| Édition du vendredi 11 juillet 2025 |
Santé publique
Zones rouges dans 151 EPCI, « docteurs juniors »... où en sont les projets de lutte contre la désertification médicale ?
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Entre initiatives gouvernementales et propositions de loi en suspens, il n'est pas facile de s'y retrouver sur l'état des lieux de la lutte contre la désertification médicale. Mais peu à peu, certains dispositifs se précisent. Tour d'horizon.
Il y a une quinzaine de jours, le Premier ministre a présenté la « cartographie des zones prioritaires » ou « zones rouges », c’est-à-dire les territoires jugés particulièrement sous-dotés et qui vont bénéficier de la « solidarité territoriale » : des médecins, au volontariat, sont appelés à venir exercer dans ces zones deux jours par mois. La définition de ces 151 « zones rouges » a été établie, indique le gouvernement, par les Agences régionales de santé et les préfets « en concertation avec les élus locaux ».
151 zones rouges
Si seule la carte est restée disponible dans un premier temps, des données plus précises sont maintenant disponibles, avec la liste précise des EPCI concernés. La carte interactive ci-dessous, réalisée par Maire info, permet de visualiser chaque EPCI, sa population et sa densité.
À cette carte métropolitaine, il faut ajouter un EPCI de La Réunion (CC du Sud), deux en Guyane (CC de l’est et de l’ouest guyanais), quatre à Mayotte (Centre-ouest, Grand nord, Dembeni-Mamoudzou et Petite-Terre), et enfin un en Guadeloupe (CA de Nord Basse-Terre).
Comme l’a annoncé le gouvernement, ce dispositif concerne bien 2,5 millions d’habitants (2 539 784 pour être précis). Les EPCI concernés ont des populations très variées, allant de moins de 4 000 habitants (Communauté de communes du Causse de Labastide Murat) à presque 100 000 habitants (Communauté de communes de l’Ouest guyanais). Idem en termes de densité : les chiffres vont de 0,3 habitant/km² (Communauté de communes de l’Est guyanais) à plus de 3 000 habitants/km² (Petite terre à Mayotte).
Mais globalement, il s’agit dans l’écrasante majorité des cas de territoires ruraux – puisque la densité moyenne, dans ces 151 EPCI, est de 67 habitants/km². Les EPCI concernés, on le voit, sont concentrés dans le centre du pays, en général loin des littoraux et des grandes agglomérations. Certaines zones du pays en sont presque totalement privées – Hauts-de-France, littoral atlantique, région lyonnaise… On note également que les zones de montagne, en particulier les Pyrénées et les Alpes, pourtant très concernées par la difficulté à accéder à des médecins, ne sont pas concernées.
Il est également notable qu’aucune des zones rouges sélectionnées par le gouvernement ne se trouve en zone urbaine – ce qui signifie que les QPV (quartiers prioritaires de la politique de la ville) sont totalement exclus du dispositif, alors qu’ils sont, autant que les zones rurales, frappés par la désertification médicale.
Du volontariat à l’obligation
Mais le gouvernement a été clair : ce dispositif n’est qu’une première étape, « dans l’attente de dispositions législatives actuellement examinées par le gouvernement ». Pour l’instant, cette « solidarité » est strictement volontaire, mais elle n’a pas vocation à le rester, puisque que le gouvernement a introduit dans la proposition de loi Mouiller, actuellement en cours d’examen, un amendement rendant la solidarité territoriale obligatoire : en clair, les médecins exerçant dans les zones bien dotées devront à terme, si la proposition loi va au bout de son parcours, aller exercer deux jours par mois dans une « zone rouge », avec une gratification financière à la clé. En revanche, ceux qui refuseraient de jouer le jeu pourraient être pénalisés – le gouvernement envisage une astreinte de 1 000 euros par jour.
Rappelons que cette proposition de loi prévoit également un encadrement de l’installation des médecins : celle des généralistes dans une zone sur-dense serait subordonnée à leur exercice à temps partiel en zone sous-dotée ; et celle des spécialistes dans une zone bien dotée sera conditionnée au départ d'un médecin dans la même spécialité et la même zone – avec toutefois un système de dérogations.
Docteurs juniors
Autre système qui va être mis en œuvre, dans un peu plus d’un an : le dispositif « docteurs juniors ».
