Le Conseil constitutionnel censure les mesures les plus controversées de la loi Attal sur les mineurs délinquants
Par Franck Lemarc
Sale temps pour les macronistes. Alors qu’à l’Assemblée nationale, les oppositions de droite détricotent petit à petit un certain nombre de réformes de fond mises en œuvre depuis 2017, c’est maintenant le Conseil constitutionnel qui revient sur les dispositions essentielles portées, personnellement, par l’ancien Premier ministre d’Emmanuel Macron.
Clivages
Le 19 mai dernier, le Sénat avait définitivement adopté la proposition de loi « visant à renforcer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents ». Composée d’une quinzaine d’articles, ce texte avait pour objectif de « provoquer un sursaut d’autorité » et se voulait une réponse aux émeutes de 2023. Tout au long des débats, les clivages ont été très profonds sur ce texte entre la gauche et la droite, la première estimant que la proposition de loi tournait le dos au principe fondamental d’une justice adaptée pour les mineurs, tandis que la seconde assumait au contraire de « tourner le dos à une culture de l’excuse qui a plongé une partie de notre jeunesse dans un profond sentiment d’impunité » (Bruno Retailleau), et de revenir sur certains aspects de l’ordonnance de 1945 sur la justice des mineurs, arguant que « les jeunes de 2025 ne sont pas les jeunes de 1945 ».
Le texte finalement adopté prévoyait notamment la création d’une amende civile qui ne répondraient pas aux convocations aux audiences, ou encore la création d’une procédure de comparution immédiate pour les jeunes récidivistes à partir de 16 ans. Autre mesure très débattue, mais finalement adoptée : l’inversion du principe de l’excuse de minorité. Actuellement, pour tout mineur, les peines encourues sont, de droit, deux fois moindres que pour un même délit commis par un majeur. Le texte prévoyait que ce principe ne soit plus de droit pour les crimes et délits commis en récidive par un mineur de plus de 16 ans, sauf « décision spécialement motivée » du juge.
Il faut rappeler que les principales mesures de ce texte ont été vivement critiquées par la Défenseure des droits et par les syndicats de la protection judiciaire de la jeunesse.
« Principes fondamentaux reconnus par les lois de la République »
Le Conseil constitutionnel a été saisi sur ce texte par les députés et les sénateurs de gauche. Il leur a en grande partie donné raison. Dans leur décision rendue hier, les Sages ont censuré six articles (sur quinze) de la loi.
Les articles 4 et 5, d’abord, avaient trait à la nouvelle procédure « d’audience unique en comparution immédiate ». Il était notamment prévu qu’un mineur d’au moins 16, ayant déjà fait l’objet de certaines mesures éducatives ou judiciaires et ayant commis un délit l’exposant à une peine supérieure à trois ans de prison, pouvait être convoqué en comparution immédiate.
Les Sages n’ont pas jugé cette nouvelle procédure contraire à un article de la Constitution, mais contraire à « un principe fondamental reconnu par les lois de République », principe qui exige « la mise en place de procédures appropriées à la recherche du relèvement éducatif et moral des mineurs ». Dans sa décision, le Conseil constitutionnel a relevé que « l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge (…) a été constamment reconnues par les lois de la République depuis le début du vingtième siècle ».
Le fait que les dispositions de l’article 4 et 5 soient contraires à un « principe fondamental reconnu par les lois de la République » les rendent, de facto, contraires à la Constitution et conduit à leur censure.
Même punition pour une disposition de l’article 6, qui prévoyait d’allonger la durée de la détention provisoire jusqu’à un an pour certains délits graves commis par des mineurs : elle contrevient au principe fondamental d’une justice adaptée pour les mineurs et a été censurée.
Sans surprise, l’article 7 a subi le même sort, puisqu’il portait une lourde atteinte au principe de l’excuse de minorité : « Le législateur avait inversé la logique selon laquelle l’atténuation des peines applicables aux mineurs était le principe et l’absence d’atténuation l’exception », écrivent les Sages, méconnaissant en cela un principe fondamental reconnu par les lois de la République.
Enfin, l’article 12, qui prévoyait que si un mineur se soustrait à une mesure éducative judiciaire, il pouvait être placé en rétention sur simple décision d’un officier de police judiciaire, a également été supprimé : les Sages ont estimé qu’une telle décision revient à un juge et non à un officier de police judiciaire. Faute de quoi, « le législateur n’avait pas satisfait aux exigences constitutionnelles d’adaptation de la réponse pénale à la situation des mineurs ».
Plusieurs commentateurs ont toutefois noté que dans sa décision, le Conseil a ouvert une porte à d'éventuelles modifications du droit en matière de justice des mineurs. Il rappelle en effet que « la législation républicaine antérieure à l'entrée en vigueur de la Constitution de 1946 ne consacre pas de règle selon laquelle les mesures contraignantes ou les sanctions devraient toujours être évitées au profit de mesures purement éducatives.»
D’autres mesures validées
Le Conseil constitutionnel n’a, en revanche, pas suivi les parlementaires de gauche sur d’autres articles. Notamment sur l’article 1er, qui concerne les parents des mineurs délinquants : si ceux-ci se sont soustraits à certaines obligations légales et que cette soustraction a conduit à la commission d’infractions par l’enfant, une peine aggravante est prévue. Les opposants à la loi estimaient que ce dispositif contrevenait au principe selon lequel nul ne peut être condamné pour des faits commis par d’autres. Les Sages ne sont pas d’accord : « Le fait que le parent puisse être puni plus sévèrement lorsque son comportement a directement conduit à la commission d’infractions par son enfant mineur n’a pas pour effet de le rendre personnellement responsable des infractions commises par ce dernier », écrivent-ils. Ils ont donc validé cet article.
Le Conseil constitutionnel a également validé les articles 13 et 14 de la loi, qui permettent à un procureur d’interdire à un mineur d’aller et venir sur la voie publique sans son représentant légal pendant une durée maximale de 6 mois. Pour les Sages, cette disposition « ne méconnaît ni le principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs, ni la liberté d’aller et de venir ».
Amputée de ces six articles, la loi devrait maintenant être rapidement promulguée. Maire info reviendra sur les dispositions restantes lorsque le texte sera publié au Journal officiel.
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2
L'Assemblée nationale a adopté un arrêt total de l'implantation des énergies renouvelables
Proximité, vitalité et attractivité : les ambitions du gouvernement pour les territoires ruraux
«Temps de l'enfant » : première réunion des membres de la Convention citoyenne








