Faute de protection fonctionnelle, comment accompagner les agents mis en cause devant la chambre du contentieux ?
Par Franck Lemarc
Depuis l’ordonnance du 23 mars 2022, entrée en vigueur le 1er janvier 2023, un nouveau régime juridictionnel unifié a été créé pour tous les gestionnaires publics, qu’ils soient ordonnateurs ou comptables –rappelons, pour mémoire, que les ordonnateurs, en comptabilité publique, sont les décideurs, comme un conseil municipal par exemple, tandis que les comptables sont soit les payeurs, soit ceux qui manient les fonds.
Cette ordonnance a supprimé le dispositif de responsabilité personnelle et pécuniaire (RPP). Comme le rappelle le site Vie-publique, le nouveau régime permet de « sanctionner plus efficacement les gestionnaires publics qui, par une infraction aux règles d’exécution des recettes et des dépenses ou à la gestion des biens publics, ont commis une faute grave ayant causé un préjudice financier significatif » et, en contrepartie, de « limiter la sanction des fautes purement formelles ou procédurales ».
L’ordonnance a également créé une nouvelle juridiction chargée de juger ces affaires, la chambre du contentieux de la Cour des comptes, et une nouvelle Cour d’appel financière.
Pas de protection fonctionnelle
Au fil de l’application de cette réforme, une question s’est posée : un agent mis en cause devant cette nouvelle chambre du contentieux a-t-il droit à la protection fonctionnelle de sa collectivité ou, en général, de son employeur public ?
La réponse a été apportée par une note signée de la secrétaire générale du gouvernement, Claire Landais, il y a un an. Et la réponse est non : Claire Landais rappelle que la protection fonctionnelle est notamment accordée pour des faits jugés au pénal, et que la chambre du contentieux n’est pas une cour pénale. De même, écrivait la secrétaire générale du gouvernement, « la protection en matière civile, qui prévoit que la collectivité publique garantit les condamnations civiles prononcées par une juridiction judiciaire à l’encontre de son agent pour une faute commise dans l’exercice de ses fonctions à condition qu’aucune faute personnelle ne soit imputable » , doit être « écartée ».
Pas de protection fonctionnelle possible, donc, pour un agent mis en cause devant la chambre du contentieux. Cette interprétation a été confirmée par le Conseil d’État, dans une décision rendue le 29 janvier dernier : « La protection fonctionnelle (…) ne saurait être accordée à un agent faisant l’objet d’une procédure » devant la chambre du contentieux de la Cour des comptes.
Le Conseil d’État souligne néanmoins que dans ce cas, rien ne s’oppose à ce que l’administration apporte « un soutien (…) juridique, technique ou humain dans la préparation de la défense » de l’agent incriminé.
Préparation de la défense
C’est ce dernier point qui est clarifié par la circulaire signée par François Bayrou le 17 avril dernier. Le Premier ministre reconnaît que les nouvelles règles en matière de responsabilité financière des gestionnaires publics « peut s’avérer source de crainte et d’incertitude pour les agents concernés ». Afin d’éviter que ces craintes risquent « d’inhiber l’action publique » , le gouvernement tient à « préciser les formes et les modalités du soutien » qui doit être apporté aux agents, dans la mesure où la protection fonctionnelle n’est pas envisageable.
Au niveau de la fonction publique de l’État, il est demandé aux grandes administrations de créer des « centres de ressources chargés de mettre en œuvre cet accompagnement ». Plus généralement, dans toutes les administrations, dont les collectivités locales, il incombe à l’employeur de permettre à l’agent « de disposer des archives papier ou numériques de son service, notamment des notes, correspondances et échanges de courriers ou de messages à même d'éclairer la juridiction sur les décisions prises par lui et sur le contexte dans lesquels se sont inscrits ces faits ». Il appartient aussi à l’employeur – sauf si l’agent a commis « des fautes qui ne le justifient pas » – « de mobiliser des ressources internes pour lui fournir un appui juridique, technique ou humain dans la préparation de sa défense ». Le Premier ministre précise que dans ce cas, « les précautions habituellement prises lorsqu’un agent est mis en cause sur le terrain pénal, notamment pour éviter tout risque de subornation de témoin, ne sont pas de mise ». « La préparation des auditions et le partage de l’analyse juridique » doivent être « encouragés ». Il est aussi loisible à l’administration concernée de fournir « des documents de soutien à la défense de leurs agents », comme la description de leur compétence, des délégations de signature ou de pouvoir, les délibérations de l’organe délibérant justifiant une décision, etc., « y compris en prenant position sur le bien-fondé de la mise en cause ».
La circulaire précise enfin que le secrétariat général du gouvernement va « centraliser les données sur la jurisprudence » en la matière et « apportera un conseil général aux administrations qui le solliciteront ».
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