C’est en novembre 2026 que seront déployés, comme l’exige une loi votée en 2022, ces étudiants en médecine de 4e année d'internat qui devront aller exercer pendant un an dans un cabinet de ville, sur tout le territoire. La priorité devra être donnée, là encore, aux zones les moins bien dotées.
Si cette mesure a été saluée par l’AMF, il reste un certain nombre de difficultés opérationnelles à traiter, en particulier sur les conditions d’accueils de ces jeunes médecins stagiaires. Le gouvernement a d’ailleurs demandé à l’AMF (et à Départements de France) de lui faire des propositions en la matière. L’association, en coopération avec la Fédération hospitalière de France, a élaboré une « charte d’accueil des étudiants en santé dans les territoires ». Reste que si de nombreuses communes sont très volontaires pour accueillir ces jeunes médecins, toutes n’ont pas les mêmes moyens financiers pour mettre à leur disposition les moyens d’exercer.
L’AMF signale d’ailleurs que de nombreuses associations départementales de maires font déjà remonter les difficultés que rencontrent certaines communes pour accueillir les docteurs juniors. Et même pour celles qui ont les moyens de le faire, il n’apparaît pas satisfaisant que ce soit la commune qui engage des dépenses en la matière puisque, rappelons-le, les communes n’ont pas la compétence santé. Lors de sa réunion du 17 juin, le Bureau de l’AMF a rappelé à ce sujet que la répartition des docteurs juniors « ne doit pas être uniquement conditionnée à la capacité des collectivités à dégager des moyens pour accueillir les étudiants », et a demandé à l’État de débloquer des moyens pour accompagner les communes qui en ont besoin. L’AMF a rappelé que les maires souhaitent « que la santé reste une compétence d’Etat qui doit garantir une offre de soins de proximité, de qualité à un coût supportable pour les administrés. Aucun coût obligatoire ne doit rester à la charge des maires, notamment sur le financement de cabinets secondaires. »
Proposition de loi Garot
Pour compléter ce tour d’horizon, rappelons enfin qu’une autre proposition de loi est en cours d’examen : il s’agit du texte porté par le député socialiste Guillaume Garot et co-signé par 251 députés de presque tous les bancs. Ce texte vise à instaurer une autorisation d’installation des médecins, délivrée par les ARS. L’autorisation serait délivrée de droit dans les zones sous-dotées. Dans les zones correctement dotées, elle ne serait accordée qu’en cas de cessation d’activité d’un autre médecin.
Ce texte, adopté par l’Assemblée nationale, doit être examiné par le Sénat. Le gouvernement y est opposé, tout comme les syndicats de médecin, très attachés à la liberté d’installation, et qui en font un casus belli. Quant au Bureau de l’AMF, il a pris une position claire sur ce sujet récemment, en s’opposant aux mesures coercitives mais en soutenant un certains nombre de propositions telles que les mesures de régulation des médecins généralistes et spécialistes visant à favoriser une meilleure couverture du territoire en matière d’offre de soins, notamment dans les zones sous-dotées.
Lire la note du bureau de l'AMF sur la désertification médicale.
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Outre-mer
Mayotte, vie chère et sécurité : les trois urgences du comité interministériel des Outre-merÂ
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Des décrets contre la vie chère ont été annoncés hier par le gouvernement, en attendant le projet de loi dédié. Des comités interministériels locaux seront aussi organisés, à partir de septembre, dans chaque territoire ultramarin. Ils doivent permettre d'impliquer davantage les élus locaux.
Deux ans après la précédente édition, le gouvernement a organisé, hier, un nouveau Comité interministériel des outre-mer (CIOM) avec une dizaine de ministres qui se sont ainsi réunis autour de François Bayrou et du ministre des Outre-mer, Manuel Valls.
Au programme, trois grandes priorités pour ces territoires qui concentrent près de 3 millions d’habitants : la reconstruction de Mayotte, la lutte contre la vie chère et la sécurité. Si la Nouvelle-Calédonie n'en a pas fait partie, c’est pour éviter de perturber les négociations en cours depuis une semaine entre indépendantistes et non-indépendantistes.
