Maire-info
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Édition du lundi 6 décembre 2021
Gouvernement

Gouvernance des agences de santé : le gouvernement n'ira pas plus loin

Lors de son discours de clôture des Assises des départements de France, le Premier ministre a accepté quelques-unes des propositions faites par l'association. Sur la gouvernance des Agences régionales de santé, en revanche, aucune avancée n'est à constater.

Par Franck Lemarc

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© Gouvernement.fr

Le Premier ministre s’est exprimé devant le congrès de l’ADF, vendredi, soit 72 heures avant le début de l’examen en séance publique, à l’Assemblée nationale, du projet de loi 3DS. L’occasion pour lui de revenir sur ce texte dont il a lui-même reconnu, voire justifié le manque d’ambition. Ce projet de loi « n’est pas une révolution, (…) c’est une somme de petites améliorations. Je l’assume. »  Les élections présidentielles seront l’occasion d’un « grand débat national »  et, alors, le gouvernement « verra s’il est nécessaire d’aller plus loin en matière de décentralisation ». « En fin de quinquennat, il faut améliorer tout ce qui peut l’être sans changer profondément les règles du jeu, et c’est l’objectif de cette loi. » 

Co-présidence ou vice-présidence ?

Exemple sur la question de la gouvernance de la santé. Jean Castex l’a martelé : en pleine crise sanitaire, économique et sociale, « il eût été déraisonnable voire irresponsable de bouleverser les règles du jeu »  sur la question de la répartition des responsabilités en matière de santé. 
Les associations d’élus, en effet, ne cessent de répéter – et plus encore depuis l’éclatement de la crise sanitaire – que les collectivités territoriales doivent jouer un rôle plus important dans la gouvernance des ARS (Agences régionales de santé) et dans la gestion de la santé en général.  Dans les 102 propositions de l’ADF, publiées la semaine dernière, il est inscrit que « les départements doivent participer à la gouvernance des Agences régionales de santé ». L’AMF, quant à elle, demande depuis longtemps une véritable « co-présidence »  État-collectivités des ARS – et demande qu’une vaste compétence sanitaire soit transférée aux collectivités. 
Jean Castex s’en est tenu, sur ces sujets, à la ligne qui est celle du gouvernement depuis la publication du projet de loi 3DS. « Nous avons acté le fait de renforcer la place des élus locaux dans la gouvernance des ARS, avec notamment l’octroi d’une vice-présidence des agences, ce qui n’existait pas. »  Rien de nouveau : le texte initial, déposé en mai dernier, disposait en effet à l’article 31 que le président des ARS serait « assisté de trois vice-présidents »  dont deux désignés parmi les élus locaux. Mais il y a évidemment une différence majeure entre « vice-présidence »  et « co-présidence », et derrière cette apparente main tendue se cache en réalité une fin de non-recevoir : le gouvernement ne souhaite pas que l’État et les collectivités partagent réellement la gouvernance territoriale de la santé. Pourtant, a dit le Premier ministre vendredi, « cette crise nous a fait redécouvrir qu’on a besoin de territoires dont les élus travaillent main dans la main avec les représentants de l’État. » « Main dans la main »  ne signifiant pas, manifestement, « à égalité ». 

Gestionnaires de collèges

Jean Castex a, en revanche, accédé à quelques-unes des revendications des départements. En particulier, leur demande de « transférer les gestionnaires de collèges aux départements ». 

De quoi s’agit-il ? Lorsque la loi de décentralisation de 2004 a transféré la gestion des collèges et des lycées aux départements et aux régions, elle n’a transféré, en matière de personnel, que les « TOS »  (personnels techniciens, ouvriers et de service), devenus « ATTEE »  (adjoints techniques territoriaux des établissements d’enseignement). À l’inverse, les adjoints aux chefs d’établissement en charge de la gestion (les « gestionnaires »  évoqués par le Premier ministre) n’ont pas été transférés et relèvent toujours de la fonction publique de l’État. 

Il s’agit donc d’un mouvement de « décentralisation inachevé », selon l’expression d’un récent rapport du Sénat : en effet, « les départements et régions rencontrent des difficultés dans la mise en œuvre des politiques publiques dont ils ont la charge au titre des compétences dont ils sont attributaires, puisqu'ils n'ont pas d'autorité directe sur les personnels chargés de la mise en œuvre concrète de ces politiques ». 

Dans le projet de loi 3DS initial, le gouvernement avait prévu une « expérimentation »  sur ce sujet, permettant aux exécutifs départementaux et régionaux de conclure une « convention de coopération »  leur permettant « d’exercer un pouvoir d’instruction, sous couvert du chef d’établissement », sur les gestionnaires. Le Sénat, lors de l’examen du texte, avait fustigé la « timidité »  de ce dispositif « d’une portée manifestement inexistante ». 

Devant le congrès de l’ADF, vendredi, Jean Castex s’est engagé à aller plus loin : « S’agissant de l’autorité fonctionnelle sur les gestionnaires de collèges, (…) dès hier la ministre [Jacqueline Gourault] a déposé un amendement (…) donnant (cette) autorité fonctionnelle »  aux départements. En effet, cet amendement du gouvernement (n° 3306) « a pour objet d’instaurer sur l’ensemble du territoire l’autorité fonctionnelle de la collectivité territoriale compétente sur les gestionnaires d’établissement du second degré ». L’amende ne fait plus mention d’une « période d’expérimentation ». 

Provisions contracycliques

Autres concessions annoncées vendredi par le Premier ministre : sur les sujets financiers, le gouvernement a retenu certaines demandes de l’ADF : « Nous sommes favorables à autoriser les provisions contracycliques pour faciliter les plans d’investissement pluriannuel ; et nous sommes également favorables à l’instauration d’une clause de sauvegarde pour pallier dans le temps les variations de charges et de dépenses », a déclaré Jean Castex sous les applaudissements de l’assistance. 

Explications : sur les « provisions contracycliques », il s’agit de permettre aux départements de constituer des réserves à partir d’éventuels excédents de DMTO – ressource particulièrement fluctuante puisque liée aux aléas du marché de l’immobilier. Les bonnes années, les départements pourraient donc mettre de côté les excédents et les réinvestir les années suivantes, ce qui n’était pas possible jusqu’à présent. 

Par ailleurs, sur la « clause de sauvegarde », il s’agit de lutter contre « l’effet ciseau »  dénoncé par le président de l’ADF, François Sauvadet, les recettes augmentant moins vite que les dépenses. L’association a donc demandé cette clause de sauvegarde, censée jouer un rôle « d’amortisseur ». Le Premier ministre a repris telle quelle la demande de l’ADF, sans toutefois entrer dans les détails et les modalités pratiques. Selon l’ADF, des travaux sur ce sujet seront lancés l’année prochaine – alors que le dispositif concernant les DMTO pourrait entrer en vigueur dès le 1er janvier prochain. 

Si les présidents de départements se félicitent de ces annonces, ils sont néanmoins conscients qu’elles ne constituent une réponse qu’à un très petit nombre des revendications de l’ADF. Sur d’autres sujets, cruciaux pour les départements comme pour les autres strates de collectivité – notamment les grands transferts de compétences et la remise à plat de la fiscalité locale – la réponse est non. 

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