Budget 2026 : pour éviter une « véritable casse sociale » en Outre-mer, les députés suppriment des coupes du gouvernement
Par A.W.
Après le « traitement prioritaire » dont ils ont fait l’objet en 2025, les territoires ultramarins vont-ils être l’une des prochaines victimes du tour de vis budgétaire ? Face à la levée de boucliers des élus et des acteurs économiques, les députés ont commencé, hier, en commission, à y remédier en revoyant sérieusement la copie du gouvernement.
Un gouvernement dont le Premier ministre a lui-même reconnu, il y a quelques jours, que « l'effort demandé […] peut apparaître disproportionné », en réponse au courrier des députés socialistes ultramarins dans lequel ils dénonçaient un « coup de rabot » annoncé de 750 millions d'euros sur les dispositifs de soutien aux entreprises.
Raison pour laquelle d’ailleurs ces derniers ont voté la censure contre l’exécutif, contrairement à la quasi-totalité du reste de leur groupe.
Une « mise à mort » de l'économie ultramarine
Dans le détail, les textes budgétaires prévoient des coupes de 350 millions d'euros sur les exonérations de charges sociales spécifiques à l’Outre-mer (Lodeom) et de 400 millions d'euros sur les dispositifs de défiscalisation sur l'investissement productif sans qu’aucune réelle étude d’impact n’ait été réalisée, selon le calcul de la Fédération des entreprises d'Outre-mer (Fedom) qui a fustigé un « coup de massue ».
Pour « empêcher » une « véritable casse sociale » et une « mise à mort des économies ultra-marines », les députés socialistes, communistes, RN et même Renaissance ont fait adopter des amendements similaires visant à tout simplement supprimer ces économies qui seraient faites « sur le dos des territoires ultramarins ».
Sans cela, des « secteurs vitaux » – tels que le tourisme, l’industrie, la production agricole ou le BTP – seraient précipités « dans une crise majeure aux conséquences irréversibles », expliquent les députés dans leurs différents amendements, en soulignant que cet effort « hors de proportion » et « uniforme » à tous les territoires « affaiblirait tout particulièrement les petites et les moyennes entreprises ».
Sans compter que cette réforme ne prendrait « nullement en compte les dispositifs votés en loi de finances pour 2025 pour soutenir l’investissement en Nouvelle-Calédonie [mais aussi] le territoire de Mayotte qui peine encore à se relever du passage du cyclone Chido », ont regretté les députés Renaissance.
Le coût de la loi pour le développement économique des Outre-mer (Lodeom) a notamment grimpé ces dernières années pour atteindre 1,5 milliard d'euros en 2024, selon une étude de l'Inspection générale des finances (IGF) citée hier par le rapporteur du budget, Philippe Juvin : « Le coût des dépenses fiscales a augmenté de plus de 80 % en sept ans. La question, c’est pour quelle efficacité… Je crois que personne ne sait y répondre. »
« Une réforme, pas un rabot aveugle »
Une réunion avec la nouvelle ministre des Outre-mer, Naïma Moutchou, et la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, doit d’ailleurs avoir lieu « pour reprendre ce travail » et « écouter [les] propositions » des députés, a promis Sébastien Lecronu.
« Il faut une réforme, pas un rabot aveugle », a plaidé le député socialiste de Guadeloupe Christian Baptiste, nommé rapporteur de la mission Outre-mer du budget. Celui-ci a ainsi déjà proposé, en septembre, une réforme visant à unifier et simplifier la Lodeom qui bénéficient à près de 50 000 entreprises (principalement des PME et TPE), renforcer les contrôles, mais aussi investir dans les secteurs d’avenir.
À noter qu’un autre amendement de la députée Liot Estelle Youssouffa annule la suppression de l’aide aux entreprises affectées par la crise de l’eau à Mayotte.
Afin de soutenir la production d’Ehpad dans les territoires ultramarins, les députés socialistes ont, de leur côté, fait adopter une mesure qui permettrait d’intégrer ces derniers dans le champ du « dispositif de crédit d’impôt en faveur du logement social dans les Pays des océans dits d’Outre-mer ». Aujourd’hui, ils en sont encore exclus. Les organismes HLM pourraient ainsi bénéficier de ce crédit d’impôt lors de la création d’Ehpad destinés à des personnes de revenus modestes.
L’adoption de ces amendements n’aura cependant, pour l'heure, aucun effet sur le projet de budget puisque les députés doivent repartir en séance du texte initial du gouvernement, comme toujours pour les textes budgétaires. Les députés devront donc les revoter dans l'hémicycle pour espérer les voir intégrer le texte final.
La loi sur la vie chère arrive au Parlement
Pour la première fois depuis 2020, les crédits alloués à l’Outre-mer sont annoncés en nette baisse en 2026, passant de près de 3 milliards d’euros à un peu plus de 2,8 milliards d'euros.
En 2025, ces crédits avaient été largement rehaussés (de 11 %) afin de soutenir la reconstruction de la Nouvelle-Calédonie et de Mayotte, respectivement frappée par les émeutes insurrectionnelles et dévasté par le cyclone Chido, mais aussi les entreprises martiniquaises durement touchées par les mouvements sociaux de 2024 contre la vie chère.
Sur ce point, le Premier ministre a rappelé, dans sa réponse aux élus ultramarins, l’importance du projet de loi qui arrive la semaine prochaine dans l'hémicycle au Sénat et indiqué vouloir « encore [s]’appuyer sur [eux] pour améliorer ce texte dans les semaines à venir ». L’ancien ministre des Outre-mer, Manuel Valls, avait suggéré de réunir l'essentiel des propositions de loi en cours dans un seul et même projet de loi, avant de le présenter cet été en Conseil des ministres.
« Structuré autour de quatre titres, il contribue au renforcement des dispositifs de lutte contre la vie chère par une action de baisse de prix et d'amélioration de la transparence et la concurrence dans les outre-mer. Il vise à soutenir le tissu économique ultramarin, en particulier en matière de souveraineté alimentaire », indique l’exposé des motifs du texte.
Pour baisser les prix, le prix du transport pourrait ainsi être retiré du calcul du seuil de revente à perte tandis que le « bouclier qualité-prix » (BQP) serait « amélioré » et étendu aux services essentiels comme l'entretien automobile, les forfaits d'abonnement téléphonique ou internet (et non plus aux seuls produits alimentaires).
Dans une circulaire récente faisant de la vie chère la « priorité absolue » des préfets ultramarins, le gouvernement demandait déjà à ces derniers d'élargir les négociations autour des prix aux « services téléphoniques, bancaires et d'entretien automobile ».
En parallèle, le texte permettrait aussi de « saisir le préfet » plus facilement en cas de « variations excessives » des prix. La création d'un service public de gestion logistique en Martinique est enfin proposée.
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