« C’est dans les Outre-mer que les crises frappent le plus durement, que les vulnérabilités sont les plus profondes, et que la défiance est la plus forte. Pendant trop longtemps, la France a entretenu avec les Outre-mer un rapport déséquilibré », a souligné Manuel Valls, en rappelant qu’il avait « commencé sa journée » d’hier en recevant un rapport de l’Assemblée sur les conséquences des essais nucléaires en Polynésie française.
« Sécuriser » le foncier à Mayotte
Ce Comité interministériel intervenait alors que le Parlement a définitivement adopté, hier, par un ultime vote des sénateurs, le projet de loi pour « refonder » Mayotte, département le plus pauvre de France qui a été dévasté par le cyclone Chido en décembre dernier, au lendemain de la prise de fonctions de François Bayrou.
L’occasion pour l’exécutif de présenter sa stratégie quinquennale pour Mayotte, qui doit permettre d’agir « de façon coordonnée et hiérarchisée dans le temps, sur tous les problèmes qui entravent le développement de Mayotte » : « l’immigration irrégulière, le logement illégal, le manque d’infrastructures, le faible niveau de formation et l'insuffisante structuration des filières économiques, notamment ».
Au même titre que le recensement de la population, la régulation de la situation foncière est considérée comme « un impératif », selon le document publié à l'issue du CIOM. Parmi les différents points développé, il projette le « titrement complet du territoire d’ici 2035, grâce à la création d’un guichet commun de régularisation foncière (GCRF) ». Pour préserver les milieux naturels, il est également prévu un plan dédié à leur restauration et l'amélioration de la gestion des déchets.
L'objectif est de « sécuriser le foncier des Mahorais » pour leur permettre d’accéder à la propriété, de transmettre un patrimoine, ou de souscrire à des assurances, de « valoriser » ce foncier pour en faire « un levier économique », mais aussi d’« appuyer la planification territoriale grâce à un schéma d’aménagement régional (SAR) réaliste et applicable ».
La stratégie quinquennale pour Mayotte sera « présentée sans délai aux élus du territoire pour qu’ils puissent faire entendre leur avis et l’amender », a indiqué le Premier ministre. Le plan présenté par le gouvernement devra aussi faire l’objet d’un « suivi continu et rigoureux », au regard du manque de résultat des précédents plans. L’avancement de ce plan sera donc suivi « chaque trimestre », a indiqué le Premier ministre
Vie chère : trois décrets
En outre, l’exécutif a décidé de plusieurs « mesures de fond » contre « deux fléaux qui affectent avec une force particulière la vie quotidienne de nos concitoyens dans l’ensemble des territoires d’outre-mer : le coût de la vie et l’insécurité ».
Contre la vie chère, le gouvernement présentera ainsi un projet de loi en Conseil des ministres « le 30 juillet » et au Parlement « à la rentrée ». Il doit permettre de renforcer le « bouclier qualité-prix », qui fixe depuis 2012 le prix d'un panier de produits de première nécessité dans les départements et régions d'outre-mer (DROM). Pour cela, il est notamment prévu « un accroissement des contrôles » et « des sanctions pénales en cas de non-respect ».
« Il renforcera le pouvoir d’achat, améliorera la transparence dans la formation des prix, stimulera une concurrence loyale et soutiendra les filières locales », a expliqué le ministre des Outre-mer, Manuel Valls.
En attendant, une série de mesures réglementaires ont été prises hier. « Sans attendre l'adoption » de sa loi contre la vie chère, Manuel Valls a annoncé l’adoption de « trois décrets » afin de « renforcer le "bouclier qualité-prix" », mais aussi « les observatoires des prix, des marges et des revenus » (OPMR), ces instances chargées d'analyser le niveau et la structure des prix dans les outre-mer. Ces dernières avaient été instituées en 2008 à la suite de mouvements contre la vie chère aux Antilles.
Pour les entreprises, l’ancien Premier ministre de François Hollande a fait savoir qu’il publiera également prochainement une circulaire visant à « améliorer les délais de paiement public dans les outre-mer ».
Autre décision, le lancement d’un travail d’adaptation des normes européennes pour mieux tenir compte « des réalités des territoires ultramarins », a-t-il indiqué, en soulignant qu’elles sont « parfois des sources inutiles de contraintes ».
