Édition du jeudi 18 septembre 2025

Statut de l'élu
Sébastien Lecornu ouvre la porte à une nouvelle indemnité versée par l'État aux maires
Le Premier ministre, Sébastien Lecornu, a envoyé hier une lettre à tous les maires de France, qui reprend pour partie les annonces déjà connues sur la décentralisation et contient au moins une information nouvelle. Décryptage.

C’est une marque d’attention dont la valeur symbolique n’est pas neutre : une dizaine de jours à peine après sa prise de fonctions, le Premier ministre – ancien maire de Vernon et ancien ministre chargé des Collectivités territoriales – a adressé un courrier à chaque maire du pays, dont Maire info a pu prendre connaissance. 

Objectif : envoyer aux maires un message « de soutien et de volonté », et les assurer qu’il « mesure les difficultés des missions qui (leur) sont confiées ». Le Premier ministre rappelle que le mandat qui se termine a commencé « dans l’épreuve pandémique de la covid-19 », et évoque les violences contre les élus : les attentes des citoyens « se transforment parfois en colère et je veux vous remercier d’y faire face chaque jour avec (…) le sens du devoir qui caractérise celles et ceux qui s’engagent ». 

Une nouvelle indemnité ?

Mais pour l’avoir entendu répéter bien des fois par les associations d’élus, le Premier ministre sait que les preuves d’amour valent mieux que les déclarations d’amour, et affirme donc que son soutien « devra se matérialiser ». C’est ici que prend place une petite phrase qui est sans doute la plus intéressante de ce courrier, parce qu’il s’agit d’une nouveauté : Sébastien Lecornu souhaite « inscrire dans les textes budgétaires pour 2026 » une « plus juste reconnaissance de l’engagement (des maires) comme agents de l’État ». 

Sans autres précisions du Premier ministre sur ce sujet, on ne peut que faire des hypothèses, mais il se pourrait par exemple que Sébastien Lecornu ait décidé de donner suite à une revendication déjà ancienne de l’AMF et des sénateurs : que l’État compense, au moins en partie, les actions des maires menées en son nom. 

Rappelons en effet que le maire a une double casquette – ce qui en langage plus sérieux s’appelle le « dédoublement fonctionnel » : il est à la fois agent de la commune et agent de l’État. Mais même lorsqu’il agit en tant qu’agent de l’État – lorsqu’il organise les élections, célèbre un mariage, signe un acte d’état civil, par exemple – l’État ne lui verse aucune indemnité, c’est toujours la commune qui prend en charge celle-ci. 

Dans un rapport publié en 2023 par les sénateurs Éric Kerrouche et Françoise Gatel, consacré aux indemnités des élus locaux, cette question était clairement abordée, et les sénateurs écrivaient : « Reconnaître que le maire exerce deux fonctions, dont l'une est d'être représentant de l'État dans sa commune, implique de créer une contribution de l'État ». Avec cette jolie formule : « Le maire ne saurait être un passager clandestin de l’État. » Ce rapport proposait que cette indemnité compensatrice – distincte de la dotation « élu local » ou DPEL – s’élève à « 10 % du plafond indemnitaire du maire ». Soit un coût estimé, pour le budget de l’État, à environ 63 millions d’euros. 

L’AMF milite également pour la création d’une indemnité de fonction financée par l’État, au titre des missions exercées par le maire en son nom. 

Cette proposition a finalement trouvé une première et timide traduction législative – provisoire – à l’article 4 de la proposition de loi sur le statut de l’élu local, qui exige que le gouvernement établisse un rapport avant le 30 juin 2026 qui étudierait « l’opportunité de la création d’un prélèvement sur les recettes de l’État au profit des communes afin d’indemniser les maires » des missions qu’ils exercent en son nom.

Encore une fois, le Premier ministre ne donne aucune précision dans son courrier, mais cette phrase peut signifier qu’il a décidé de prendre les devants en la matière. Il faudra maintenant attendre la présentation du projet de loi de finances pour 2026 pour savoir si cette hypothèse est la bonne. 

