Depuis huit ans, des désordres persistent dans les raccordements à la fibre
Par Lucile Bonnin
Alors que le sujet de l’équilibre financier des réseaux d’initiative publique a été au cœur des échanges lors du TRIP de l’Avicca qui s’est achevé hier (lire Maire info du 14 mai), la qualité de service et la résilience des réseaux FTTH (fibre) ont fait l’objet de plusieurs échanges.
Si l’arrivée de la fibre a pu faire autant parler d’elle dans les communes c’est, malheureusement, parce que de nombreuses malfaçons ont pu être constatées par les citoyens et par les élus dans les raccordements.
Dans son rapport d'activité 2024, la médiatrice des communications électroniques relève d’ailleurs un nombre croissant de litiges liés à la fibre. Ce sont des litiges techniques qui sont pour la moitié dénoncés par les consommateurs avec des dysfonctionnements liés soit à des réseaux accidentogènes (qui ne concerne que 2 % des lignes) soit à des malfaçons dans les raccordements finals (débranchements sauvages de clients, saccage des armoires, installations bâclées).
Rappelons que cette question de la qualité des réseaux fibre est un enjeu essentiel car il entre en ligne de compte dans la disparition de l’ADSL. Avant de fermer le réseau cuivre, il faut s’assurer que tous les habitants puissent avoir une bonne connexion, ce qui n’est actuellement pas le cas dans certains territoires où l’on observe encore beaucoup trop de dégâts.
« Cette mauvaise farce qui s’appelle STOC »
Dans la grande majorité des cas, les problèmes de connexion à la fibre viennent en réalité « des raccordements finals qui sont quasiment tous effectués en mode STOC », observe Pauline Hodille, conseillère référendaire à la Cour des comptes qui a publié il y a un mois un rapport sur la fibre. Pour rappel, « la sous-traitance du raccordement final à l’opérateur commercial (mode STOC), au départ dérogatoire, s’est progressivement imposée pour la quasi-totalité des raccordements finals. Le mode STOC est une modalité de raccordement pratiquée uniquement en France, du moins à cette échelle industrielle. »
Ce mode STOC comporte « des risques en matière de qualité des interventions et des besoins de contrôle que la filière des communications électroniques n’a pas toujours su maîtriser », estime la Cour des comptes qui met également en lumière grâce à un sondage que 82 % des Réseaux d’initiative publique se déclarent non satisfaits par le mode STOC et que 47 % soulignent que les opérateurs intervenant sur leur réseau ne respectent pas les recommandations de l'Arcep sur le recours à la sous-traitance (limitation à deux rangs de sous-traitance, certification des intervenants, compte-rendu d’intervention par photographies, etc.).
L’Avicca, l’association qui regroupe les collectivités engagées dans le numérique, dénonce avec ferveur depuis plusieurs années cette « ubérisation » de la filière qui détériore le déploiement de la fibre. Patrick Chaize, son président, a donc hier une nouvelle fois dénoncé « cette mauvaise farce qui s’appelle STOC ». Le sénateur de l’Ain avait même déposé une proposition de loi qui prévoyait une interdiction du mode STOC dans les « zones fibrées » – c’est-à-dire les zones dans lesquelles 100 % des locaux sont déjà raccordables à la fibre.
Les actions des opérateurs jugées insuffisantes
Que font les opérateurs face à ces problèmes de qualité ? Du côté des réseaux dits accidentogènes, qui résultent souvent de problèmes de construction initiale ou d’architecture atypique des réseaux, des plans de reprises ont été lancés par les opérateurs mais « ils ont mis du temps à se mettre en place et s’échelonnent sur plusieurs années », estime Pauline Hodille.
Concernant les malfaçons, « la filière depuis 2019 s’est engagée pour des plans pour améliorer la qualité des raccordements finals mais les résultats ne sont pas encore efficaces et on compte un plan par an », observe la représentante de la Cour des comptes qui s’interroge sur l’efficacité de tous ces plans.
« La gestion de la chaine de sous-traitance ce n’est pas le far west comme on peut l’entendre », a défendu Romain Bonenfant, directeur général de la Fédération française des télécoms. Alors que le président de l’Avicca explique que « seule l’auto-labellisation de 100 % des sous-sous-traitants a été respectée (…) avec moins de deux ans de retard » ironisant sur ces « techniciens auto-labelisés pour le compte d’opérateurs auto-satisfaits », le président de la FFT répond que cette auto-certification n’est « pas une fin en soi mais permet de s’engager sur une deuxième phase ». Il a notamment évoqué les comptes rendus d’intervention photo des techniciens qui ont été améliorés fin 2024 et la future notification en temps réel des déconnexions pour que chaque opérateur puisse faire des reconnexions à chaud.
Pour mettre fin à cette inertie sur des problèmes « qui durent depuis huit ans maintenant », la Cour des comptes a formulé plusieurs recommandations dans son rapport qui a d’ailleurs largement été salué, aussi bien du coté des collectivités que des opérateurs. « L’Arcep devrait pouvoir auditer des réseaux fixes comme elle peut le faire pour les réseaux mobiles », résume Pauline Hodille et « activer plus fréquemment le levier de sanction » lorsque les opérateurs ne respectent pas leurs engagements.
En attendant une réponse efficace des opérateurs, du législateur, de l’État et de l’Arcep, les collectivités prennent les devants. Certaines collectivités ont mis en place « par exemple en place des outils à destination des usagers pour faciliter la gestion de leurs problèmes de connexion, comme des plateformes ou guichet de signalisation des pannes ». La Cour des comptes cite l’exemple du syndicat Anjou numérique a mis en place une plateforme de recueil des demandes des usagers depuis 2023 (numéro vert et adresse courriel), du syndicat Périgord Numérique qui a aussi mis en place un numéro d’assistance pour les usagers de la fibre et le syndicat des énergies et de l’aménagement numérique de la Haute-Savoie (Syane) « a créé la cellule Info-fibre, composée de 3,5 équivalents temps plein, qui intervient, à titre subsidiaire, lorsque les réponses apportées par le délégataire ou l’opérateur commercial aux plaintes des usagers ou aux demandes des élus sont restées infructueuses ».
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