S’agissant de l’insécurité dans les territoires ultramarins – qui est « plus forte que dans l'Hexagone » – François Bayrou a notamment pointé « l’explosion des narcotrafics qui sévit particulièrement aux Antilles et en Guyane en raison de la proximité de ces territoires avec les quatre premiers pays producteurs de cocaïne au monde ».
Il a donc été décidé d’aller « plus loin encore » que les dispositions inscrites dans la loi contre le narcotrafic, qui vient d’être promulguée, en « renforçant considérablement » le contrôle des approches maritimes et aériennes et « la coopération policière et judiciaire avec les pays voisins ».
CIOM territoriaux
« Partant du bilan que nous avons effectué cet après-midi (...), nous allons maintenant définir pour chacun des territoires d'outre-mer une stratégie de développement » à long terme, a fait savoir François Bayrou, en annonçant un nouveau comité interministériel « dans les prochains mois ».
Le Premier ministre ainsi assuré vouloir « tenir la promesse d’égalité » à l’égard des Outre-mer alors que les collectivités et les élus locaux n’ont pas été impliqués dans l’organisation de le comité interministériel qui s’est tenu hier.
Manuel Valls a donc précisé que ce CIOM n’était que le « coup d'envoi d'une démarche davantage déconcentrée dont les élus locaux, parlementaires et représentants de la société civile seront les moteurs ». Des comités interministériels locaux seront ainsi organisés, dans chaque territoire ultramarin, « à partir de la rentrée de septembre ».
« Ils permettront, selon une logique de démétropolisation et d’adaptation, de dégager des actions qui pourront être mises directement à l’échelle du territoire », mais aussi « d’adresser des demandes aux recommandations qui seront traitées dans le cadre du prochain comité interministériel, à la fin de l’année, et qui là associera l’ensemble des élus ».
Plusieurs thématiques ont été retenues, comme l'adaptation au changement climatique (considérée comme « le grand défi de ces territoires ultramarins »), la coopération et le rayonnement régional (« ces territoires doivent mieux se développer dans leur espace régional »), la lutte contre les violences intrafamiliales ou l'autonomie alimentaire.
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Elections municipales
Ce que contient la loi réformant le scrutin municipal à Paris, Lyon et Marseille
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Les députés ont adopté définitivement hier la loi réformant le mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille. Maire info revient sur le contenu précis de ce texte.
Journée importante pour les communes, hier, à l’Assemblée nationale : les députés ont, d’une part, définitivement adopté la loi dite « PLM » sur le scrutin municipal à Paris, Lyon et Marseille. Et, d’autre part, achevé l’examen en première lecture de la proposition de loi sur le statut de l’élu, par 132 voix pour, 36 abstentions et aucune voix contre.
Maire info reviendra dans son édition de mardi sur ce texte très important, qui fera l’objet d’une deuxième lecture fin septembre.
Double scrutin
Aujourd’hui, penchons-nous sur la loi PLM. Les opposants à ce texte ayant dit leur intention de saisir le Conseil constitutionnel, il est probable que la promulgation de la loi va être retardée, et il faudra être attentif aux conclusions des Sages sur ce texte – notamment sur le fait de savoir s’ils laisseront passer une loi qui va créer une lourde charge financière pour les villes concernées, sans prévoir de compensation.
Sans revenir sur les conditions assez chaotiques de l’adoption de cette proposition de loi, que Maire info a détaillées dans ses éditions précédentes, on peut à présent détailler les mesures prévues par ce texte, dont la version finale a été publiée sur le site de l’Assemblée nationale.
Premier élément à retenir : à Paris, Lyon et Marseille, « deux scrutins distincts » seront désormais organisés. L’un pour élire le conseil municipal à Lyon et Marseille et le conseil de Paris dans la capitale ; l’autre pour élire les conseillers d’arrondissement.
Point important : un même candidat peut se présenter à la fois au conseil « central » et dans un conseil d’arrondissement.
Exemple pour Paris : dans le système actuel, les électeurs n’élisent que des listes par arrondissement, le total des sièges dans l’ensemble des arrondissements étant de 503. Sur ces 503 élus, 163 vont siéger au conseil de Paris (conseil municipal).