Décentralisation

Le reste du courrier reprend les annonces faites la semaine dernière par le Premier ministre sur la décentralisation. Il est confirmé qu’un projet de loi sera « bientôt présenté devant le Parlement » pour « mieux définir les champs de compétence propre pour chaque décideur public » et « éviter la dilution des responsabilités ». Le Premier ministre le disait dans son entretien à la presse le week-end dernier : « Les administrations doivent être sous l’autorité directe soit des ministres, soit des préfets, soit d’un élu local. » Il précise, dans son courrier, sa pensée : « L'État central (doit être) sous l'autorité du gouvernement, l'État local sous l'autorité des préfets et les collectivités territoriales sous l'autorité des élus. » 

Une telle réforme est attendue depuis des années par les associations d’élus, notamment l’AMF, Régions de France et Départements de France, qui ont milité pour cela sous la bannière « Territoires unis ». L’AMF rappelle, dans un communiqué diffusé lundi soir, qu’elle est pleinement disponible pour travailler avec le futur gouvernement à ce nouvel « acte de décentralisation », bien qu’elle le qualifie « d’hypothétique », au vu de l’avenir politique plus qu’incertain du gouvernement. L’AMF rappelle cependant que la volonté décentralisatrice de Sébastien Lecornu se mesurera à l’aune de ses décisions budgétaires – parce que « l’autonomie financière et fiscale des collectivités est indissociable de la liberté locale ». 

On notera que Sébastien Lecornu, dans sa lettre, ne dit pas un mot sur ce sujet et n’éclaire en rien les élus sur ses intentions en matière de finances locales, de ponctions éventuelles sur les budgets locaux, ou de fiscalité locale. 

Statut de l’élu

Signalons enfin que le Premier ministre, dans son courrier, fait état de sa volonté de voir « aboutir, avant les élections municipales », la proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local. Ce texte, adopté cet été par l’Assemblée nationale, doit encore l’être par le Sénat, ce qui pourrait être le cas dès la reprise de la session parlementaire, fin septembre ou début octobre, si, toutefois, un gouvernement est nommé d’ici là.

Il faudra alors espérer que le Sénat adopte le texte « conforme », c’est-à-dire sans modification, même si ce texte est encore largement perfectible, selon l’AMF. C’est en effet le seul moyen de voir le texte adopté définitivement dans la foulée. La moindre modification apportée à ce texte au Sénat obligerait à une nouvelle lecture à l’Assemblée, voire à une commission mixte paritaire en cas de désaccord… ce qui rendrait bien peu probable l’adoption de ce texte avant les élections municipales. 

Ce serait un bien mauvais signal, et peut-être même un scénario susceptible de décourager certaines vocations, dans le contexte actuel. 




Logement social
Crise du logement : devant un nombre de demandeurs inédit, les bailleurs sociaux réclament la suspension de la ponction sur leurs recettes
S'il veut engager une « rupture forte », le futur gouvernement doit suspendre la réduction de loyer de solidarité (RLS) et conforter le financement de l'Anru 2, plaide l'USH. Car la crise du secteur « ne cesse de s'aggraver » avec près de 2,9 millions de demandeurs de logements sociaux.

À une semaine de leur congrès, les bailleurs sociaux ont, une fois de plus, décidé d’alerter sur « l’ampleur et la gravité de la crise du logement qui touche [les Français] sur tous les territoires ». Une crise qui « ne cesse de s’aggraver », s’est ainsi indignée l’Union sociale pour l'habitat (USH), dans un communiqué publié hier.

Si l’année 2024 avait déjà connu un record, la situation se dégrade encore avec désormais plus de 2,87 millions de personnes « en attente d’un logement social adapté à leurs besoins », en hausse de presque 300 000 par rapport à la fin d’année 2023. Et « la demande progresse dans tous les territoires » sans distinction entre les zones considérées comme tendues et le reste de la France, rappelle le mouvement qui fédère les bailleurs sociaux.

100 000 nouvelles demandes par semestre

Ce nouveau « chiffre inédit » traduit ainsi « l’impossibilité d’accéder aujourd’hui à un logement correct », constate-t-il en pointant les conséquences « dramatiques » : « Des millions de nos concitoyens en subissent les effets, parmi lesquels les jeunes actifs et les étudiants, qui ne parviennent plus à se loger, ainsi que les familles dont le pouvoir d’achat est mis à mal par le coût croissant du logement ». 

