| Édition du jeudi 19 juin 2025 |
Élus locaux
2 189 maires ont démissionné depuis le début du mandat
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Depuis 2020, 2 189 démissions de maires ont été enregistrées, atteignant ainsi un « niveau historique ». C'est ce que pointe une étude réalisée par Martial Foucault, chercheur au Cevipof, pour l'Association des maires de France (AMF). Les raisons des démissions ne sont pas forcément celles que l'on croit.
« En 2026, je ne serai pas candidat à ma succession car trop de fatigue et d’usure », témoignait la semaine dernière aux Assises de l’APVF, Frédéric Marche, maire de Cléon (Seine-Maritime) depuis 2015. Des témoignages de maires comme celui-ci, il n’en manque pas.
Depuis juillet 2020, il y a eu en moyenne une quarantaine de démissions de maires par mois, atteignant un niveau historique de 2 189 démissions au total en cinq ans. C’est ce que constate le chercheur au Centre d’études de la vie politique française (Cevipof) Martial Foucault dans une étude qu’il a réalisée pour l’AMF. « Ce chiffre en nette augmentation confirme la fragilité de la fonction et les difficultés à enrayer sa progression », estime-t-il.
Ce phénomène sur lequel l’AMF alerte depuis plusieurs années inquiète, à moins d’un an des prochaines élections municipales. Martial Foucault appelle à le « prendre au sérieux » dès maintenant car il « ne doit pas dissuader le très fort engagement politique des Français. »
417 démissions par an en moyenne depuis 2020
Environ 6 % des maires ont quitté leur fonction depuis leur élection. Concrètement, « il ne se passe plus une journée en France sans qu’un édile démissionne », constate le chercheur.
Entre juillet 2020 et mars 2025, 2 189 démissions de maires (dont 2 105 en métropole) ont été enregistrées par le ministère de l’Intérieur. C’est en 2023 que le nombre de démissions a atteint le chiffre exceptionnel de 613 maires qui ont jeté l’éponge.
Si, comme le pointe l’auteur de l’étude, la fréquence des démissions faiblit à mesure que les prochaines élections municipales s’approchent, « il n’en reste pas moins qu’elles ont atteint une ampleur jamais observée par le passé. » Si l’on prend la moyenne des démissions enregistrées par année, on constate un grand écart entre le mandat 2009-2014, avec 129 démissions par an en moyenne, et le mandat actuel où l’on recense 417 démissions en moyenne.
Il est intéressant de noter que les démissions suivent « un cycle récurrent avec un pic notable à mi-mandat, phénomène observé au cours des trois dernières mandatures ». Ainsi en 2023, presque deux maires chaque jour ont décidé de démissionner. Rappelons que cette année avait été marquée par des émeutes et violences urbaines et où de nombreux maires avaient été pris pour cible (lire Maire info du 30 juin 2023). Pourtant, de manière surprenante, il apparaît que « les situations de violence physique ou symbolique à l’endroit des maires n’apparaissent pas comme un élément déclencheur de démission ». Il existe moins d’une quarantaine de cas où un maire a quitté ses fonctions pour ces raisons.
Ces démissions ne touchent pas de manière homogène les territoires. « Les communes de moins de 500 habitants enregistrent le plus grand nombre de démissions (41,7 % du total) mais sont relativement moins exposées que les communes de plus de 10 000 habitants. En effet, rapporté au nombre de communes par strate de population, ces dernières sont exposées à 11,5 % (contre 5 % pour les communes de moins de 500 habitants). Plus la taille de la commune augmente, plus le risque de démission a progressé au cours de ce mandat. »
Malgré ces chiffres, du côté du gouvernement, on choisit de voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide. La semaine dernière, François Bayrou relativisait les démissions de maires : « On dit que les maires démissionnent en masse ? 450 maires ont démissionné l’an dernier, cela ne fait que 1 % d’entre eux. » Selon l’étude dévoilée ce jour, ce sont en réalité 500 maires qui ont démissionné en 2024. Si la différence n’est pas spectaculaire, signalons tout de même que le Premier ministre a choisi de mettre en avant dans son discours les « maires heureux » laissant de côté les maires épuisés et contraints de démissionner.
