Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du lundi 23 mars 2020
Coronavirus

Covid-19 : ce que doit faire l'employeur public territorial pendant la pandémie 

Comment doit réagir un employeur public territorial lorsqu’un agent de la collectivité est victime de la pandémie de Covid-19 ? Que doit-il faire pour préserver la santé des personnels ? Comment s’exerce la continuité du service public pendant la période de confinement ? Autant de questions auxquelles sont actuellement confrontés les décideurs de la fonction publique territoriale et qui font l’objet de plusieurs textes publiés ces derniers jours par le gouvernement. 
Dès le lendemain des annonces par le Président de la République des mesures exceptionnelles pour lutter contre la propagation du virus, la DGAFP a publié, le 17 mars, un document visant à clarifier le cadre juridique dans lequel s’exerce l’activité des agents publics dans ce contexte inédit. 

Le télétravail, modalité d’organisation du travail de droit commun
Ce document précise en préambule que le travail à distance des agents constitue « le moyen le plus efficace pour lutter contre la diffusion du covid-19 »  car il permet de limiter les contacts physiques. Toutefois, la DGAFP souligne que deux conditions doivent être réunies : que les activités puissent s’exercer à distance et que les agents ne soient pas concernés par un plan de continuité de l’activité (PCA). Il est, par ailleurs, rappelé que dans le cadre du télétravail, l’agent utilise le matériel attribué par son employeur, ou le cas échéant, son matériel personnel. A noter que lorsque le télétravail n’est pas possible, l’agent est placé par l’employeur en autorisation spéciale d’absence (ASA). En résumé, seuls les agents publics participant aux PCA en présentiel se rendent effectivement sur leur lieu de travail. Il appartient donc aux employeurs de réorganiser le fonctionnement de la collectivité en veillant notamment à tenir les réunions sous forme de conférences téléphoniques, à reporter les déplacements et à différer l’organisation de rassemblements, séminaires et colloques.


Assurer la continuité du service public
L’objectif des PCA étant d’assurer le maintien des activités indispensables de la collectivité territoriale, l’employeur doit déterminer quels sont les agents qui doivent impérativement assurer leur mission, soit en étant physiquement présents à leur poste, soit en télétravail. La DGFAP souligne que « seuls les agents les plus vulnérables sont invités à rester chez eux et ne participent pas au travail en présentiel ». La vulnérabilité des personnels est définie par le Haut conseil de la santé publique (HCSP) qui a recensé 11 critères pathologiques nécessitant le maintien à domicile des agents (antécédents cardiovasculaires, diabétiques insulinodépendants non équilibrés, pathologie respiratoire chronique, femmes enceintes à partir du 3e trimestre de grossesse …)
Les agents présentant une ou plusieurs des pathologies listées par le HCSP doivent déposer une déclaration sur le portail de la CNAMTS (declare.ameli.fr) afin d’enclencher la procédure dédiée aux salariés les plus vulnérables face au covid-19.
S’agissant des femmes enceintes, un travail à distance doit être systématiquement proposé par l’employeur. À défaut, en cas d’impossibilité de télétravailler, une autorisation spéciale d’absence est délivrée par le chef de service.

Des mesures pour les agents assurant l’activité en présentiel 
Les agents présents à leur poste doivent impérativement appliquer les gestes barrières et les règles de distanciation édictées par le gouvernement. Il appartient aux employeurs d’organiser le lieu de travail afin qu’une distance d’un mètre soit respectée entre chaque agent. 
En outre, la DGAFP distingue les situations où l’agent se trouve en contact « bref »  avec le public (dans ce cas ce sont les gestes barrières qui s’appliquent) et celle où les contacts sont « prolongés et proches »  (les mesures barrières doivent alors être complétées, par exemple par l’installation d’une zone de courtoisie d’un mètre, par le nettoyage des surfaces avec un produit approprié, etc.). Dès lors que ces mesures sont mises en œuvre, la seule circonstance que l’agent soit affecté à l’accueil du public et pour des contacts prolongés et proches ne suffit pas « sous réserve de l’appréciation souveraine des tribunaux, à considérer qu’il justifie d’un motif raisonnable pour exercer son droit de retrait. » 


