La Cour des comptes réclame une nouvelle « rationalisation » des taxes à faible rendement bénéficiant aux collectivités
Par A.W.
« Les taxes à faible rendement affectées aux collectivités ont fait l’objet au cours de la décennie écoulée d’un important mouvement de rationalisation, qui gagnerait à être poursuivi. » Dans son dernier rapport, la Cour des comptes estime qu’il faut « parachever » le travail de rationalisation de ce « patchwork fiscal » entamé ces dernières années.
A l'échelle du pays, les magistrats jugent que le « foisonnement » et la « pertinence » de ces taxes restent « discutables pour un grand nombre » des 243 taxes dont le rendement est inférieur à 175 millions d’euros (mais dont le produit total avoisinerait les 6 milliards d’euros). Elles étaient encore 305 il y a cinq ans.
Depuis 2013, 17 taxes locales supprimées
A l’échelle locale, ce serait 32 taxes à faible rendement qui bénéficieraient aux collectivités territoriales (auxquelles s’ajoutent 11 taxes à faible rendement affectées à des établissements publics fonciers ou assimilés). Sur cette trentaine de taxes, seules les recettes de 23 d’entre elles ont pu être évaluées et représentaient un total de 1,02 milliard d’euros, selon la Cour. Soit « une moyenne de 46 millions d’euros pour chacune des taxes dont le rendement est connu ». Pour les autres, le recensement des rendements reste « lacunaire ».
Depuis 2013, ce sont déjà 17 taxes à faible rendement affectées aux collectivités territoriales qui ont été supprimées, rappelle l’institution de la rue Cambon qui note que seule la taxe sur l’exploration d’hydrocarbures a été créée et maintenue depuis.
Cette réduction du nombre de taxes à faible rendement « constitue en soi un mouvement significatif, tant les difficultés à réformer ces dispositifs sont importantes dans le secteur local, les bénéficiaires de certaines taxes très concentrées pouvant être déstabilisés par la suppression d’une ressource, avec à la clé un appel à la compensation des ressources supprimées ».
Cependant, « les marges de progrès sont possibles ». S’inscrivant sur « le moyen terme », « la modification [des] équilibres nécessite un travail de fond » qui pourrait être réalisé « par exemple dans le cadre des revues de dépenses », suggère la Cour.
Deux taxes locales dans le viseur
Cette dernière a d’ores et déjà identifié prioritairement deux taxes dont « le rendement apparaît modeste et dont la pertinence peut être remise en question ».
En premier lieu, la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti (TA-TFNB). Issue des anciennes parts départementales et régionales de la TFNB mais aujourd’hui perçue par le bloc communal, la TA-TFNB est perçue directement par 3 812 communes pour 4,3 millions d’euros, soit une moyenne de 2 255 euros par commune. « Lorsqu’elle est perçue par les EPCI, elle représente au total 86,7 millions d’euros, perçus par 1 260 EPCI pour un montant moyen de 75 544 euros par établissement », constatent les magistrats financiers qui estiment que son rendement est « très faible pour chaque collectivité ».
Seconde priorité, la taxe locale sur la publicité extérieure (TLPE). Instituée par les communes, le montant collecté apparaît là aussi « particulièrement faible ». De 2019 à 2023, elle a été votée par 1 968 communes en moyenne chaque année pour un total annuel de 148 millions d’euros, soit 75 360 euros par commune.
La distribution de cette taxe est, en outre, jugée « très inégalitaire ». Alors que 793 communes perçoivent au titre de cette taxe moins de 10 000 euros – dont 435 moins de 1 000 euros – , elle ne représente des montants importants que « pour quelques grandes villes ». Et bien que onze en tirent plus d'un million d’euros, « aucune n’en tire plus de 9 millions d’euros par an ». Résultat, « cette taxe ne constitue un instrument de rendement, réel mais non décisif, que pour quelques grandes communes seulement ».
Taxes funéraires et de balayage
L’institution de la rue Cambon pointe également « des omissions voire des erreurs dans les documents budgétaires [qui] caractérisent la collecte de ces taxes ». Selon elle, « certaines collectivités continuent notamment à enregistrer des recettes sur des comptes destinés à des dispositifs fiscaux supprimés ».
La Cour s’en prend notamment aux taxes funéraires et de balayage, tout en reconnaissant toutefois que « la nomenclature comptable a conservé les intitulés » anciens, une page du site internet de la Direction générale des collectivités locales (DGCL) faisant, par exemple, « toujours référence à l’ancien cadre juridique » avant d’être mise à jour récemment
Des erreurs et des omissions qui se retrouvent « en particulier dans le cas de la taxe de balayage, transformée en redevance depuis le 1er janvier 2019 mais pour laquelle l’instruction comptable relative aux communes prévoit toujours un compte en tant que taxe et non en tant que redevance, et des taxes funéraires, supprimées à compter du 1er janvier 2021 », souligne la Cour.
Et celle-ci de rappeler que 138 communes ont enregistré des taxes de balayage en 2023 pour une moyenne annuelle de 8,5 millions d’euros, tandis qu’elles n’étaient plus que 30 à avoir enregistré des recettes. Avec des montants en déclin et réduits à 130 000 euros en 2023.
Logements vacants : fusionner les deux taxes
À noter que la Cour pointe le fait que « certaines taxes sont déjà prises en compte dans les modalités de calcul de la DGF quand d’autres en sont absentes, alors qu’elles peuvent porter sur un montant annuel du même ordre de grandeur et représenter individuellement une part significative des recettes de chaque commune ».
Elle souligne, en particulier, les cas de la taxe sur les remontées mécaniques et de celle sur le transport maritimes des passagers à destination d’espaces naturels, perçues respectivement en 2023 par 71 communes (pour 19 millions d’euros) et par 20 communes (pour 2,6 millions d’euros).
Plus largement, les magistrats financiers proposent, par ailleurs, de fusionner les taxes locale et nationale sur les plus-values de cessions de terrains nus devenus constructibles, tout comme celles visant les logements vacants : la TLV versée au budget de l’Etat et la THLV instaurée par les communes.
La Cour rappelle que la direction générale du Trésor a signalé que la fusion de la taxe sur les logements vacants et de la taxe d’habitation sur les logements vacants permettrait de « favoriser l’utilisation du parc existant pour lutter contre la crise du logement et d'harmoniser la fiscalité de la vacance sur le territoire », tout en prévenant que, « avant toute réforme ou suppression, il sera nécessaire d’examiner combien de communes en déprise ont vraiment institué la THLV et combien celle-ci leur rapporte pour connaître les communes perdantes financièrement ».
Enfin, la Cour des comptes préconise d'améliorer l'information du redevable local en créant une plateforme centralisée de recensement des taxes locales ou facultatives en vigueur dans chaque collectivité et en instaurant des obligations déclaratives aux collectivités.
Si le ministère de l’Aménagement des territoires explique, dans sa réponse, que cette recommandation doit être « expertisée par les services concernés », il prévient que la mise en place d'une plateforme centralisée de recensement serait « susceptible d'alourdir de manière excessive la charge administrative des collectivités, notamment des communes de faible taille ou disposant d'un effectif réduit, sans oublier le coût d'investissement et de fonctionnement de cette plateforme ».
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