Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 19 janvier 2022
Fiscalité locale

Le serpent de mer de la réforme de la DGF resurgit

À l'Assemblée nationale, hier, une députée a remis sur la table la question de la réforme de la DGF. Si tout le monde semble s'accorder sur la nécessité de la réforme, il reste à savoir laquelle mettre en oeuvre et selon quels critères. 

Par Franck Lemarc

C’est lors de la séance de questions au gouvernement que la députée UDI du Nord, Béatrice Descamps, a interpellé la ministre Jacqueline Gourault sur la situation d’une commune du Valenciennois. « Alors que la dotation globale de fonctionnement (DGF) des communes est de 165 euros par habitant en moyenne en France, elle ne s’élève qu’à 44 euros à Saint-Saulve, dans ma circonscription valenciennoise. Cette commune de 11 500 habitants reçoit une dotation six à seize fois inférieure à celle de ses voisines de taille équivalente. »  La députée a cité d’autres exemples, pas seulement dans les Hauts-de-France naturellement, de communes qui « malgré une gestion saine et rationnelle », font face à une DGF en baisse et « très insuffisante ». La situation « s’aggrave d’année en année », au point que certains élus « s’interrogent quant au maintien de certains services publics à partir du 30 mars »  et estiment que le service public est « en sursis ». 

Pas de consensus sur la méthode

Jacqueline Gourault n’a pas cherché à minimiser la gravité de la situation à Saint-Saulve et ailleurs, qui illustre de façon « éclatante »  les problèmes liés au calcul de la DGF. Elle a donné trois pistes d’explication. La première tient bien sûr à la diminution drastique des dotations entre 2013 et 2017, qui, à titre d’exemple, « a coûté 825 000 euros à la commune de Saint-Saulve ». Rappelons au passage que, à l’arrivée d’Emmanuel Macron à la présidence de la République, cette baisse des dotations a été stoppée, cela ne signifie pas que les communes ont récupéré ce qu’elles ont perdu ! Le gouvernement s’est contenté d’interrompre la baisse, c’est-à-dire de geler les dotations au niveau très diminué où elles se trouvaient en 2017. Ce qui a été perdu par les communes le reste donc. 

Le deuxième facteur tient, a poursuivi la ministre, « aux nombreux critères de calcul de la dotation, une quarantaine », dont le potentiel fiscal de la commune. 

Le troisième point tient au « poids de l’histoire ». « La DGF, singulièrement la dotation forfaitaire des communes, est un objet ancien, résultant d’une stratification de réformes successives, qui peine à s’adapter aux besoins de chaque commune. »  Conclusion de Jacqueline Gourault : « Oui, il faut réformer la DGF. »  Mais la chose est plus simple à dire qu’à faire, car toute réforme sur ce sujet « fait toujours des gagnants et des perdants », et « force est de constater qu’aucune proposition consensuelle de réforme d’ensemble n’a encore émergé ». Il faut malgré tout « s’y employer rapidement », a conclu la ministre – ce qui apparaît tout de même compliqué à trois mois de l’élection présidentielle. 

Réforme unanimement souhaitée

Cette question de la réforme de la DGF n’est pas nouvelle et revient comme un serpent de mer quasiment chaque année au moment du débat sur le projet de loi de finances. Elle est souhaitée par toutes les associations d’élus (l’AMF estimant cependant que la réforme de la DGF n’est pas viable sans augmentation de son montant), par le Comité des finances locales, mais également par la Cour des comptes qui, en 2016, avait rendu un rapport détaillé recommandant une réforme profonde de la DGF (lire Maire info du 5 décembre 2016). Un groupe parlementaire avait, à la même époque, planché sur le sujet, sous la houlette de la députée du Puy-de-Dôme Christine Pires Beaune, et avait lui aussi recommandé une réforme de la DGF. L’AMF, en 2016 toujours, en réponse à la Cour des comptes, avait repris à son compte la volonté de réformer la DGF mais en s’opposant – de façon prémonitoire – « à l’utilisation, dans la répartition des dotations, de critères liés à la qualité de la gestion ou aux efforts de maîtrise des dépenses ». L’association rappelait que « l’objectif de la péréquation est d’atténuer les écarts de ressources et de charges des collectivités »  et non « de réguler le niveau de la dépense locale », estimant que « la maîtrise de la dépense locale relève en effet d’autres canaux et pourrait par exemple être utilement encouragée par une stricte maîtrise des charges transférées par l’État et des normes impactant les budgets locaux ». 

Cinq ans plus tard, les choses n’ont pas avancé. Le gouvernement, malgré les réserves exprimées auparavant par l’AMF, a fait une tentative malheureuse d’instaurer un bonus/malus de DGF basé sur la maîtrise des dépenses de fonctionnement – les malheureux « contrats de Cahors », relégués depuis aux oubliettes. 

Le sujet est revenu sur la table lors du dernier congrès des maires, en novembre dernier, pendant le débat finances, pendant lequel de nombreux maires ont fait état de leur exaspération devant la situation « ubuesque »  engendrée par l’actuel système de financement du bloc communal. Et pas seulement en matière de DGF : les dotations de péréquation, notamment, font l’objet de nombreuses critiques. Témoin, ce maire de la Sarthe qui racontait au congrès comment sa commune a perdu 25 000 euros de DSR cible parce que sa commune est passée de 503 à 499 habitants. Ces effets de seuil aux conséquences parfois dévastatrices sont bien connus de nombreux élus. 

Autonomie fiscale

Lors de ce débat, tant le ministre chargé des Comptes publics, Olivier Dussopt, que le député de la majorité Jean-René Cazeneuve, ont reconnu la nécessité de réformer le système « de fond en comble ». « Il faut réformer la manière de calculer », a déclaré le premier, tandis que le second a parlé d’un système « ubuesque, illisible et incompréhensible ». 

Si Philippe Laurent, alors coprésident de la commission finances de l’AMF, a lui aussi reconnu la nécessité de « remettre à plat le système »  et critiqué une politique à court terme consistant « à mettre des rustines sur des systèmes qui ne sont plus adaptés », il a aussi remis le débat en perspective en rappelant la question de l’autonomie fiscale des communes. L’AMF rappelle, de façon constante, que le poids de plus en plus important que prennent les diverses dotations de l’État dans les budgets communaux et intercommunaux tient avant tout à ce que les maires ont de moins en moins de possibilité de lever l’impôt. « Nous devenons des sous-traitants et nos budgets deviennent des budgets annexes de l’État », a fustigé le maire de Sceaux. 

Si, après les élections présidentielle et législatives, ce débat revient sur la table, cette question de l’autonomie fiscale et financière des collectivités ne devra pas en être occultée. 

A noter que l'AMF organise, mercredi prochain, une rencontre consacrée à la réforme des critères servant au calcul des dotations entrant en vigueur cette année (l'après-midi) et au décryptage des principales dispositions de la loi de finances pour 2022 concernant le bloc communal (le matin).

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