Les mesures à prendre si un agent est contaminé
Le Code du travail prévoit que l’employeur doit prendre les mesures nécessaires « pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale des travailleurs »  (article L. 4121-1 du Code du travail). À ce titre, l’employeur doit demander à l’agent malade de rentrer à son domicile. L’employeur doit également informer le CHSCT de la situation de façon dématérialisée et traiter l’environnement de travail de l’agent contaminé. Ce n’est qu’une fois l’environnement traité que l’employeur peut demander aux agents ayant été en contact avec l’agent porteur du risque de poursuivre le travail, sans masque, mais en respectant strictement les consignes sanitaires. 

Le droit de retrait s’applique-t-il à tous les agents ?
Le droit de retrait doit pouvoir être articulé avec la nécessité de continuité du service public et de préservation de l’ordre public. Dans ce cadre, un certain nombre de métiers sont visés par une limitation du droit de retrait (policiers municipaux, sapeurs-pompiers…). En période de pandémie, les personnels exposés au risque de contamination du virus du fait de la nature de leur activité habituelle (agents chargés du ramassage et du traitement des déchets par exemple) ne peuvent légitimement exercer leur droit de retrait, au seul motif d’une exposition au virus. La DGAFP explique que cette exclusion du champ d’application du droit de retrait se justifie par le fait que ces personnels sont systématiquement exposés à des agents biologiques infectieux du fait même de l’exercice normal de leur profession, ou parce que leur maintien en poste s’impose pour éviter toute mise en danger d’autrui.  Cependant, l’employeur doit prévoir des mesures de protection renforcées et adaptées aux missions exercées par les professionnels exposés de manière active au virus (masques, consignes d’hygiène, mesures d’organisation, suivi médical…). 

Quelles dérogations au temps de travail sont-elles possibles pendant la pandémie ? 

Dans la fonction publique territoriale, c’est le décret 2001-623 du 12 juillet 2001 renvoyant aux dispositions du décret du 25 août 2000 qui s’applique pour fixer les dérogations au temps de travail. Ces dispositions concernent le dépassement de la durée maximale quotidienne de 10 heures, la dérogation à la durée maximale quotidienne du travail de nuit de 8 heures, la dérogation à la durée maximale hebdomadaire absolue de 48h, ou encore la dérogation à la durée maximale hebdomadaire moyenne de 44 h sur 12 semaines consécutives. A noter qu’une décision de l'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement est nécessaire pour autoriser ces dérogations. 

Comment la rémunération de l’agent est-elle prise en charge par l’employeur pendant la pandémie ?
La DGAFP a publié une fiche qui détaille les différentes manières dont s’applique la prise en charge de la rémunération des agents selon les situations auxquelles sont confrontées les employeurs. 
Dans le cas d’un agent faisant l’objet d’une mesure d’isolement par l’ARS (durée de l’isolement de 14 jours) ou appartenant à la catégorie des personnes « vulnérables », l’employeur se doit de favoriser le télétravail. Lorsque le télétravail n’est pas ou plus possible, il doit placer l’agent en autorisation spéciale d’absence. Le maintien de la rémunération s’applique comme si l’agent était en activité, le délai de carence n’étant pas applicable dans ce cas. 
Dans le cas d’un agent reconnu malade du coronavirus, ce dernier doit être placé en congé de maladie ordinaire avec maintien du traitement et, le cas échéant, des primes et indemnités. Le jour de carence ne devrait plus s’appliquer au lendemain de la parution de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie du covid-19 votée le 22 mars 2020 (lire article ci-dessus). 
Dans le cas des personnels appartenant à un service public ou à un établissement public fermé, lorsque le télétravail n’est pas possible, l’agent doit être placé en autorisation spéciale d’absence. Sa rémunération est maintenue comme s’il était en activité, sans application du délai de carence.
Dans le cas d’un agent contraint d’assumer la garde d’un enfant de moins de 16 ans pendant la période de fermeture des crèches et établissements scolaires, lorsque le télétravail n’est pas possible, l’agent doit être placé en autorisation spéciale d’absence. Sa rémunération est maintenue comme s’il était en activité, sans application du délai de carence.

Emmanuelle Quémard

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