvernementales ; ils ne seraient même que le reflet de cette volonté. Ce n’est pas le seul domaine où le gouvernement cherche à recentraliser : on en a l’exemple avec les agences de l’eau, dans le projet de loi 4D, ou la politique du logement, avec des tentatives répétées de retirer aux maires le permis de construire ; l’imposition des priorités de l’État continue avec les CRTE, comme par exemple l’objectif de zéro artificialisation, qui limite de fait les capacités à construire selon les documents d’urbanisme votés par les collectivités.
Il faut aussi signaler que le calendrier d’élaboration des CRTE, très serré, ne permet pas un travail sérieux, puisqu’ils devront être finalisés en juin, après la définition du périmètre, qui devaient être fixés avant le 15 janvier par les préfets, mais n’est pas encore finie (lire Maire info des 25 novembre et 17 décembre 2020).

Et ils ne concernent que les intercommunalités…

Oui, les négociations en cours laissent totalement les maires de côté ; c’est inacceptable ! Car les communes ont la clause de compétence générale, elles sont les seules à l’avoir, et les intercommunalités ne peuvent pas signer à la place des maires pour des projets qui relèvent des seules compétences communales. Si les EPCI signent pour l’ensemble des projets, cela veut dire leur donner de facto la clause de compétence générale, ce qui n’a aucun sens juridiquement et sur le terrain. Si le président de la communauté signe, et que c’est la commune qui paie, cela ne tient pas la route ! Il faudra bien avoir une délibération du conseil municipal si on veut que le projet se réalise. C’est totalement boiteux.

Mais le plan de relance va bien flécher 16 milliards d’euros vers les collectivités ?

C’est un habillage gouvernemental de faire croire qu’il y a des crédits de relance ; ces contrats ne s’accompagnent d’aucun moyen nouveau. Les 16 milliards d’euros territorialisés annoncés par le gouvernement n’ont jamais été détaillés et la confusion est entretenue sur ce que sont des « crédits aux territoires ».. Ce ne sont pas des crédits qui seront alloués aux collectivités locales ; ils incluent, par exemple, des crédits au logement. Mis à part la dotation de soutien à l’investissement local (Dsil) exceptionnelle, dont la moitié, soit 500 millions d’euros, a déjà été engagée, et quelques moyens sur la transition énergétique, par exemple sur l’isolation thermique des bâtiments, il n’y a rien. Ces 16 milliards sont un argument de propagande, et pas un acte de réalité. De plus, les CRTE sont censés pouvoir accueillir des financements régionaux et départementaux, mais certaines de ces collectivités ont déjà dit qu’elles n’y participeraient pas – ou bien selon leurs propres critères.

Quelles sont les demandes de l’AMF pour obtenir des contrats acceptables ?

D’abord, un calendrier raisonnable, si on veut travailler sérieusement ; au moins jusqu’à la fin octobre, voire novembre, car il y a 40 % de nouveaux maires, qui sont englués dans la crise. On ne peut pas leur demander d’élaborer en quelques semaines un projet qui les engage sur la durée du mandat, qui plus est dans le contexte actuel, où personne n’a aucune visibilité.
Ensuite, que des moyens financiers nouveaux soient mis à disposition.
Enfin, il faut veiller au respect des compétences de chacun : nous demandons à ce que l’ensemble des communes soient invitées à déposer des projets de territoire, que les maires soient individuellement associés, concertés, qu’ils soient partie prenante des négociations et que, si leurs projets communaux sont retenus, qu’ils soient signataires des contrats. Autrement, aujourd’hui, on procède à l’effacement de la commune, du maire et de l’équipe municipale. Faisons simple : laissons, une fois de plus, de la liberté aux élus, et veillons à ce que chacun reste dans le cadre de ses compétences.

Propos recueillis par Emmanuel Guillemain d’Echon

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