Dissensions au sein des conseils municipaux
Pourquoi les maires démissionnent t-ils ? Selon les témoignages recensés dans la presse, on aurait pu penser que la santé physique et psychique serait le premier motif avancé par les édiles pour mettre fin à leur fonction. Néanmoins, si 13 % des maires ont démissionné pour cette raison précise – ce qui représente tout de même un chiffre significatif et inquiétant – ce n’est pas le premier motif invoqué par les édiles.
« Avec 31 % de cas recensés, les tensions au sein du conseil municipal, liées à la conduite de l’action municipale, sont la principale cause de démission des maires », pointe l’étude. Différends, disputes, conflits ou autres désaccords au sein du conseil municipal : ces situations tendues peuvent se déclarer « tantôt avec des élus de l’opposition, tantôt, et c’est le cas le plus fréquent, au sein de la majorité. »
Le chercheur explique que le contexte de ce mandat n’y est pas pour rien : « Quelque 85 % des maires ont été élus dès le premier tour au mois de [mars 2020], mais leur installation officielle s’est organisée seulement en juillet (…). Pendant de longs mois, les équipes n’ont pas pu se retrouver en présentiel, ni même travailler sur les projets arrêtés durant la campagne. Cela a nécessairement interrompu une dynamique collective, en particulier pour les citoyens nouvellement engagés dans la vie de leur commune. »
À cet égard, il sera très intéressant de voir, lors du prochain mandat, quelles seront les conséquences concrètes de la loi qui vient d'être votée pour les communes de moins de 1 000 habitants, et qui impose la constitution de listes, élues à la proportionnelle, en lieu et place du scrutin uninominal avec possibilité de panachage. L'une des conséquences de ce texte sera la nécessité de mettre en œuvre un véritable « projet de liste », an amont des élections. Cette évolution aura-t-elle une évolution positive sur les dissensions au sein des conseils municipaux ? On le saura à la fin du prochain mandat.
L’étude met aussi en avant un phénomène que beaucoup de maires dénoncent : « Ce qui est commun à nombre de démissions de maires est la remise en question de certaines de leurs décisions qui peuvent porter sur le contenu (voirie, travaux, PLU…) ou la temporalité (report de décisions ou accélération sur des sujets jugés initialement comme non prioritaires), mais aussi sur la personnalité de l’édile ou sa méthode d’instruction, de délibération et de décision. » Les communes de 1 000 à 3 500 habitants représentent 37,3 % de ces démissions dites « politiques », soit 3,7 % de cas pour l'ensemble des communes de cette strate de population.
Enfin, le nombre de démissions qualifiées de « programmées » représente 13 % des démissions totales. « Elles suivent une logique bien huilée où le maire élu en 2020 annonce dès le début de son mandat, voire de sa campagne électorale, qu’il passera la main à mi-mandat », explique Martial Foucault.
Par ailleurs, le mandat en cours, souvent qualifié comme « particulièrement difficile », a visiblement produit des effets de déception chez les 40 % de maires qui occupaient pour la première fois cette fonction. Ainsi, parmi les démissionnaires, on décompte 53 % de nouveaux maires.
« Il faut sacraliser la fonction de maire »
La publication de cette étude met à nouveau en lumière l’urgence d’adopter la proposition de loi sur le statut de l’élu qui sera débattue à l’Assemblée nationale en session extraordinaire, « autour du 7 juillet », selon Françoise Gatel, ministre chargée de la Ruralité et co-autrice de la proposition de loi.
En clôture des Assises de l’APVF, l’ex-sénatrice a indiqué que ce travail consensuel sur le statut de l’élu ne consiste pas en la création « d’un statut de privilégié » mais doit « sacraliser la fonction de maire ». « Il est souhaité par tout le monde d’élargir la protection fonctionnelle et d’améliorer les conditions à la sortie du mandat de maire », a par exemple résumé Françoise Gatel en faisant référence à cette proposition de loi qui devrait aussi « encourager à l’engagement ». « Il est temps de conclure », a-t-elle finalement lancé.
Consulter l'étude en entier.
