Impôts locaux : le Conseil constitutionnel ouvre la voie aux remboursements de trop-versés par les contribuables
Par A.W.
Nouvelle déconvenue pour Bercy. Le Conseil constitutionnel vient de censurer une disposition de la loi de finances pour 2025 qui devait permettait d’atténuer les effets de la réforme des valeurs locatives cadastrales des locaux professionnels.
Une décision importante qui donne la possibilité aux contribuables concernés de contester leur imposition concernant la cotisation foncière des entreprises (CFE) et la taxe foncière afin d’obtenir le remboursement du trop-versé.
Un calcul erroné
Applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date, cette décision entraînera ainsi des conséquences sur la CFE des années 2022 à 2025 ainsi que pour la taxe foncière des années 2023, 2024 et 2025.
Pour comprendre cette affaire, il faut revenir une décennie en arrière et à la révision des valeurs locatives (qui permettent de calculer la CFE et la taxe foncière) des locaux professionnels instaurée en 2017. À partir de cette année, les valeurs ont été déterminées sur la base du marché locatif réel, ce qui a conduit à des hausses et des baisses d’imposition, potentiellement importantes, selon les contribuables.
Afin de rendre cette réforme soutenable pour chaque local professionnel et éviter des variations trop importantes, un mécanisme temporaire de « planchonnement » avait été instauré. Il permettait de les modérer en diminuant de moitié l’écart entre l’ancienne valeur locative et la nouvelle.
Le problème est que l’administration fiscale a considéré que ce « planchonnement » devait être celui fixé en 2017 et ainsi rester figé les années suivantes. Ce que le Conseil d’État a rejeté, en 2023, en estimant que la valeur locative révisée doit bien être recalculée chaque année, et non figée au niveau de 2017.
Augmentation pour 2,9 millions de locaux
Craignant le déclenchement de nombreux contentieux, le gouvernement a donc décidé d’intégrer une disposition dans la loi de finances pour 2025 validant les impositions dues au titre des années 2023 et 2024 (et établies dans des conditions jugées illégales par le Conseil d’État) et rendant légal le calcul du « planchonnement » figé en 2017. C’est cette mesure qui a été censurée par le Conseil constitutionnel.
C’est ce que confirme ce dernier en expliquant dans sa décision que, en adoptant la mesure inscrite dans la loi de finances pour 2025, « le législateur a entendu éviter le développement d’un important contentieux susceptible, d’une part, de perturber l’activité de l’administration fiscale et, d’autre part, d’engendrer des risques financiers pour l’État et les collectivités territoriales », notamment du fait de la modification des bases d'imposition.
L’an passé, l’administration fiscale anticipait déjà « un accroissement significatif du nombre de procédures contentieuses » et « des risques budgétaires importants », comme l’expliquait aussi, en octobre 2024, la commission des finances dans son rapport sur le projet de budget pour 2025, en citant l’évaluation préalable de la DGFiP sur la disposition retoquée par les Sages.
En effet, sur les « environ 3,1 millions de locaux » faisant l’objet d’un « planchonnement » communal, ce ne sont pas moins de « 2,9 millions » d’entre eux qui « sont affectés par une augmentation de leur valeur locative ». Autant de propriétaires ou exploitants lésés qui auront donc « intérêt à agir […] pour former une réclamation », constatait le rapporteur du budget de l’époque.
« Instabilité » des ressources des collectivités
Celui-ci estimait ainsi le montant total de la centaine d’affaires contentieuses en cours à ce moment-là à « 38,5 millions d’euros ». En juin 2024, les affaires en cours portaient sur une somme similaire de « 37 millions d’euros au titre des impositions des années 2020 à 2023 », l'AMF soulignant le fait que « ce chiffre est un chiffre a minima » étant donné qu’il ne prend « pas en compte la taxe foncière et la CFE de 2024 et de 2025 » ni les futures réclamations. Ce montant risque donc d’être largement dépassé.
L’an passé, l’administration fiscale n’était, toutefois, « pas encore en mesure de prévoir le montant prévisionnel des dégrèvements correspondant à ces contentieux » qui seraient « à la charge de l’État », indiquait le rapporteur du budget de l’époque, qui estimait que ceux-ci « pourraient représenter une somme très importante ». En outre, ce dernier prévenait que cela pourrait « placer également les collectivités dans une situation d’instabilité quant à la prévisibilité de leurs ressources fiscales ».
Peu importe pour les Sages qui ont estimé qu’« il n’est pas établi que […] le nombre de contestations des impositions assises sur la valeur locative des locaux professionnels emporte un risque de contentieux d’une ampleur telle qu’elle soit susceptible de perturber l’activité de l’administration fiscale ».
De la même manière, « l’existence d’un risque financier important pour les personnes publiques concernées n’est pas établie », assure la juridiction suprême. Dans ce contexte, « aucun motif impérieux d’intérêt général » ne justifiait de déroger à la décision du Conseil d’Etat.
Consulter la décision du Conseil constitutionnel.
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