Avec le nouveau système, il y aura donc deux scrutins : l’un pour élire les 503 conseillers d’arrondissement, l’autre pour élire les 163 membres du conseil de Paris. Pour ce deuxième scrutin, la tête de liste est appelée à devenir maire si sa liste l’emporte, à condition qu’elle soit ensuite élue par le conseil municipal, comme dans toutes les autres communes. Il n’a jamais été question, rappelons-le, de faire élire le maire de Paris, Lyon et Marseille au suffrage universel direct.
Ce nouveau système favorise les partis n’ayant pas une implantation locale très importante, puisqu’elle permet de briguer la mairie sans avoir besoin de présenter plus de 500 candidats. C’est la raison pour laquelle, à l’Assemblée nationale, ce système a notamment été défendu par LFI, le RN et le parti d’Emmanuel Macron.
Le système est également plus personnalisé, puisque les électeurs vont voter pour une liste conduite par la personnalité appelée à devenir maire, comme c’est le cas dans les autres communes.
Pour rappel, à Lyon, ce ne seront pas deux, mais trois scrutins qui devront être organisés le même jour, puisque les Lyonnais éliront également les conseils métropolitains.
Le texte modifie également le nombre de conseillers municipaux à Marseille, qui passe de 101 à 111.
Prime majoritaire
Autre réforme majeure induite par ce texte : la « prime majoritaire » sera de 25 % dans ces trois villes au lieu de 50 %. Dans le droit commun, la liste qui remporte l’élection emporte directement 50 % des sièges du conseil municipal. Ensuite, les sièges restants sont répartis à la proportionnelle du score remporté par chaque liste ayant fait plus de 5 % des suffrages exprimés, dont la liste du vainqueur bien sûr.
Si le texte reste en l’état après passage devant les Sages, ce ne sont pas 50 % mais 75 % des sièges qui seraient répartis à la proportionnelle.
Les adversaires de cette réforme se disent convaincus que cette disposition ne sera pas validée par les Sages, parce qu’elle constituerait une « rupture d’égalité devant la loi électorale ». Rien n’est moins sûr, dans la mesure où le mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille est, depuis toujours, déjà dérogatoire au droit commun. Il reste que, comme l’a fait valoir l’AMF pendant l’examen de ce texte, la prime majoritaire à 25 % va rendre plus difficile la constitution de majorités stables dans les conseils municipaux de ces trois villes, avec le risque de majorités relatives… aux conséquences actuellement bien connues à l’Assemblée nationale.
Maires d’arrondissement
Tout au long du débat parlementaire, les opposants au texte ont regretté que les conseils d’arrondissement et les maires d’arrondissement, qui jouent un rôle important de proximité, risquent de voir leur rôle dévalorisé par la réforme.
Pour contrer ce reproche, les partisans du texte ont ajouté un article prévoyant que les maires d’arrondissement peuvent « assister au conseil de Paris ou au conseil municipal même s’ils n’en (sont) pas membres ». Ils pourront « y être entendus sur les affaires relatives à l’arrondissement ».
Toujours pour tenter de rassurer les opposants, un autre article a été ajouté exigeant que le gouvernement remette au Parlement, sous six mois, « un rapport qui évalue la possibilité de transférer des compétences de la mairie centrale aux mairies d’arrondissement à Paris, à Lyon et à Marseille ». Les opposants au texte ont beaucoup reproché à ses auteurs, en effet, de modifier le mode de scrutin dans ces villes avant d’avoir un débat approfondi sur la répartition des compétences entre conseils d’arrondissement et conseil municipal.
Enfin, un dernier article prévoit la création d’une « conférence des maires », sur le modèle de ce qui existe dans les intercommunalités. Cette conférence, présidée par le maire de la ville et comprenant tous les maires d’arrondissement, devra se réunir au moins une fois par an « pour débattre de tout sujet d’intérêt municipal ».
Casse-tête
Si ce texte est validé par le Conseil constitutionnel, il restera à en tester les conditions d’application en temps réel lors des élections de mars prochain. L’organisation du double scrutin à Paris et Marseille et du triple scrutin à Lyon risque d’être un véritable casse-tête pour les maires, qui devront dédoubler les bureaux, les urnes, les assesseurs, les personnes chargées du dépouillement… Financièrement, cette réforme aura un coût très important, encore impossible à chiffrer aujourd’hui. C’est l’un des inconvénients majeurs d’un texte issu non du gouvernement mais du Parlement, et qui n’a donc fait l’objet d’aucune étude d’impact.