Parmi les demandeurs, les personnes seules et les familles monoparentales représentent 78,5 % des « primo-demandeurs ». La présidente de l’USH, Emmanuelle Cosse, a ainsi indiqué, lors d’une conférence de presse, qu’il y a une « accélération de l'évolution de la demande » avec désormais « 100 000 nouvelles demandes en un semestre », contre « 100 000 nouveaux demandeurs en un an » auparavant.

Et à peine une demande sur dix est désormais satisfaite, selon l’Agence nationale du contrôle du logement social (Ancols) qui pointe, outre le ralentissement des créations de logements sociaux, également le manque de rotation.

Un point de réjouissance, toutefois, la construction repartirait à la hausse. Les bailleurs sociaux seraient ainsi « en bonne voie » pour engager la production de 100 000 logements sociaux cette année (contre 85 000 nouveaux HLM agréés en 2024), conformément aux objectifs qu’ils se sont fixés avec l’État en début d’année.

Plus précisément, la présidente de l’USH a fait état de 99 500 « intentions de programmation » pour l'année 2025 (hors outre-mer), première étape avant de demander auprès de l'État un agrément pour construire un nouveau logement social, puis de lancer sa réalisation. En parallèle, la rénovation énergétique de 125 000 logements doit être engagée.

Nécessité de construire « 110 000 logements par an »

« Un effort considérable, mais encore largement insuffisant pour répondre à la fois aux besoins sociaux et aux enjeux climatiques majeurs posés par la loi Climat et Résilience », estime l’USH dans son communiqué, tandis qu’Emmanuelle Cosse a évalué que « des objectifs de production de logements sociaux autour de 110 000 par an sont essentiels à terme », pour répondre aux besoins.

Sur ce point, la Banque des territoires vient, toutefois, de montrer, dans une étude parue la semaine dernière, la difficulté, si ce n’est l’incompatibilité, pour les bailleurs sociaux de concilier à la fois réhabilitations massives et hausse de la construction neuve de HLM, en l’état actuel des choses. 

Ainsi, s’il fallait maintenir un niveau de production d’au moins 100 000 nouveaux logements durant les prochaines décennies, voire un peu plus comme le souhaite Emmanuelle Cosse, le niveau de logements réhabilités tomberait, lui, à 82 000 logements en moyenne par an. Ce qui rendrait impossible l’atteinte de la neutralité carbone en 2050, d’après les projections de l’étude. Les objectifs de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) ne seraient qu'à moitié atteints à cette date et à 75 % en 2060.

Selon la Banque des Territoires, les bailleurs sociaux n'ont tout simplement pas les capacités financières suffisantes actuellement pour produire à un rythme élevé des nouveaux logements sociaux chaque année et atteindre la neutralité carbone d'ici 2050.

Sauver les aides à la pierre

Pour y parvenir, l’USH réclame donc « une rupture forte », reprenant la ligne annoncée par le Premier ministre, Sébastien Lecornu, lors de la passation de pouvoir à Matignon. 

Et en premier lieu, la suspension de la réduction de loyers de solidarité (RLS). Cette ponction de 1,3 milliard d’euros – ramenée à 1,1 milliard d’euros en 2025 – sur les recettes des bailleurs HLM a particulièrement rogné leurs marges de manœuvre depuis sa mise en place au tout début du mandat d’Emmanuel Macron. Cette mesure aurait le mérite de permettre de relancer la production de logements neufs et la réhabilitation de ceux existants déjà.

Pour « soutenir concrètement » la construction et la rénovation, le Mouvement HLM réclame également le maintien du Fonds national d’aides à la pierre (Fnap) avec le déblocage de 700 millions d’euros d’autorisations d’engagement. Car cet outil de pilotage de la création de logements sociaux est menacé faute de financements prévus à partir de l'année prochaine.

Le Fonds a déjà perçu deux fois moins de recettes en 2025 que l'année précédente et trois fois moins que l'année de sa création, et la rénovation n’a pas été intégrée aux missions du fonds. En juin dernier, des sénateurs estimaient d’ailleurs qu’il faudrait « au moins 250 millions d’euros » pour le « sécuriser » en 2026 et demandaient le réengagement de l’État (désengagé de son financement depuis 2018).

