L'Assemblée nationale a adopté un arrêt total de l'implantation des énergies renouvelables
Par Franck Lemarc
L’offensive de la droite parlementaire et du Rassemblement national contre les mesures écologiques se poursuit. Après avoir supprimé les zones à faibles émissions (ZFE) et considérablement amoindri le dispositif du ZAN dans le cadre du projet de loi de simplification de la vie économique (lire Maire info du 8 juin), les députés ont décidé hier … de mettre fin, au moins temporairement, au développement des énergies renouvelables.
Relance du nucléaire
Cette décision a été prise dans le cadre de l’examen de la proposition de loi LR portant programmation nationale énergie et climat pour les années 2025 à 2035, adoptée fin avril par le Sénat.
Ce texte est en lui-même, à bien des égards, un problème. On sait le gouvernement Bayrou particulièrement réticent à déposer des projets de loi, et plus enclin à faire porter ses réformes dans le cadre de propositions de loi, d’initiative parlementaire. Il s’agit d’une tendance qui se développe en réalité depuis des années, mais elle s’est nettement renforcée depuis la dissolution de l’Assemblée nationale. Rappelons qu’à la différence d’un projet de loi, une proposition de loi n’est pas soumise à l’avis du Conseil d’État et n’a pas besoin d’être accompagnée d’une étude d’impact.
Mais il s’agit ici d’un texte de programmation – ce qui devrait normalement être du ressort de l’exécutif. Jusqu’à présent, toutes les lois de programmation – militaire, de la justice, du ministère de l’Intérieur… – ont été rédigées et portées par les gouvernements. Il est donc pour le moins inhabituel qu’une loi de programmation de l’énergie soit issue d’un texte proposé par les parlementaires.
Sans entrer dans les détails de ce que proposait le texte initial – puisqu’il a été presque entièrement récrit à l’Assemblée nationale –, disons simplement qu’il faisait déjà la part belle au nucléaire, en proposant de maintenir « un mix de production majoritairement nucléaire » à l’horizon 2050 et de construire d’ici là au moins 14 réacteurs classiques et 15 « petits réacteurs ».
Le texte initial proposait déjà d’opérer un changement majeur sur le thème des énergies renouvelables. Le Code de l’énergie prévoit, dans sa rédaction actuelle, un objectif de 33 % d’énergies renouvelables dans le mix énergétique à l’horizon 2030. La proposition de loi visait à garder ce chiffre de 33 %, mais en remplaçant « énergies renouvelables » par « énergies décarbonées » – ce qui change tout, puisque cela inclut le nucléaire.
Faible mobilisation des opposants
Mais en séance publique à l’Assemblée nationale, hier, les choses ont encore évolué.
Les députés du Rassemblement national, pendant ces débats, ont défendu l’idée d’un moratoire sur les énergies renouvelables – ce qui est logique puisque cette idée figure dans leur programme depuis longtemps. Ce qui est plus étonnant, c’est que Les Républicains se sont ralliés à cette idée, au point de proposer eux-mêmes un amendement organisant ce moratoire.
Estimant que certains territoires arrivent « à saturation » en matière d’installation d’éoliennes, notamment, Les Républicains ont envisager de demander un moratoire de « trois, cinq, voire dix ans ». Ils ont fini par se tourner vers une solution de « repli » : demander un moratoire « le temps nécessaire à la conduite d’une étude indépendante, approfondie et objective, visant à déterminer le mix énergétique optimal pour la France, tant du point de vue économique qu’environnemental ».
Le moratoire proposé dans l’amendement LR porte sur « l’instruction, l’autorisation et la mise en service de de tout nouveau projet d’installation de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent éolien, terrestre ou maritime, ainsi que l’énergie solaire photovoltaïque » , dès la promulgation de la loi. Quant aux installations déjà en service, elles pourraient « continuer à fonctionner jusqu’à la fin de leur durée d’exploitation autorisée, sans possibilité de renouvellement ou d’extension au-delà de cette échéance ».
L’exposé des motifs de cet amendement adopte un ton très critique vis-à-vis des énergies renouvelables , estimant que leur développement s’est opéré du fait de « raisons idéologiques et des accords électoraux irresponsables à courte vue », « à marche forcée ».
Le Rassemblement national, qui voulait pour sa part inscrire tout bonnement dans la loi la fin complète des énergies renouvelables, s’est rallié à cette proposition. Le ministre de l’Industrie, Marc Ferracci, a vainement essayé de désamorcer la bombe en s’engageant, au nom du gouvernement, à diligenter au plus vite « l’étude indépendante et objective » réclamée par la droite. Sans succès : l’amendement LR a été voté avec l’appui du RN et du groupe ciottiste. Les rangs de la gauche et du parti présidentiel étaient bien trop clairsemés pour pouvoir espérer s’y opposer. Finalement, seul le RN s’était réellement mobilisé pour ce vote, avec 57 députés présents, quand même les LR, pourtant auteurs de la proposition de loi et de l’amendement, étaient… 4.
Du côté des opposants à l’amendement, on a pu compter 4 socialistes présents, 8 écologistes et une vingtaine de députés macronistes. On ne peut qu’être ébahi de la très faible mobilisation des députés pour un sujet aussi crucial.
« Plan social »
Cet amendement pourrait en effet avoir des conséquences économiques et sociales considérables. Le ministre Ferracci a dénoncé un amendement « totalement irresponsable ». La députée MoDem Louise Morel s’est demandée ce qu’elle allait dire, en circonscription, aux milliers de salariés qui travaillent dans le secteur des énergies renouvelables qui pourraient voir « leur activité supprimée » . Jean-Luc Fugit (Ensemble pour République) a également pointé que « si le moratoire dure deux ans, toutes celles et ceux qui travaillent par exemple sur les réseaux se retrouveront au chômage technique ». Matthias Tavel (LFI) a déclaré que ce moratoire « entraînera le plus grand plan social qu’ait connu le pays », avec la suppression de « plusieurs dizaines de milliers d’emplois ». Il a demandé au gouvernement de retirer de l’ordre du jour ce texte « sans queue ni tête », qualifié de « naufrage énergétique, industriel et politique » . Marc Ferracci s’y est refusé.
On retiendra du texte, désormais entièrement examiné, qu’il propose donc de cesser toute implantation d’énergies renouvelables et de relancer tous azimuts le nucléaire, ce qui est très exactement ce que souhaitait le Rassemblement national. Lequel a d’ailleurs, en passant, fait adopter… la réouverture de la centrale de Fessenheim ! Sans se préoccuper le moins du monde que les opérations de démantèlement de cette centrale sont déjà bien engagées et, de l’aveu même de ses responsables, absolument « irréversibles ».
Ce texte fera l’objet d’un vote solennel mardi prochain. On peut penser que cette fois, tous les partis qui y sont opposés vont mobiliser leurs troupes, ce qui devrait permttre une plus juste appréciation des rapports de force sur ce texte.
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