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Sécurité
Piqûres, soumission chimique, agressions : les services de justice seront vigilants cet été
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Une circulaire du ministère de la Justice vient d'être publiée dans la perspective de la tenue d'évènements festifs estivaux. Soumission chimique et attaques à la piqûre : ces nouvelles attaques exigent des réponses judicaires particulières.
Festivals, fêtes de village, free parties, bals, défilés ou rassemblements sur la voie publique… L’été est propice à l’organisation de toute sorte d’évènements festifs. À l’aube du week-end du 14 juillet, qui devrait connaître dans tous les territoires son lot de défilés et de festivités autour d’un feu d’artifice (là où ils ne sont pas interdits pour cause de risque d'incendie de forêt), une circulaire a été publiée dans le Bulletin officiel du ministère de la Justice.
La publication et la diffusion de cette circulaire interviennent quelques jours après le week-end de la Fête de la musique, le 21 juin dernier. Selon un bilan du ministère de l'Intérieur, 371 personnes ont été interpellées (326 en 2024) au cours de la soirée, dont 89 à Paris (103 en 2024). Plusieurs publications sur les réseaux sociaux appelaient à « piquer », et notamment des femmes, lors de ces rassemblements.
« Les rassemblements festifs qui se multiplient au cours de l'été sont l'occasion pour certains de commettre des atteintes aux personnes particulièrement graves » dont les femmes sont les principales victimes., indique Gérald Darmanin dans la circulaire. Ainsi, le ministère de la Justice semble vouloir apporter une réponse plus ferme face à ces agressions, aussi bien sur l’enquête, que sur la prise en charge des victimes et sur la réponse pénale.
Agressions sexuelles et attaques à la seringue
Ciblant particulièrement « les actes de violences infligés au moyen d'une seringue, avec ou sans injection de produit chimique », les « violences sexuelles commises parfois sous soumission chimique » et les « outrages à caractère sexiste », le ministre de la Justice appelle les procureurs à la plus grande attention pour cet été.
Si le phénomène d’agressions à la seringue a connu un coup de projecteur important en France depuis 2022, il existe en réalité depuis longtemps. Selon un article du Monde, dès le XIXe siècle, Le Moniteur universel, organe officiel du gouvernement français, révèle en 1819 que près de « quatre cents personnes – en grande partie des jeunes femmes – ont été piquées jusqu’au sang, généralement aux fesses, dans l’espace public ». Ce type d’agression particulière a refait surface dans les années 1990 avec la menace d’aiguilles contaminées au VIH, notamment en Amérique du Nord. Puis ces piqûres sauvages se sont développées en 2021 au Royaume-Uni avant de gagner toute l'Europe. Une page sur info.gouv.fr est dédiée à la question.
Que cela soit en cas d’agressions sexuelles avec ou sans soumission chimique ou en cas de piqûre, le ministère de la Justice indique que, pour « garantir la préservation des éléments de preuve nécessaires » la rapidité est de mise afin de « faire procéder aux prélèvements urgents aux fins d'analyses toxicologiques, et aux constatations médicales complètes, y compris sur d'éventuelles traces d'injection. » Le ministre annonce aussi que des « protocoles de prise en charge des victimes avec les institutions médicales ou hospitalières locales pourront être utilement signés ou actualisés pour prendre en compte tout le spectre de cette délinquance. »
Pour les situations de suspicion de soumission chimique, le ministère appelle à ce que les analyses soient faites en priorité dans un laboratoire d'analyse toxicologique dépendant du service national de police scientifique ou de l'institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale.
Enfin, une attention particulière devra être portée à l’accompagnement et la prise en charge de la victime. Gérald Darmanin appelle les procureurs de la République à déployer « tous les outils à leur disposition (dispositifs de prise en charge au sein des établissements de santé, accompagnement et évaluation personnalisée des besoins des victimes par les associations d'aide aux victimes... ) pour assurer une prise en charge à la hauteur du préjudice subi. »
« Réponse pénale ferme et rapide »
Le ministère de la Justice appelle surtout les procureurs et magistrats à « une réponse pénale ferme et rapide » dans les territoires.
