Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 22 novembre 2022
Budget de l'état

Budget 2023 : les sénateurs rejettent la suppression de la CVAE

Mettant en minorité la majorité de droite, les sénateurs d'opposition ont, contre toute attente, réussi à retoquer cette réforme favorisant la compétitivité des entreprises, mais très critiquée par les maires. Le ministre des Comptes publics a déjà laissé entendre que le gouvernement agirait lors de la navette parlementaire.

Par A.W.

Coup de théâtre hier au Sénat. Les élus de la chambre haute ont annulé, en première lecture, et à main levée, l’article 5 du projet de loi de finances (PLF) pour 2023. Celui-là même qui prévoit la réduction de moitié de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) l’an prochain puis sa suppression définitive en 2024.

Ce vote est d’autant plus inattendu que la droite sénatoriale, majoritaire, avait fait adopter plus tôt dans la matinée un amendement de Bruno Retailleau (LR) décalant cette réforme. Mais celle-ci s’est retrouvée en minorité lors du vote de l’article 5.

Maintien de la CVAE

De quoi ravir les groupes d’opposition socialiste, écologiste, communiste, mais également centriste qui avaient tous déposé des amendements supprimant cette mesure, sans parvenir à les faire adopter lors de la discussion.

« En votant la suppression de l’article 5 du PLF 2023, nous avons voté le maintien de la CVAE ! Nous continuons ainsi à défendre l’intérêt des collectivités ! », s’est félicité le groupe Union centriste sur Twitter qui a réaffirmé, par le biais de son sénateur de la Haute-Savoie Loïc Hervé, que « toute réforme doit garantir voire renforcer leur autonomie fiscale ».

« Le gouvernement et la droite échouent à supprimer la CVAE au Sénat », s’est réjoui de son côté le groupe socialiste (SER), dans un communiqué, qualifiant cette mesure d’« injuste », puisqu’elle « assècherait encore les finances des collectivités ». Ces dernières ont « besoin de ressources affectées », le gouvernement ne « peut leur faire porter le poids de son dogme aveugle du "moins d'impôts" », a ajouté le président du groupe Patrick Kanner, président du groupe socialiste.

« Merci aux sénateurs LR qui ont voté avec leurs pieds ce matin en désertant l'hémicycle au moment du vote de la suppression de la CVAE. Ils ont permis le rejet du bricolage fiscal de Bruno Retailleau et de l'inconséquence gouvernementale sur le dos des collectivités », a ironisé le sénateur écologiste du Rhône Thomas Dossus, sur Twitter également. 

« Donner le temps aux collectivités de préparer la réforme » 

En effet, un peu plus tôt durant les débats, les sénateurs avaient adopté un amendement du président du groupe LR, Bruno Retailleau, supprimant 50 % de CVAE dès l'année prochaine, mais avec un dégrèvement pour les collectivités territoriales. « Puis, à partir de 2025, nous passerions à une réforme complète », avait défendu la sénatrice des Hauts-de-Seine Christine Lavarde (LR), l’objectif étant de « donner le temps aux collectivités de préparer la réforme »  et de leur proposer un mécanisme de compensation efficace.

Car si la suppression de la CVAE ne fait pas polémique chez la droite sénatoriale, il en va autrement des modalités de compensation aux collectivités territoriales. « Rien n'indique que l'attribution d'une fraction de TVA maintiendra le lien avec la politique d'attractivité menée par les collectivités », a rappelé Christine Lavarde, jugeant la réforme « trop rapide »  et « insuffisamment concertée ». « La question des potentiels fiscal et financier est mal appréhendée, nous n'avons pas envie de revivre la suppression de la taxe d'habitation », a-t-elle prévenu.

Critiquant un « en même temps »  de la sénatrice « assez flou », le ministre des Comptes publics, Gabriel Attal, a estimé que cet amendement « conserve un impôt fantôme l'an prochain, et décale la suppression d'un an », ce qui n’enverrait « pas de signal aux investisseurs », qui ont « besoin de voir clairement que l'impôt baisse ». 

Le sénateur de Paris, Rémi Féraud (SER), y a vu une « usine à gaz », quand le sénateur communiste du Val-de-Marne, Pascal Savoldelli, a taclé cet amendement : « Vous nous parlez à longueur de temps de la dette publique, et voilà un amendement de M. Retailleau qui réduit de 2 milliards d'euros les recettes de l'État. Mais peut-être l'enjeu est-il ailleurs... » 

Le gouvernement va « tout faire »  lors de la navette parlementaire 

Le groupe LR au Sénat a dit « regretter »  qu’une majorité de sénateurs ait voté contre la suppression de la CVAE, jugeant celle-ci « indispensable ». « Non seulement le dispositif proposé supprimait un impôt de production mais il ne pénalisait pas les collectivités », a-t-il assuré dans un communiqué

Cette suppression de la suppression de la CVAE ne devrait toutefois pas prospérer, le gouvernement ayant déjà laissé entendre qu’il agirait lors de la navette parlementaire afin de réintroduire cette promesse de campagne d'Emmanuel Macron. « Je veux dire aux PME, aux entreprises, que le gouvernement restera évidemment à leurs côtés. Il continuera à agir et à tout faire, y compris dans la suite de l’examen et de la navette de ce texte, pour faire en sorte qu’elles puissent bénéficier d’une meilleure compétitivité et d’une baisse d’impôt l’année prochaine », a fait savoir le ministre des Comptes publics, Gabriel Attal, dans l'hémicycle, « regret[tant] »  lui aussi la suppression de la réforme, « un élément extrêmement attendu par nos entreprises et notamment nos PME ».

Pour rappel, le gouvernement a déjà utilisé à deux reprises le 49-3 pour faire passer son projet de loi de finances pour 2023 en première lecture. A cette occasion, il avait finalement intégré le millésime 2023 de la CVAE dans le calcul de la compensation qui sera accordée aux collectivités.

Consulter le PLF pour 2023.

 

Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2