« Vive inquiétude » sur les engagements de l’Anru 

Rappelant « l’urgence d’amplifier les dispositifs de soutien à l’accession sociale et de mettre en place des outils efficaces pour maîtriser les coûts globaux de production, y compris ceux du foncier et des matériaux de construction », l’USH demande, par ailleurs, que les programmes de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) continuent. 

En effet, celle-ci exprime « sa vive inquiétude quant aux capacités de l’Anru à honorer, dans la durée, les engagements contractualisés avec les bailleurs et les collectivités pour financer la transformation des quartiers ». En cause, là aussi, le peu d’empressement de l’État à financer les opérations puisque, à fin 2025, celui-ci « n’aura versé que 13 % de sa contribution, là où Action Logement aura apporté 35 % et les bailleurs sociaux 47 % de leurs parts respectives ».

Alors que le programme actuel – le deuxième – s'achèvera en 2030, la ministre du Logement avait promis, en juin dernier, le doublement de son enveloppe pour 2026 et le lancement d’une mission de préfiguration pour poursuivre cette politique via un troisième programme… alors qu’un rapport sénatorial souhaitait la remettre en cause au même moment.

Malgré le contexte budgétaire contraint, la fédération enjoint donc le prochain gouvernement à faire de la lutte contre la crise du logement « une priorité nationale » et de mettre les moyens dès le budget 2026.




Services publics
Services publics : des pistes pour améliorer l'accompagnement dans les territoires
La mission sénatoriale d'information sur l'accès aux services publics a présenté son rapport mardi. Selon les rapporteurs, plusieurs défis sont à relever afin de concilier modernisation des services publics et inclusion numérique.

Dans un rapport présenté ce mardi, le Sénat fait le constat, face à une dématérialisation des services publics, « de fractures persistantes qui sont autant de difficultés et de contraintes pour certains usagers » et ce « malgré les avancées réalisées au cours des dernières années pour améliorer l’accès aux services publics. »

Plusieurs rapports ont déjà alerté sur les risques de la dématérialisation des services publics, qui parfois devient la voie d'accès exclusive et exclut de fait une partie de la population. D’un autre côté, les maires s'inquiètent des menaces toujours plus grandes qui pèsent sur les services publics locaux. C’est dans ce contexte que le Sénat formule des recommandations afin de trouver un juste milieu entre services publics numériques et accueils physiques. 

Fracture territoriale et numérique 

Les rapporteurs dressent d’abord le tableau des difficultés rencontrées par les citoyens pour accéder aux services publics. Au cours de cette mission, les sénateurs ont consulté les élus locaux sur cette question. En première ligne, les élus constatent que la dématérialisation est « totalement inadaptée et source d’angoisses pour un public défavorisé » et mène à une précarité relationnelle. 

D’ailleurs, « l’éloignement géographique des services publics dits de proximité, parallèlement à leur dématérialisation qui constitue une autre forme d’éloignement, est durement ressenti dans les territoires ruraux ». Les territoires ruraux ne sont pas les seuls à souffrir de cet éloignement des services publics puisque les Outre-mer ou bien encore les quartiers prioritaires de la ville (QPV) connaissent aussi bien cette situation. 

Si les lieux d’accueil physiques s’éloignent et que l’essentiel des démarches se fait aujourd’hui sur internet, il est primordial de garantir un moyen de contact efficace notamment via le téléphone. « L’exemple de la déclaration fiscale sur les propriétés immobilières, qui a mis en difficulté nombre d’usagers faute de ligne téléphonique dédiée, illustre cette impérieuse nécessité », peut-on lire dans le rapport qui préconise ainsi que les pouvoirs publics garantissent à l’usager le choix du canal par lequel il souhaite entrer en relation avec l’administration. 

Un réseau France services qui doit se consolider

Pour trouver ce juste milieu entre numérisation et accompagnement humain, les Maisons France services apparaissent comme un bon outil. Cependant, selon la mission, des améliorations sont à prévoir. 

Depuis 2020, 2 800 maisons France services ont été déployées sur l’ensemble du territoire et où chaque mois près d’un million de personnes sont accompagnées. La formule fonctionne et doit poursuivre son élan. La mission a identifié notamment un besoin de plus d’espaces France services dans QPV, « aujourd’hui moins dotés alors même que parmi les 10 France services les plus fréquentées, 7 se trouvent en QPV ». 

