Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 27 octobre 2022
Intercommunalité

La Cour des comptes demande que les intercommunalités prennent la main sur les communes dans le bloc communal

Toute une partie du rapport de la Cour des comptes publié hier est consacrée à l'intercommunalité, les magistrats s'interrogeant sur « la place » de celle-ci dans le bloc communal. Ils préconisent des réformes profondes visant à donner la prééminence aux EPCI sur les communes au sein du bloc communal, dont le versement direct de la DGF aux intercommunalités. La Cour des comptes plaide également pour une relance des communes nouvelles. 

Par Franck Lemarc

Maire-Info
© Cour des comptes

L’intercommunalité « au milieu du gué ». C’est ce qui ressort de la seconde partie du rapport de la Cour des comptes publié hier, et dont la première partie était consacrée à l’état des finances locales (lire Maire info d’hier). 

La Cour des comptes dresse le bilan de l’intercommunalité après que la loi Notre eut rendu obligatoire l’adhésion à celle-ci. Cette réforme a amené une couverture complète du territoire par les EPCI et une disparition des petites intercos (moins de 5 000 habitants), qui représentaient plus de 20 % du nombre total d’EPCI à fiscalité propre en 2010. La population moyenne des EPCI est passée d’environ 22 200 en 2010 à 54 600 en 2020. 

« Légitimité démocratique » 

La Cour admet que cet élargissement des périmètres communautaires a conduit à une forme « d’émiettement »  et à une augmentation du nombre d’élus dans les assemblées communautaires qui « a pu engendrer un sentiment de démobilisation et de moindre reconnaissance »  chez les élus des petites communes rurales. Elle en conclut que « la question de l’approfondissement de la légitimité démocratique des EPCI reste posée ». 

Ce qui, en d’autres termes, revient à remettre sur la table la question de l’élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct. Les magistrats de la rue Cambon l’écrivent d’ailleurs noir sur blanc, en conclusion du rapport, tout comme ils demandent une réflexion sur la transformation des EPCI en collectivités territoriales, comme le réclame l’association Intercommunalités de France. 

Dans sa réponse à ce rapport, l’AMF se montre particulièrement agacée par le retour de ces propositions, qu’elle juge « dépassées », dans le contexte « d’une crise démocratique profonde qui appelle à davantage de proximité ». « Notre pays n'a pas besoin d'élections supplémentaires ni d'addition de structures locales. Ce serait une erreur d'appréciation politique », juge l’AMF. 

« Présupposé »  contre les communes

L’ensemble du rapport de la Cour des comptes est traversé par l’idée que l’intercommunalité doit prendre la main sur les communes, devenir « la locomotive du bloc communal ». Elle regrette clairement ce qu’elle appelle la « prééminence communale ». De très nombreuses formules utilisées dans le rapport montrent cet état d’esprit des magistrats. Par exemple, ils semblent clairement déplorer que « les règles définissant la gouvernance, la répartition des ressources et la mutualisation (soient) souvent favorables aux communes ». 

La Cour propose donc un certain nombre de mesures pour inverser la tendance et rendre « plus efficace »  l’organisation du service public local en allant vers plus d’intégration intercommunale. Sauf que, comme l’écrit l’AMF, les magistrats ne cherchent à aucun moment à prouver l’efficacité d’une telle mesure, qu’ils présentent comme une évidence. Il s’agit pourtant d’un « présupposé de principe », selon l’AMF, que les magistrats posent « en postulat, sans établir sa pertinence. » 

DGF territoriale

Parmi les mesures les plus spectaculaires proposées par la Cour des comptes, il faut citer l’instauration d’une « DGF territoriale ». 

« L’exercice de compétences au niveau communautaire donne lieu pour les EPCI à des compensations financières fréquemment insuffisantes, écrit la Cour des comptes. Les dispositifs de solidarité financière à l’échelle de l’EPCI sont souvent dévoyés, conduisant à un saupoudrage des moyens sans analyse des besoins de chaque acteur. » 

Pour y remédier, les magistrats proposent de rendre obligatoire la DGF territorialisée, déjà permise par une loi de finances de 2010 mais jamais utilisée jusqu’à présent. Il s’agit, en bref, de verser la DGF aux EPCI et de laisser ceux-ci se charger ensuite de la répartition des dotations entre leurs communes membres. 

Une proposition que l’AMF, naturellement, dit « ne pas pouvoir accepter » : elle signifierait en effet « la rupture de toute relations financière entre l’État et les communes ».  Elle ne partage pas non plus la proposition faite par la Cour de rendre obligatoires des « conventions de partage »  du produit de la TFPB (taxe foncière sur les propriétés bâties) entre communes et intercommunalités. « Si un partage peut avoir lieu dans le cadre d’un accord », souligne l’AMF, « il ne peut en aucun cas être imposé, sauf à pénaliser la seul (…) dynamique des recettes communales ». 

Communes nouvelles

Il est à noter que la Cour des comptes recommande, comme le fait également l’AMF depuis plusieurs années, la création de communes nouvelles. Elle souhaite que la création de communes nouvelles devienne « une priorité de court terme, assortie à nouveau d’incitations ». Elle voit d’un très bon œil l’outil nouveau que constituent les « communes-communautés », dispositif porté par l’AMF et créé par la loi du 1er août 2019 (loi Gatel), permettant à une commune nouvelle instaurée sur l’ensemble du périmètre d’un EPCI de ne pas avoir à adhérer à un autre EPCI plus grand. 

Reste que même sur la question des communes nouvelles, la Cour des comptes reste sur une vision très différente de celle de l’AMF. Si cette dernière a toujours considéré les communes nouvelles comme une manière de renforcer les communes, la Cour des comptes les voit au contraire comme un outil permettant de renforcer … l’intercommunalité. Ainsi les magistrats écrivent-ils que « les communes nouvelles constituent un levier manifeste pour assurer l’efficacité et le bon fonctionnement de la gouvernance des intercommunalités ». Ce qui est, conclut l’AMF, une vision « contre-productive ». 

Accéder au rapport.
 

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