Il est d’ailleurs important de noter que « les personnes appelant à la commission de tels faits, notamment via les réseaux sociaux » sont aussi visés dans la stratégie du ministère de la Justice pour cet été. En effet, l’exemple le plus récent est celui de la fête de la musique. Sur le réseau TikTok les appels à piquer des femmes ont été nombreux, et certains se sont même lancés dans des vidéos tutoriels pour apprendre à faire des piqûres… Il est indiqué dans la circulaire que pour ces personnes il pourra « notamment être caractérisé le délit de provocation non suivie d'effet à commettre un crime ou un délit, prévu par l'article 24 de de la loi du 29 juillet 1881 ».
Le ministère rappelle ensuite les réponses pénales à apporter face à ces situations. Par exemple, face à une attaque à la piqûre sans injection de substances, il sera retenu le délit de violences volontaires avec arme.
« La multiplication de ces comportements appelle une réponse ferme dans un temps proche de la commission des faits », indique Gérald Darmanin qui insiste sur la « rapidité et l'effectivité des réponses pénales apportées ». Le ministre a finalement demandé que « soit assurée avec diligence une information complète de la direction des affaires criminelle et des grâces (nombre d'interpellations et suites judiciaires) lorsqu'un rassemblement festif d'ampleur donne lieu à la commission de ce type d'infraction ».
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Finances locales
Finances locales : le Sénat veut « redéfinir le système de financement des collectivités »
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Dans un rapport présenté le 10 juillet, la commission d'enquête sur la libre administration des collectivités, présidée par Olivier Henno (Nord), pointe l'impact des multiples réformes de la fiscalité locale qui ont réduit leur autonomie et appelle à bâtir « un cadre protecteur » leur permettant d'exercer leurs compétences.
[Article initialement publié sur le site Maires de France]
Le principe d’autonomie financière des collectivités issu de la révision constitutionnelle de 2003 est une « coquille vide » : tel est le constat sans appel dressé, le 10 juillet, par la commission d’enquête du Sénat sur la libre administration des collectivités, créée en mars dernier.
Dans son rapport adopté à l’unanimité de ses membres, elle pointe les multiples suppressions d’impôts locaux depuis une dizaine d’années (taxe d’habitation, CVAE…).
Celles-ci « représentent un coût considérable pour les finances publiques : près de 35 milliards d’euros d’après la Cour des comptes », a souligné Thomas Dossus (Rhône), rapporteur de la commission d’enquête. Elles rompent le « lien contributif » entre les citoyens, les entreprises et leur territoire, et, en limitant le nombre de leviers fiscaux des collectivités, restreignent leur autonomie financière réelle.
Une « double peine » pour les collectivités
Les mesures de compensations de ces réformes fiscales par l’Etat, jugées insuffisantes par les sénateurs, sont « illisibles et brouillent le paysage des finances locales ». Pire, l’Etat ne respecte pas sa parole en la matière, déplore la commission d’enquête, en rappelant que dès la loi de finances pour 2025, le gouvernement « est ainsi revenu sur un de ses engagements, la principale mesure d’économies touchant les collectivités territoriales étant un gel de la TVA versée à l’issue de diverses compensations, pour un impact estimé à 1,2 milliard d’euros ».
Les collectivités subissent « une double peine, analyse Thomas Dossus : l’Etat leur a retiré des leviers fiscaux et, aujourd’hui, il leur demande de participer à l’effort de redressement des finances publiques ! ».
Le juge constitutionnel « peu protecteur »
Dans ce contexte, alors qu’il était censé constituer un frein à la recentralisation financière et au recul de la fiscalité locale, le principe d’autonomie financière inscrit à l’article 72-2 de la Constitution « a été vidé de sa substance » notamment par la loi organique de 2004, estiment les sénateurs. En effet, « ont été artificiellement incluses dans la catégorie des «ressources propres » des collectivités des impositions sur lesquelles elles n’ont pas leur mot à dire et ne disposent d’aucun pouvoir de taux ou d’assiette ».
A cela s’ajoute « une jurisprudence constitutionnelle peu protectrice » de l’autonomie des collectivités. Non seulement «le juge constitutionnel s’est abstenu d’exiger que les transferts ou extensions de compétences fassent l’objet d’une compensation financière intégrale et actualisée », mais de plus, le législateur a pu, au fil des réformes de la fiscalité locale, réduire de manière croissante et ininterrompue les marges de manœuvre fiscales et financières des collectivités, sans risquer la moindre censure de la part du Conseil constitutionnel, dont le contrôle s’est restreint à vérifier le respect de «ratios d’autonomie financière » que le Sénat juge «totalement déconnectés de la réalité ».