Les sénateurs, avec l’avis des élus locaux, préconisent aussi d’encourager les permanences France services dans les mairies, car « les mairies sont depuis longtemps un France service avant l’heure ! », selon le témoignage de l’un d’entre eux. 

Intelligence artificielle

Afin de « mettre à profit les avancées technologiques » pour améliorer l’accès pour tous aux services publics, les sénateurs rappellent qu’il est essentiel de bâtir une politique publique de l’inclusion numérique. Le déploiement des conseillers numériques apparaît comme un service utile et apprécié par les collectivités. Cependant, le financement du dispositif appelle des interrogations sur l’avenir des conseillers numériques. Le Sénat appelle l’État à « rendre plus cohérents le financement et la mise en œuvre de la politique publique de l’inclusion numérique, afin de porter une vision stratégique claire ». 

Enfin, les sénateurs estiment que l’intelligence artificielle pourrait « répondre aux attentes d’usagers qui ressentent le besoin d’une humanisation des contacts avec l’administration ». L’outil Albert, par exemple, est testé dans certaines maisons France Services pour notamment accélérer la recherche d’informations administratives fiables pour les conseillers et offrir des réponses à jour et contextualisées aux usagers. Evidemment, l’utilisation de l’intelligence artificielle nécessite, comme l’indique les sénateurs, « de formuler une doctrine claire sur l’utilisation de l’IA au service de l’usager – en matière de transparence, de sécurité des données, de périmètre des tâches automatisées ». 




Patrimoine
Monuments historiques des collectivités : la Cour des comptes tire le signal d'alarme
La Cour des comptes vient de publier un rapport sur le patrimoine des collectivités en matière de monuments historiques. Elle estime que les obligations des collectivités, sur ce sujet, sont « de plus en plus difficilement soutenables » financièrement.

Après s’être penchée, en 2022, sur la politique de l’État en matière de monuments historique, la Cour des comptes envisage maintenant la question « sous le prisme des collectivités territoriales ». Et pour cause : celles-ci sont propriétaires du plan grand patrimoine du pays, devant l’État et les particuliers – avec 46 000 monuments histoires, soit presque la moitié du total. La moitié de ces 46 000 monuments propriétés des collectivités est située dans des communes de moins de 2 000 habitants.

Reste à charge

Pour établir le rapport qu’elle a rendu public hier, la Cour des comptes a travaillé sur un échantillon d’une soixantaine de collectivités. Et elle conclut que « l’obligation de conservation » qui pèse sur les collectivités est « de plus en plus difficilement soutenable sur le plan financier ». 

Premier constat des magistrats financiers : la connaissance de l’état des édifices protégés par les collectivités propriétaires « n’est pas satisfaisante ». Ce qui n’est pas uniquement de leur fait : l’État, et en particulier le ministère de la Culture, ne partage pas suffisamment ses données sur « l’état sanitaire » des monuments classés. 

Les difficultés financières des collectivités, toutes strates confondues, pèse sur l’entretien des monuments historiques, qui, en période de disette financière, ne passe pas forcément au premier plan. La situation la plus préoccupante semble être celle des régions : alors qu’elles étaient, jusqu’en 2018, les meilleurs élèves parmi tous les types de propriétaires, l’état de leur patrimoine se dégrade depuis : entre 2013 et 2018, 60 % des monuments appartenant aux régions étaient en « bon » état sanitaire. Ce chiffre est tombé à 43 % aujourd’hui. À l’inverse, alors que seulement 10 % du patrimoine monumental des régions était en mauvais été ou en péril pendant la période précédente, ce chiffre est aujourd’hui de 24 %.

Pour ce qui est des communes, la situation est en demi-teinte : 34 % seulement du patrimoine est en bon état, 42 % en état « moyen », 20 % en mauvais état et 4 % en péril.

La Cour des comptes constate que le budget du programme Patrimoine du budget de l’État a été « en augmentation continue » de 2018 à 2024, mais que le reste à charge pour les communes, lors des travaux de rénovation, s’élève à 43 %.

