Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 2 mai 2022
Administration

Changement d'un nom de lieu : chercher le consensus

La Commission nationale de toponymie a rappelé, en fin de semaine dernière, que les changements de nom des lieux, s'ils relèvent du libre choix des communes (notamment), doivent répondre à un certain nombre de règles et notamment être « consensuels ».

Par Franck Lemarc

L’éclatement de la guerre en Ukraine a très vite, en France comme ailleurs, motivé des élus pour modifier des noms de lieux (toponymes), en signe de protestation contre les agissements de la Russie ou de solidarité envers l’Ukraine. Dès les premiers jours de la guerre, par exemple, des communes ont « ukrainisé »  des toponymes, en reprenant l’orthographe ukrainienne à la place de l’ancienne orthographe russe (pont de Kiiv au lieu de pont de Kiev, rue Kharkhiv au lieu de rue Kharkhov). 

Dans d’autres pays, de telles modifications de toponymes ont été décidées à des fins très ouvertement politiques : ainsi en Lettonie, la ville de Riga a rebaptisé la rue où se trouve l’ambassade de Russie « rue de l’Indépendance-ukrainienne ». 

Une pratique usuelle

La Commission nationale de toponymie (CNT), instance placée auprès du Premier ministre et chargée, notamment, de conseiller les élus sur les choix qu’ils font en matière de noms de lieux, rappelle que ces changements de toponymes « politiques »  sont courants et ont traversé l’histoire : ainsi la place de la Concorde, à Paris, qui s’est successivement appelée place Louis-XV, place de la Révolution, place de la Concorde, place Louis-XVI puis à nouveau place de la Concorde, au fil des événements des 18e et 19e siècles. Ou encore, pendant la Première Guerre mondiale, la commune d’Allemagne rebaptisée Fleury-sur-Orne ou station du métro parisien Rue-d’Allemagne rebaptisée Jaurès. 

Mais la commission insiste néanmoins sur le fait que ces changements de noms doivent être autant que possible « consensuels », afin d’éviter une « instabilité dommageable ». Elle cite l’exemple d’une commune de Seine-Maritime qui vient de renommer un lieu-dit de « Moscou »  en « Kiev », sans tenir compte, dit la commission, d’une « forte opposition des habitants ». 

La CNT rappelle donc qu’il est conseillé de choisir un nom fondé « sur la fonction pratique du lieu et sur sa valeur patrimoniale ». Le caractère consensuel d’un toponyme permet de « prévenir les changements ultérieurs » : il est donc conseillé de « prendre des précautions propres à former un consensus des différentes parties prenantes autour d’un nom significatif et distinctif ». 

Respecter les règles

Si la commission « respecte pleinement la liberté des communes pour dénommer certains lieux », elle ne conseille pas, en revanche, de procéder trop systématiquement à des changements de nom. Lorsqu’un toponyme est jugé « contestable », elle suggère par exemple de « compenser par des noms attribués à des lieux encore non dénommés plutôt que de changer les noms ». Par exemple, si une commune ne comprend que des noms de rue attribués à des hommes, il est tout à fait possible de décider de donner des noms des femmes à toutes les nouvelles voies plutôt que de changer le nom de celles qui existent déjà. Et ce d’autant plus que, rappelons-le, la loi oblige maintenant les communes à donner un nom à toutes les voies (lire Maire info du 21 février).  

Par ailleurs, la commission recommande de faire de la pédagogie sur les noms existants : « Il est recommandé de vulgariser et de diffuser largement l’étymologie des noms de lieux et les circonstances de leur formation et de leur évolution afin de favoriser leur pleine compréhension. » 

Il peut toutefois s’avérer nécessaire de changer le nom d’un lieu, par exemple « pour éliminer des noms indésirables ou choquants, notamment lorsqu’ils constituent une apologie contraire aux principes de la République ». Il convient alors, selon la commission, non seulement de veiller au caractère consensuel du nouveau nom choisi « en associant les citoyens concernés », mais également « de privilégier la reprise d’une forme ancienne restée en usage, ou une continuité au moins formelle avec le nom précédent ». 

La commission recommande, en tout état de cause, de choisir « un nom distinctif évitant une homonymie ou toute autre source de confusion »  ; d’attendre « au moins cinq ans »  après le décès d’une personne avant de donner son nom à un lieu ; et bien entendu de respecter les règles grammaticales, orthographiques et typographiques en vigueur. 

Rappelons sur ces sujets que la CNT a publié, l’an dernier, un excellent « guide pratique à l’usage des élus », intitulé Décider du nom d’un lieu, qui fourmille de conseils utiles au moment de faire son choix. La Commission se tient par ailleurs à la disposition des élus qui auraient des questions ou des interrogations. Il est toujours possible d’écrire pour cela au président de la commission, Pierre Jaillard, à l’adresse pierre@jaillard.net

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