Maire-info
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Édition du lundi 21 juillet 2025
Outre-mer

Outre-mer : la vie chère devient la « priorité absolue » des préfets

Dans une circulaire, le gouvernement demande aux préfets d'élargir les négociations autour des prix aux « services téléphoniques, bancaires et d'entretien automobile », ainsi que la mise en place d'un « plan de contrôle massif ». Des mesures qui arrivent alors que le budget consacré aux Outre-mer pourrait baisser de 200 millions d'euros en 2026.

Par A.W.

« Il nous faut un plan de bataille complet et structurel qui s'attaque, méthodiquement, à tous les facteurs expliquant la cherté de la vie. »  C’est le mot d’ordre de l’exécutif lancé dans une circulaire, publiée jeudi, à l’attention des préfets de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane, de La Réunion, de Mayotte, de Saint-Pierre et Miquelon, de Saint-Martin et Saint-Barthélemy (l’administrateur supérieur des îles Wallis et Futuna est également concerné).

L’objectif est de lutter contre ce « fléau », comme l’avait qualifié François Bayrou, à l’occasion du nouveau Comité interministériel des outre-mer (CIOM) qui s’est réuni il y a une dizaine de jours, qui a entraîné une succession de mouvements sociaux ces dernières années, sans qu’aucune mesure ne puisse réellement l’enrayer. 

Renforcer « le bouclier qualité-prix » 

Ne souhaitant pas attendre la présentation du projet de loi dédié prévu à la fin du mois (le 30 juillet en Conseil des ministres et à la rentrée au Parlement), le ministre des Outre-mer, Manuel Valls – accompagné de ceux de l'Économie, de l’Agriculture et du Commerce – demande donc aux préfets ultramarins de faire, dès à présent, de la lutte contre la vie chère « une priorité absolue de (leur) action ». 

Pour cela, l’exécutif les enjoint, « pour cette année », à « substituer »  cette circulaire à « la note d'orientation annuelle sur les accords de modération de prix ou “accords BQP” ». Comprendre le « bouclier qualité-prix »  qui fixe depuis 2012 le prix d'un panier de produits de première nécessité dans les départements et régions d'outre-mer (Drom).

Comme l’avait annoncé Manuel Valls il y a dix jours, la circulaire confirme l’adoption de trois décrets dans le but de « renforcer le "bouclier qualité-prix" »  (« en donnant de nouveaux objectifs possibles pour les négociations et en fixant un objectif nouveau de modération du différentiel de prix vis- à-vis de l'Hexagone » ), mais aussi « les observatoires des prix, des marges et des revenus »  (OPMR), ces instances chargées d'analyser le niveau et la structure des prix dans les outre-mer. 

Pour ces dernières – qui ont été instituées en 2008 à la suite de mouvements contre la vie chère aux Antilles – , cela entraînera « la nomination d'un président par observatoire »  afin de « démultipli(er) et renfor(cer) une capacité d'enquête et de réaction ». Le troisième décret leur permettra, quant à lui, « d'intégrer des enquêtes consommateurs dans leurs avis »  et « oblige(ra) l'État à assurer la publication de leur rapport annuel ».

Ces mesures offrent ainsi « un ensemble de leviers »  à la disposition des préfets qui doivent dès maintenant « en faciliter l'application le plus rapidement possible », indiquent les signataires de la circulaire.

Modérer les prix sur la téléphonie et l’automobile

Pointant « des niveaux d'aboutissement différents (des actions pour lutter contre la vie chère) en fonction (des) territoires », le gouvernement propose « une feuille de route commune »  aux préfets.

Il leur demande ainsi de se concentrer en premier lieu sur le « bouclier qualité-prix ». Alors que celui-ci reste « aujourd'hui limité aux seuls produits de consommation », les préfets devront conduire « une négociation »  aussi sur les services « les plus à mêmes de faire l'objet d'une négociation », en particulier les « services téléphoniques, bancaires et d'entretien automobile ». Sur les produits, la négociation devra être élargie, elle aussi, aux « pièces détachées automobiles », tandis que la promotion des productions alimentaires locales devra être encouragée, « notamment sur les fruits et légumes frais ».

Pour lutter contre l'opacité qui entoure la formation des prix, le gouvernement demande ensuite de renforcer le rôle des OPMR et la mise en place d’un « plan de contrôle massif et rigoureux visant à faire appliquer les dispositifs existants et à s'assurer du respect de la loi ». Il enjoint également les préfets à soutenir « dès que possible »  les initiatives privées visant à créer des « comparateurs de prix ».

L'exécutif prévoit, en parallèle, l’organisation chaque année d'une « conférence vie chère »  dans chaque territoire en y associant notamment les présidents des conseils exécutifs des collectivités, en charge de la compétence économique. Ces conférences auront pour objectif « d'associer au dispositif BQP davantage d'acteurs économiques », de « contribuer à la définition du programme de travail des OPMR », « d'effectuer un bilan général de l'évolution des prix et de la répercussion des mesures »  prises et de « faire remonter l'ensemble des idées d'actions portées par les acteurs économiques ».

Enfin, les ministres demandent une mobilisation pour « la transformation économique des territoires et donc le développement des filières productives ». Une mesure « nécessaire »  pour « renforcer le pouvoir d'achat », selon eux. Pour cela, les préfets devront « initier des stratégies de développement des filières à fort potentiel à court et moyen termes (...) en lien avec la collectivité qui détient la compétence en matière de développement économique ».  Pour le secteur agricole, cela demandera de développer et concilier « l'intégration économique régionale »  et « le développement de la production locale ».

Un budget réduit de 200 millions d’euros en 2026

On peut rappeler que Manuel Valls a fait savoir, à la sortie du Comité interministériel, qu’il publiera prochainement une circulaire visant à « améliorer les délais de paiement public dans les outre-mer »  pour les entreprises et lancera un travail d’adaptation des normes européennes pour mieux tenir compte « des réalités des territoires ultramarins ».

L’exécutif avait, par ailleurs, annoncé que des comités interministériels locaux seraient aussi organisés, à partir de septembre, dans chaque territoire ultramarin afin d'impliquer davantage les élus locaux.

« Ils permettront, selon une logique de démétropolisation et d’adaptation, de dégager des actions qui pourront être mises directement à l’échelle du territoire », selon lui. Plusieurs thématiques ont été retenues, comme l'adaptation au changement climatique (considérée comme « le grand défi de ces territoires ultramarins »  ), la coopération et le rayonnement régional (« ces territoires doivent mieux se développer dans leur espace régional »  ), la lutte contre les violences intrafamiliales ou encore l'autonomie alimentaire.

Reste que ces annonces arrivent au moment même où François Bayrou vient de dévoiler, dans son plan pour l’an prochain, une baisse de 200 millions d'euros sur le budget consacré à la mission « Outre-mer ». Si rien ne bougeait d’ici là, l'enveloppe allouée aux territoires ultramarins passerait ainsi de près de 3 milliards d'euros en 2025 à 2,8 milliards en 2026. De quoi relativiser les annonces gouvernementales.

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