Injonctions contradictoires

Au-delà du problème financier, la Cour des comptes fait le constat – qui ne surprendra aucun maire – de l’inextricable « complexité » des règles de protection du patrimoine monumental. La volonté du législateur de simplifier les règles avec la loi Architecture et patrimoine de 2016 n’a pas produit ses effets : « Le déploiement trop lent de ces règles nouvelles fait perdurer les anciennes, ce qui crée un enchevêtrement particulièrement complexe pour les collectivités. » 

Ce à quoi il faut ajouter des injonctions contradictoires entre protection du patrimoine et protection de l’environnement : bien des maires sont confrontés quotidiennement à une situation ingérable lorsqu’il faut appliquer certaines règles relatives à la protection de l’environnement (ou à l’accessibilité), et que celles rentrent en contradiction avec celles qui concernent la protection des bâtiments classés. 

Pour simplifier les règles, la Cour des comptes fait une recommandation qui paraît intéressante : examiner, d’ici la fin de l’année, « les conditions permettant de modifier le plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) du patrimoine sans déclencher automatiquement la révision du plan local d’urbanisme ». 

Valorisation du patrimoine

En guise de remède à ces difficultés, la Cour des comptes propose un certain nombre de pistes. Elle appelle notamment les collectivités concernées à s’engager dans une démarche de programmation pluriannuelle, via d’adoption d’un « schéma directeur immobilier ». Plus prosaïquement, elle suggère aux collectivités qui ne parviennent plus à entretenir leur patrimoine… de le céder : la vente de certains biens peut permettre de dégager des recettes qui seront consacrées à l’entretien d’autres.

Autre conseil de la Cour : mutualiser. Une commune qui n’a pas les moyens techniques et financiers d’entretenir son patrimoine peut se tourner vers les intercommunalités. Si celles-ci ne sont que très rarement propriétaires de monuments, elles peuvent en revanche, par les biais des fonds de concours, aider les communes à financer l’entretien et apporter une aide en ingénierie. 

Parmi les autres recommandations, on notera un chapitre sur la « valorisation » du patrimoine, qui peut devenir « un levier d’attractivité touristique et de développement local ». La Cour des comptes attire également l’attention des élus sur les édifices cultuels, qui peuvent faire l’objet d’une procédure de « changement d’usage », avec la possibilité d’une « désaffection » (prononcée par le préfet sur demande du conseil municipal) voire de « désacralisation » (décidée par les autorités religieuses). Ces procédures, trop peu utilisées selon la Cour, permettent ensuite à la collectivité d’affecter l’ancien édifice cultuel à d’autres usages – événements culturels, musée… voire salle de sport, comme l’a fait la Ville de Paris qui a récemment transformé une chapelle désaffectée en une magnifique salle d’escalade. 

Les magistrats financiers saluent par ailleurs le rôle joué par les programmes Action cœur de ville et Petites villes de demain en matière de gestion du patrimoine, en permettant aux communes « d’identifier des leviers de développement » et en leur donnant « de la visibilité en matière de moyens financiers ». 

Enfin, la Cour des comptes insiste sur la nécessité de mieux former les élus « en matière de réglementation et de gestion du patrimoine monumental », après les élections municipales de 2026. Elle propose, soit dit en passant, que cette tâche soit assurée… par l’AMF. 




Société
En France, un déploiement « sans précédent » de drones pour surveiller les manifestations
L'utilisation de drones par les forces de l'ordre, encadrée par un décret de 2023, s'est généralisée pour la surveillance de manifestations, lors des mobilisations des 10 et 18 septembre notamment, malgré l'inquiétude des défenseurs des libertés publiques.

Moyens de surveillance, de détection ou d'appui pour des opérations: en deux ans, ces petits aéronefs télécommandés et équipés de caméras, dont l'usage nécessite la prise d'arrêtés préfectoraux, sont ainsi devenus des outils « indispensables », notamment sur les grands événements, selon la police nationale.

En cinq ans, la flotte nationale a triplé, comptabilisant 965 drones pour la gendarmerie, et 650 pour la police nationale, selon les chiffres communiqués par les autorités à l'AFP. 

