Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 3 décembre 2025
Aménagement urbain

Un rapport invite à reconsidérer la place du périurbain dans le débat public

Alors qu'il représente environ 30 % de la population française, le périurbain est « un impensé politique et social ». C'est ce que pointe un rapport rédigé par l'urbaniste Jean-Marc Offner pour le groupe de réflexion Terra Nova. Il invite les élus à mettre en place des « politiques adaptées à ces territoires souvent invisibles mais décisifs ».

Par Lucile Bonnin

Un « entre-deux », « ni ville ni campagne », « un territoire pluriel » « souvent caricaturé comme la "France moche" » : le périurbain fait rarement l’objet de rapports ou d’études et apparaît comme un angle mort de l'aménagement du territoire.

Ces territoires ne se réduisent pas « aux lotissements pavillonnaires, aux ronds-points et aux hypermarchés. On y croise des vaches, aux près ; des camions, entrant et sortant de leur plate-forme logistique ; des commerces dans d’anciennes stations-services ; des parcs à thème ; des jardins partagés ; des sentiers de randonnée ; des zones d’activité en transformation ; le centre sporadiquement animé d’un bourg ; une base de loisirs près d’un lac de carrière ; un village touristique avec son restaurant étoilé… », résume Jean-Marc Offner dans un rapport publié ce jour par Terra Nova. Près d’un tiers des Français vivent d’ailleurs dans ces zones périurbaines.

Pourtant le périurbain « reste largement négligé »  alors qu’il peut être appréhendé comme « un levier transversal »  pour toutes les politiques publiques locales.

Un espace largement ignoré…

Le périurbain « ne figure dans aucune grande stratégie nationale, n’a pas de reconnaissances juridique ou statistique claires et reste marginal dans les politiques d’équipement ou de transition ». D’un autre côté, l’auteur du rapport observe que c’est cet espace précisément qui a connu « la plus forte croissance démographique au cours des dernières décennies (+ 63 % entre 1968 et 2011) et celui où les aspirations résidentielles (espace, accès à la propriété, nature, autonomie) s’expriment avec le plus de constance ».

L’auteur du rapport dénonce des politiques inadaptées en la matière. Après la crise des gilets jaunes par exemple, la réponse du gouvernement a été « peu en phase avec les problématiques périurbaines contemporaines » : « Un agenda rural chargé de répondre au "sentiment d’abandon ressenti dans les zones les plus éloignées des services publics", surtout destiné à des centres-bourgs et des villages en quête de revitalisation ». 

De même, le périurbain souffre d’un manque « de porte-paroles ». « Les maires s’y présentent en tant qu’élus de la ruralité, comme les conseillers départementaux. Du reste, les habitants aussi déclarent habiter la campagne. L’Ile-de-France fait exception, « édiles et administrés acceptant plus souvent le qualificatif de périurbain ».

Enfin, le désamour du périurbain est lié au fait que son modèle d’aménagement est « critiqué pour son impact écologique »  car « il concentre des problématiques bien identifiées (dépendance à la voiture, habitat énergivore, éloignement des services) ».

… mais pourtant stratégique 

Cependant, et c’est là tout l’enjeu du rapport, le périurbain peut offrir « des leviers puissants de transition ». En effet, le rapport insiste sur la nécessité de faire du périurbain un laboratoire de transformation, en misant sur la densification douce, les mobilités alternatives, la requalification des zones d’activités, la relocalisation des services et la sobriété foncière... 

Cette idée rejoint celle déjà mise en avant dans un rapport de 2015 intitulé Requalifier les campagnes urbaines de France : une stratégie pour la gestion des franges et des territoires périurbains et qui avait été remis au gouvernement de Manuel Valls à l’époque. « La requalification des espaces périurbains est une cause d’intérêt national qui s’inscrit nécessairement dans la construction des villes et territoires durables », concluaient ses auteurs.

Ainsi, ces « campagnes périurbaines »  sont propices à l’expérimentation (organisation de la mobilité, maîtrise de l’énergie, économie circulaire...) « pour réussir les transitions écologique, sociale et territoriale », soutient Jean-Marc Offner.

Concrètement, le rapport de Terra Nova formule des leviers d’action « répartis par niveau de responsabilité ». L’État par exemple devrait « soutenir la montée en compétence des acteurs locaux »  avec une « meilleure structuration des données, une reconnaissance politique et un encouragement à l’expérimentation ». Les départements peuvent de leurs côtés mobiliser leurs CAUE pour accompagner les évolutions – même si, rappelons-le, ils sont pour le moment menacés de disparation (lire Maire info du 13 octobre).

Le rapport indique aussi qu’ « à travers les SCoT, les intercommunalités disposent du document de planification le plus adapté au périurbain »  et qu’il faudrait « le renouveler par des outils inédits comme les agendas périurbains et les schémas de mutation des espaces ouverts. Ces démarches doivent être accompagnées par l’Ademe, le Cerema, les fédérations de SCoT et les agences d’urbanisme pour faire émerger une lecture fonctionnelle du territoire (réseaux, temps, usages) plutôt qu’un découpage figé ». 

Enfin, pour ce qui concerne le bloc communal, il est clair que « les communes restent des acteurs légitimes, notamment en matière d’urbanisme et de délivrance de permis »  et qu’elles « doivent pouvoir peser dans les décisions structurantes (ZAN, EnR, planification foncière) et bénéficier d’un accompagnement renforcé pour transformer leur territoire à l’échelle pertinente ».

Rappelons qu'une loi de simplification du droit de l'urbanisme et du logement a été publiée au Journal officiel du 27 novembre et consacre un droit dérogatoire au service des maires et des porteurs de projet (lire Maire info du 1er décembre)

Consulter le rapport. 

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