Inscrire dans la Constitution le principe d'autonomie fiscale
La commission d’enquête du Sénat appelle donc à «redonner un cadre protecteur » aux collectivités qui permettra de «rétablir la confiance entre les élus et l’Etat », particulièrement entamée aux dires des associations d'élus locaux auditionnées, et garantira «que les collectivités territoriales disposent de ressources propres suffisantes, en lien avec leurs compétences, et à la hauteur des charges qu’elles supportent ».
Les sénateurs proposent «d’inscrire à l’article 72-2 de la Constitution un principe d’autonomie fiscale, en prévoyant qu’une part significative des ressources des [collectivités] doit provenir d’impositions sur lesquelles celles-ci disposent d’un pouvoir de taux ou d’assiette».
Ils suggèrent aussi de leur garantir une «autonomie en dépense » qui consisterait à «identifier le montant des dépenses obligatoires (imposées par la loi) des collectivités et à leur garantir un niveau de ressources suffisant pour couvrir ces dépenses tout en disposant d’une marge de manœuvre pour financer des dépenses propres reflétant de réels choix en matière de financement des services publics locaux ».
Le Sénat recommande la mise en place d’une procédure de réexamen régulier du montant des compensations financières versées par l’Etat aux collectivités au titre des compétences transférées afin de préserver leurs marges de manœuvre financières «pour financer [leurs] dépenses propres ».
Il reviendrait à un «Conseil d’orientation des finances locales », créé en lieu et place du Comité des finances locales et de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), de structurer les relations financières entre l’Etat et les collectivités, de «définir des trajectoires pluriannuelles » et d’« assurer le suivi de l’adéquation des recettes locales à l’évolution des charges des collectivités ». On voit mal à ce stade quelle serait la plus-value de ce nouvel organisme par rapport aux travaux du CFLet de l’OFGL, dont le président, André Laignel, a été auditionné.
Refonte de la fiscalité locale
La commission suggère une refonte de la fiscalité locale pour doter chaque niveau de collectivités de ressources adaptées à leurs compétences. S’agissant du bloc communal, elle reste floue sur la solution en égrenant quelques pistes (« restauration de la taxe d’habitation, imposition territorialisée sur le revenu, création d’un impôt forfaitaire local à la capitation… »).
En revanche, elle demande « une révision des valeurs locatives cadastrales (VLC) des locaux d’habitation » pour que la fiscalité foncière « puisse s’appuyer sur une assiette plus en phase avec la réalité économique du territoire ».
Pour financer leurs dépenses sociales, les départements se verraient attribuer « une fraction de la contribution sociale généralisée, assortie d’un pouvoir de taux ». Les régions bénéficieraient « d’une fraction d’impôt sur les sociétés » et du produit de la CVAE que le Sénat propose de rétablir à leur bénéfice.
Soutenir le «mur des investissements
Les sénateurs soulignent enfin « le mur d’investissements colossal » que les collectivités doivent engager notamment dans la transition énergétique en estimant qu’elles « devront plus que doubler chaque année leur niveau actuel d’investissements climatiques à horizon 2030 ».
La commission demande à l’Etat de « sanctuariser un socle de dotations d’investissement » (DSIL, DETR, Fonds vert -dont elle pointe la baisse de «54% entre 2024 et 2025 ») pour donner aux élus de la visibilité via « un engagement [financier] formalisé » dans le cadre des contrats pour la réussite de la transition écologique (CRTE).
L’exécutif devrait aussi assortir les grands documents de planification - plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC), stratégie nationale bas-carbone (SNBC)…- d’une évaluation des investissements locaux à réaliser en y associant les financements nécessaires.
Quel sera l'avenir de ces propositions? Tout en concédant que beaucoup d'entre elles nécessitent un travail sur le long terme, le Sénat s'invite en tout cas au futur débat budgétaire en publiant son rapport à quelques jours des arbitrages que le Premier ministre doit présenter dans le cadre du projet de loi de finances pour 2026.
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Journal Officiel du vendredi 11 juillet 2025
Ministère de l'Intérieur
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