En tout, plus de 1 500 gendarmes et policiers ont ainsi été formés « à la fois sur le pilotage, les sujets de sécurité aérienne mais également le cadre d'emploi de la caméra déportée », précise le général Philippe Mirabaud, sous-directeur de l'emploi des forces de gendarmerie.  Il insiste sur le cadre juridique strict dans lequel sont utilisés les drones. « Chaque mission est tracée, on sait quel est le télépilote qui l'a réalisée, où, quand, combien de temps, on sait où sont stockées les images, que les images ne seront stockées que sept jours et qu'elles seront ensuite détruites », assure-t-il.

Utilisés à des fins de maintien de l'ordre depuis le milieu des années 2010, les drones ont fait l'objet d'une bataille juridique de plusieurs années, avec de nombreux recours associatifs, notamment devant le Conseil d'Etat, qui ont permis d'aboutir à un « cadre législatif » défini par la loi relative à la responsabilité pénale et la sécurité intérieure de 2022.

Une demande soumise à autorisation préfectorale doit être faite par la gendarmerie ou la police, en détaillant les raisons, mentionnant le périmètre géographique surveillé, la durée d'utilisation ou encore le nombre de caméras qui enregistrent en simultané. La captation de son, la reconnaissance faciale ou le croisement de fichiers ne sont pas autorisés.

Mercredi soir, trois arrêtés de la préfecture de Seine-Maritime autorisant le survol des manifestations à Gonfreville, le Havre et Rouen ont été suspendus après des recours du Syndicat des avocats de France (SAF).

Pour le mouvement « Bloquons Tout » du 10 septembre, 82 arrêtés préfectoraux autorisant l'usage de drones ont été comptabilisés sur le territoire par l'Association de défense des libertés constitutionnelles (ADELICO), le SAF et le Syndicat de la magistrature. Les activistes en ont contesté « une trentaine » devant le juge des référés, aboutissant à « une douzaine » de suspensions, rapporte Serge Slama, professeur de droit public et président de l'ADELICO, dénonçant un déploiement d'une ampleur « sans précédent en France ». Les arrêtés couvraient des zones parfois très importantes, jusqu'à des départements entiers, comme dans l'Orne et le Morbihan, où ils ont été suspendus par les tribunaux administratifs.

Massification

Les critères requis sont l'« adéquation, (la) nécessité, (la) proportionnalité », liste Nathalie Tehio, présidente de la Ligue des droits de l'homme (LDH), en soulignant un dernier posé par le Conseil constitutionnel: « Etant donné les libertés qui sont en cause, il faut que l'usage du drone soit le dernier recours ». En dépit de ce dernier critère, la LDH dénonce « un côté exponentiel » des moyens engagés, et un « moindre contrôle » de l'autorité préfectorale et des juges administratifs.

« Vous avez une généralisation du drone, une massification dans toute la métropole, et des pratiques préfectorales empêchant la contestation et n'informant pas le public de l'utilisation des drones », appuie Serge Slama.

Selon la police nationale, cette technologie est pourtant « devenue indispensable à la sécurisation des grands évènements ». « Il apparaîtrait aujourd'hui difficile de se passer de cet outil qui représente une véritable plus-value dans les missions de police du quotidien », soutient l'institution, citant « la surveillance des frontières, la lutte contre les rodéos urbains, les violences urbaines, le trafic de stupéfiants ou plus généralement la sécurisation de nos concitoyens ».

« Aujourd'hui, se passer de drones, c'est comme se passer de la vue », résume le général Mirabaud. Selon lui, les forces de l'ordre visent un « équilibre entre demande de sécurité » de la population et « vigilance par rapport aux libertés et à la protection des personnes ». Pour Serge Slama, « la bataille des drones est perdue », puisque ceux-ci sont entrés dans les usages des forces de l'ordre. Pour autant, en continuant de contester les arrêtés, il compte « faire en sorte que l'usage soit (...) moins généralisé », et « corresponde vraiment à une utilité opérationnelle ». 






Journal Officiel du jeudi 18 septembre 2025

Ministère de l'Économie, des Finances et de la souveraineté industrielle et numérique
Arrêté du 8 septembre 2025 complétant l'arrêté du 17 octobre 2024 portant approbation du programme d'enquêtes statistiques d'initiative nationale ou régionale des services publics pour 2025 (enquêtes auprès des ménages et des collectivités territoriales)
Ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles
Arrêté du 4 août 2025 modifiant la liste des spécialités pharmaceutiques agréées à l'usage des collectivités et divers services publics

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