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Édition du vendredi 19 décembre 2025
Handicap

Ecole inclusive : une proposition de loi pour intégrer les AESH dans la fonction publique

Alors que la pénurie d'accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) peine à se résorber, une proposition de loi propose d'intégrer ces professionnelles dans la fonction publique. Le texte sera examiné en séance publique au Sénat le 7 janvier prochain. 

Par Lucile Bonnin

C’est ce mercredi 17 décembre que la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport du Sénat a examiné avant d’adopter une proposition de loi visant à intégrer les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) dans la fonction publique et à garantir une meilleure inclusion des élèves en situation de handicap et à besoins éducatifs particuliers. 

Hasard de calendrier, la veille, les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) se sont mobilisés à la suite d’un appel à la grève de plusieurs syndicats professionnels. Parmi leurs nombreuses revendications : créer un corps de fonctionnaires de catégorie B pour les AESH – ce que propose précisément le texte. 

Mettre fin à une « précarité institutionnalisée » 

Voilà plusieurs années que les conditions de travail et de rémunération des AESH apparaissent comme « indignes »  aux professionnelles concernées mais aussi à certains parlementaires à l’instar de la sénatrice de la Drôme, Marie-Pierre Monier, également rapporteure de la proposition de loi examinée cette semaine en commission.  

Dans l’exposé des motifs, la sénatrice dénonce des « temps partiels subis et un salaire moyen aux alentours de 1 000 euros net par mois, soit un montant en deçà du seuil de pauvreté ». « Outre l'insuffisante reconnaissance des personnels concernés, à 90 % des femmes, cette précarité institutionnalisée nuit à l'attractivité de la profession : la situation de pénurie qui en résulte dans certains territoires conduit à pénaliser les élèves porteurs de handicap eux-mêmes, qui ne peuvent bénéficier de l'accompagnement humain auquel ils ont pourtant droit. » 

Les dysfonctionnements ont été multiples ces dernières années dégradant encore davantage les conditions de travail de ces professionnelles mais aussi les conditions d’accueil des enfants. Les AESH peuvent se retrouver à devoir accompagner plus de 10 élèves en une semaine, ou à devoir suivre plusieurs élèves simultanément et voient régulièrement leurs emplois du temps évoluer, selon le rapport de la commission sénatoriale. 

Alors que les prescriptions d’aide humaine augmentent chaque année, le nombre d’AESH reste insuffisant avec un taux de turn-over trop important. Selon la CFDT, entre 2020 et 2023, un tiers des AESH ont démissionné. 

Créer un cadre d’AESH au sein de la fonction publique 

« Pour avancer sur ce sujet et faire pleinement aboutir la dynamique de professionnalisation de ces personnels, l'étape de l'intégration des accompagnants des élèves en situation de handicap dans la fonction publique de l'État doit être franchie », peut-on lire dans l’exposé des motifs. 

Ainsi l’article 1er du texte prévoit une intégration des AESH dans la fonction publique de l'État, dans la catégorie B. Les professionnelles « exerceront leurs missions durant le temps scolaire, la pause méridienne et le temps périscolaire mais aussi, si besoin, en internat, et seront rémunérés sur la base d'un temps plein. »  Précisons que le texte prévoit une intégration comme fonctionnaires de tous les AESH en poste au 1er janvier 2026 ainsi qu’une CDisation pour les AESH actuellement en fonction qui ne rempliraient pas les conditions pour devenir fonctionnaire.

La proposition de loi porte aussi d’autres dispositions concernant l’accompagnement des élèves porteurs de handicap. Ainsi, l’article 2 vise à ajouter la langue française parlée complétée parmi les choix à disposition des jeunes malentendants au cours de leur scolarisation, en complément de la communication bilingue « langue de signes/langue française »  et une communication en langue française. Pour mémoire, la langue française parlée complétée est « basée sur une codification de la trentaine de sons existants dans la langue française »  et « vient s’associer à la lecture sur les lèvres pour lever les ambigüités sur les sons parlés ». 

Une autre disposition du texte concerne directement les collectivités : l’article 3 prévoit la possibilité pour le conseil municipal de décider de réserver un local adapté aux différents dispositifs nécessaires à l’accueil des élèves en situation de handicap ou à besoins éducatifs particuliers, en cas de construction ou de réhabilitation d’un bâtiment scolaire dont elles ont la charge. Ce local pourrait, comme le rapport de la commission le souligne, « être mis ponctuellement à disposition des personnels médico-sociaux spécialisés (ergothérapeute, orthophoniste), dans le cadre du parcours de soins d’un élève défini par la MDPH ou encore faciliter le développement des dispositifs d’autorégulation (DAR) afin de mieux accompagner les élèves souffrant d’un trouble du neurodéveloppement ». Pour rappel, le DAR consiste à alterner la présence de l’élève entre une classe dite normale et une salle d’autorégulation : on en compte aujourd’hui 116 en France. L’AMF considère que cet article 3 dépend en grande partie des possibilités techniques et des moyens financiers de la commune. De plus, la référence au conseil municipal peut poser des difficultés et faire naître des tensions.

Une réforme onéreuse et complexe 

Si la commission sénatoriale a adopté ce texte le 17 décembre, de nombreuses réserves ont été exprimées « en raison du coût élevé de l’intégration des AESH dans la fonction publique »  et « de la complexité qu’elle induit (évolution de ce métier, modalités d’intégration et d’affectation de ces agents ou encore ajustements nécessaires pour l’enseignement privé sous contrat) ». 

Les sénateurs estiment que « les conséquences d’une telle réforme systémique sur l’école inclusive »  nécessiterait « un travail plus approfondi dans le cadre d’un projet de loi ».

Cet été, dans le cadre de l’examen de la proposition de loi visant à « renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers », certains sénateurs avaient demandé au gouvernement de mener une étude d’impact analysant les modalités de création d’un corps de la fonction publique pour les AESH. L’ex ministre de l’Éducation nationale, Elisabeth Borne, avait alors reconnu « que le cadre actuel n’est pas satisfaisant », et avait annoncé qu’un rapport conjoint de l’inspection générale des affaires sociales et de l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche était en cours « pour réfléchir au meilleur cadre qui pourrait être proposé aux AESH ». Depuis, aucun rapport n’a été publié sur le sujet. 

Cette absence d’étude d’impact risque bien de freiner les débats autour de ce texte. Les discussions auront lieu en séance publique au Sénat le 7 janvier 2026.

Pour sa part, l’AMF, auditionnée le 9 décembre par le Sénat, s’inquiète de l’évolution de la discussion parlementaire. Le texte issu de la commission prévoit notamment qu’il appartiendrait dorénavant aux collectivités de recruter les AESH intervenant sur le temps périscolaire, même si l’État continuerait à les financer, ce qui remettrait en cause l’équilibre trouvé avec la loi Vial du 27 mai 2024 (recrutement et financement par l’État). Cet énième changement du cadre applicable aux AESH pose un problème compte tenu des difficultés de recrutements auxquelles sont confrontées les collectivités. Il ne conviendrait pas de revenir sur un mécanisme de conventionnement avec l’Education nationale, qui a été jugé complexe au début de la mise en œuvre de la loi Vial (la note de service du 24 juillet 2024 prévoyant ce conventionnement ayant été abrogée, et remplacée par le décret du 14 février 2025). En outre, le texte issu de la commission n’est plus aussi clair concernant le recrutement et le financement des AESH sur le temps scolaire. L'AMF rappelle que ces derniers doivent continuer de relever de l’État.

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