Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 14 avril 2021
Finances locales

Finances locales : les élus pointent une grande incertitude en 2021

Réunie le 13 avril, la commission des finances de l'AMF a été l'occasion pour Philippe Laurent et Antoine Homé, co-présidents de cette instance, de brosser un tableau inquiétant de la situation financière, confortant l'analyse récente d'André Laignel, premier vice-président délégué de l'AMF.  

Par Xavier Brivet

« Les fondamentaux des finances locales ne sont pas réjouissants », a estimé Philippe Laurent, co-président de la commission finance de l’AMF, lors de sa réunion, le 13 avril. Le maire de Sceaux (Hauts-de-Seine) a pointé toute une série de difficultés : « La crise sanitaire impacte les finances locales provoquant une baisse des recettes fiscales et tarifaires, une baisse des capacités d’autofinancement et une baisse du niveau d’investissement des collectivités ». Concernant la suppression de la taxe d’habitation, le secrétaire général de l’AMF a souligné que « le dispositif de compensation retenu fait qu’une commune sur six est perdante car elle avait augmenté ses taux en 2018 et 2019 », décisions qui ne feront pas l’objet d’une compensation. Antoine Homé, co-président de la commission des finances de l’AMF, a ajouté à ces difficultés la baisse de la compensation au titre du FCTVA, subie par les collectivités pour certainesdépenses, parmi lesquelles les dépenses relatives aux documents d’urbanisme et les dépenses relatives à l’aménagement et à l’agencement de terrain. L’AMF a du reste demandé au gouvernement de réintégrer ces dernières dans l’assiette du FCTVA car elles témoignent de l’effort d’investissement des collectivités et de leur participation à la relance. 
Philippe Laurent a aussi souligné « le discours contradictoire de l’État qui incite les collectivités à participer à la relance alors qu'un certain nombre d'élus ne voient pas arriver les financements, ni ceux du plan de relance, ni les versements au titre de la DSIL que le gouvernement a pourtant augmentée d’un milliard d’euros ». Dans ce contexte, il a sévèrement critiqué l’idée d’encadrer de nouveau la dépense locale en réactivant les contrats de Cahors, formulée par le rapport de la commission pour l’avenir des finances publiques, présidée par Jean Arthuis, remis en mars au gouvernement. « C’est irresponsable : les collectivités sont là pour investir, développer les services publics. Pourquoi faudrait-il brider leurs dépenses ? », s’est-il interrogé. 

Divergences avec le rapport Cazeneuve

La commission des finances a permis à l’AMF de faire part de ses désaccords avec les chiffres publiés, le 26 février, par la Délégation aux collectivités territoriales de l’Assemblée nationale, présidée par Jean-René Cazeneuve, dans le cadre de son 3e baromètre sur l’impact de la crise du covid-19 sur les finances locales, comme l’avait déjà fait André Laignel la semaine dernière auprès de Maire info (lire Maire info du 8 avril). Selon ce baromètre, les pertes nettes des collectivités seraient de 3,8 milliards d’euros. L’AMF déplore que « les pertes brutes, élément de compréhension majeur pour estimer les effets de la crise, ne soient pas communiquées », pas plus que la ventilation de cette somme par niveau de collectivités. Concernant les aides de l’État, « après 7 milliards d’euros d’aides annoncées en novembre dernier, le total s’élèverait désormais à 10,1 milliards d’euros dont 4,5 milliards pour le bloc communal, selon le baromètre, sans toutefois préciser les versements effectifs de ces aides en 2020 », souligne l’AMF. Elle demande donc à l’État de lui communiquer un « tableau de bord des versements effectifs de ces aides, via notamment la DETR et la Dsil ». L’AMF fait aussi remarquer que, contrairement au baromètre qui estime qu’en 2021, la plupart des dépenses supplémentaires générées par la crise ont déjà eu lieu, dans les faits, « ces dépenses ne sont pas ponctuelles : l’épidémie n’étant pas terminée, les protocoles sanitaires, le soutien aux habitants et aux entreprises locales perdurent », souligne l’Association. Dépenses auxquelles s’ajoutent désormais les frais engagés par les collectivités dans le cadre de la campagne nationale de vaccination, dont l’AMF vient de  redemander le remboursement intégral à l’État.  

Vers une utilisation du levier fiscal ?

Concernant l’investissement, le cycle électoral serait « le principal facteur »  de la baisse constatée en 2020 (- 11,7 %), selon le baromètre. « Mais une première année de mandat enregistre habituellement une baisse moindre que celle enregistrée en 2020, fait remarquer l’AMF. En réalité, au cycle électoral s’ajoutent les effets de la crise. » L’AMF ne partage pas non plus l’analyse des députés sur la capacité d’autofinancement des collectivités : le baromètre annonce en effet la préservation de l’autofinancement grâce aux aides de l’État. « En réalité, l’autofinancement a baissé de plus de 6 % et les pertes (3,8 milliards d’euros) ne sont pas compensées par les aides (550 3,8 millions d’euros) », souligne l’association.  
Dans ce contexte, les collectivités manquent de visibilité pour 2021. D’autant que la suppression de la TH et la suppression de 3,4 milliards d’euros d’impôts économiques s’ajoutent aux effets de la crise, souligne l’AMF. Certaines collectivités pourraient ainsi envisager d’augmenter les tarifs de certains services publics et d’actionner le levier fiscal, avec notamment l’augmentation des taux du foncier bâti, « l’un des derniers impôts locaux », a souligné Antoine Homé. 

Télécharger la note de l’AMF sur le 3e baromètre de la Délégation aux collectivités territoriales de l’Assemblée nationale sur l’impact de la crise du covid-19 sur les finances locales.  

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