Déficit public : François Bayrou remet à plus tard ses pistes pour 2026, mais confirme la contribution des collectivités
Par A.W.

Le diagnostic sur la situation financière « intolérable » du pays restera, pour l’heure, sans remède. Lancée hier, l’opération « vérité » de François Bayrou sur l’état des comptes publics n’aura finalement pas apporté de réponses concrètes sur lesquelles compte s’appuyer le Premier ministre pour élaborer son budget pour 2026.
Celui-ci n’était d’ailleurs pas présent lors de la réunion du comité d’alerte, durant laquelle seuls ses ministres se sont entretenus avec les délégations parlementaires aux collectivités locales, les associations d’élus ou encore les représentants des caisses de sécurité sociale afin de se pencher sur l’exécution du budget 2025 et préparer celui de l'an prochain. Le but étant de contenir le déficit public et éviter une nouvelle dérive des comptes publics.
Le « piège » de la dette
Alors même que l’exécutif cherche à réaliser une quarantaine de milliards d'euros d'économies dans le cadre de la prochaine loi de finances pour réduire le déficit à 4,6 % du PIB et « faire face à ses priorités » (« la santé, l’éducation, la défense » ), le maire de Pau a donc surtout voulu alerter les Français sur le « piège » que constitue la dette puisque son accroissement menacerait « la survie de notre pays » si rien n’est fait.
Graphiques à l’appui, le Premier ministre a rappelé que la France « manque de ressources » et « dépense trop par rapport à ses recettes ». En cause, le fait que « nous ne produisons et ne travaillons pas assez » en raison notamment d’un taux d’emploi plus faible chez les plus jeunes et les plus âgées.
Écartant la piste d'une augmentation des impôts et affirmant que « rien n’est tabou », François Bayrou a assuré qu’« aucun chiffre n’a été arrêté » à ce stade, même pas celui de 40 milliards d’euros d’économies. Et encore moins celui de « 8 milliards d’euros » qui circule dans la presse et correspondant à l'effort qui pourrait être demandé aux collectivités l’an prochain. Seule une enveloppe supplémentaire de 3 milliards d’euros pour la défense semble avoir été actée, au regard du contexte international.
« Prolonger durablement » l’effort des collectivités
Une chose est sûre : les élus locaux devront « prolonger durablement et efficacement leurs efforts » engagés cette année, a confirmé le ministre de l’Aménagement du territoire, François Rebsamen, alors que son homologue à l’Économie, Éric Lombard, a précisé que l'effort « doit être équitable entre les trois grandes catégories » - que sont l’État, la sécurité sociale et la sphère locale.
Reste à savoir quelle sera la contribution des collectivités au redressement des finances publiques ? Une contribution « juste et prévisible », a simplement indiqué l’ancien maire de Dijon, la justifiant par une « dynamique » en matière de dépenses de fonctionnement qui « reste élevée » (+ 3,9 %) à ses yeux.
Pour y parvenir, François Rebsamen suggère de donner aux élus « une visibilité pluriannuelle sur leurs recettes ». « On pourrait le faire de trois manières : en maîtrisant les dépenses de fonctionnement des collectivités [sans que « l’Etat ne leur en impose de nouvelles » ], en priorisant les investissements d’avenir grâce à une simplification des soutiens de l’Etat [parce qu’il « faut apporter plus de clarté dans ce maquis » ], et en réduisant les normes qui pèsent sur les collectivités ».
À noter que le gouvernement a décidé de geler 5 milliards d’euros de dépenses pour 2025, qui s’ajoutent à une mise en réserve initiale de 8,7 milliards d’euros afin d’éviter un nouveau dérapage budgétaire. « Au regard des risques », l’exécutif a ainsi annulé « 3 milliards de dépenses que nous ne ferons pas » et mis de côté 2 milliards d’euros que « nous nous préparons à annuler si les temps restent difficiles », a détaillé la ministre du Budget, Amélie de Montchalin, sans en préciser la répartition exacte.
Les « grands choix » présentés avant le 14 juillet
Alors même qu’il reste toujours sous la menace d'une censure à l'Assemblée, le gouvernement a annoncé que les « grandes orientations » et les « grands choix » sur le budget de l'an prochain seront proposés avant le 14 juillet. Et non pas en septembre, comme habituellement.
En attendant, le « comité d’alerte » se réunira à nouveau en juin (puis en septembre) et la tenue d’une « conférence des territoires » a bien été fixée le 6 mai. Cette dernière doit permettre de « partager le diagnostic de la santé financière des collectivités et bâtir ensemble une stratégie pluriannuelle adaptée de participation au redressement » des comptes publics, selon l'exécutif.
Devant le boycott de sa conférence par l’AMF, François Bayrou a répondu que « la mission de maire c’est de regarder le réel pour le transformer. Si certains préfèrent ne pas voir le réel, je suis persuadé que, parmi les 36 000 maires de France, un très grand nombre souhaite suivre cette démarche ».
« Cela n'est pas sérieux de vouloir nous convoquer pour simplement nous donner la potion », a répliqué, hier sur RTL, le premier vice-président délégué de l’AMF et président du Comité des finances locales (CFL), André Laignel, estimant une nouvelle fois que ce comité d’alerte est « une opération de communication du gouvernement » où « il n’y a pas de négociations possibles ».
Risque sur les services publics
« Nous savons très bien que l’opération consiste à expliquer qu’on va nous tondre, et nous n’avons pas une âme de mouton », a lancé le maire d’Issoudun, jugeant « injuste et délirant » un encore hypothétique effort de 8 milliards d’euros pour les collectivités car « cela mettra en cause les services publics locaux ».
« Demander des économies, c’est risquer des fermetures de services publics et des suppressions d’emplois », a confirmé le président de l'Association des petites villes de France (APVF), Christophe Bouillon, pour qui les collectivités sont « presque à l’os ». Même chose pour Villes de France qui a pointé le risque d’« une forte réduction de l'investissement local ».
Jugeant que « l’enjeu de l’assainissement du budget 2026 concerne avant tout l’Etat », les Régions de France ont fait savoir, pour leur part, qu’elles ne « pourront pas encaisser une seconde année consécutive un effort qui impacterait directement les investissements indispensables à la souveraineté de notre pays ».
Face à « cette nouvelle présentation de la situation catastrophique devant laquelle le "quoi qu'il en coûte" a placé le pays », les Départements se sont dit, eux, « prêts à travailler avec le gouvernement » afin qu'il « mesure la gravité de [leur] situation ».
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