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Finances locales
Budget 2026 : rejetant toutes nouvelles ponctions, le président du CFL alerte sur la dégradation des finances localesÂ
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Alors que la situation des finances locales s'est encore dégradée l'an passé, André Laignel a appelé hier, à titre personnel, les collectivités à « ne plus payer » certaines dépenses « à la place de l'État » dans l'hypothèse où le gouvernement les ponctionnerait à nouveau en 2026.Â
Alors que le gouvernement menace de geler les concours financiers versés par l'État aux collectivités locales en 2026, le président du Comité des finances locales (CFL), André Laignel, a sévèrement rejeté, hier, l’idée de venir en aide à l’État afin de redresser les comptes publics. Pointant la situation dégradée des finances locales, le maire d’Issoudun est allé jusqu’à menacer de « ne plus payer » certaines dépenses imposées par l’État en cas de nouvelles ponctions.
Dette qui augmente et trésorerie qui fond
Les collectivités ont « déjà beaucoup donné depuis 2014 », a assuré l’élu berrichon, lors d’une conférence consacrée à la présentation du pré-rapport annuel de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL) – qu’il préside également – et durant laquelle il a évalué leur effort à « 80 milliards d’euros » depuis cette date. « Nous sommes dans une situation financière qui ne nous permet plus d’être rabotés », a-t-il affirmé.
« L'alerte est complète, problématique et concerne tous les niveaux de collectivités », « même si, selon les niveaux, les situations peuvent être contrastées », s’est désolé le président du CFL : « On a baissé nos ressources, ce qui nous a mécaniquement conduits à ponctionner nos trésoreries et à accentuer nos dettes ».
Dans un contexte inflationniste, leur épargne brute a ainsi « très fortement » baissé en 2024 (- 7,3 %, après 9,1 % en 2023) et leur besoin de financement s’est « accentué », comme l’indique le pré-rapport de l’OFGL.
« Seul signe positif », selon André Laignel, les dépenses d’investissement ont progressé de 7 % l’an passé (pour atteindre leur plus haut niveau depuis 18 ans). Reste que pour y parvenir, les collectivités ont dû s’endetter (+ 4,2 %) et faire fondre leur trésorerie (- 41 %).
Résultat, cette dernière est passée de 133 à 78 jours de trésorerie. Pour les communes, la trésorerie ne représente plus que 118 jours avec « des écarts considérables » : plus prudentes, les petites communes conservent 500 jours, quand les villes de plus de 100 000 habitants n’en ont plus que dix jours. Les régions, plus que quatre.
Dès cette année, « la dégradation des comptes va s’accélérer, s’aggraver, mettant l’ensemble des collectivités locales dans une situation de grande précarité », a déploré André Laignel, rappelant que celles-ci, par leur investissement, jouent un rôle majeur dans la bonne santé économique du pays. En conséquence, il pointe « le risque probable d’une récession de la France ».
Et André Laignel de rappeler « l’absurdité » des propositions du gouvernement, qui recevait hier les représentants des élus locaux dans le cadre de la conférence financière des territoires : « On veut baisser nos recettes pour nous obliger à faire des économies », seulement les collectivités devront recourir à « l’emprunt [pour] financer nos dépenses obligatoires ». « Ça va exactement à l’encontre du but recherché par l’État. »
« Censure sur le terrain »
Afin de tenter d’infléchir la position du gouvernement, le maire d’Issoudun a mis en garde l’exécutif, en sortant « un tout petit peu [de la position] du CFL ». « Il est clair, aujourd’hui, à mon sens, que si on annonce de nouvelles coupures de moyens pour 2026, la seule réponse possible est la censure sous toutes ces formes », a ainsi menacé André Laignel, à titre personnel donc.
Outre la « traduction parlementaire » que l’on connaît et qui a déjà fait tomber le gouvernement Barnier en fin d’année dernière, l’élu a également appelé les collectivités à « refuser de payer à la place de l’État » si le gouvernement s’entêtait.
Quelle forme prendrait cette « censure sur le terrain » imaginée par André Laignel ? « Ne plus participer, par exemple, au contrat plan État-régions » ou bien de « refuser tout transfert nouveau de quelque nature ». « La situation est d’une telle gravité que nous ne pouvons plus accepter de payer à la place de l’État », a-t-il assuré, celui-ci reprochant à ce dernier de transférer des dépenses à l’échelon locale sans les financements idoines.
Une situation qui a conduit les départements a rappelé qu’ils assument désormais « seuls », depuis hier, « sans compensation de l’État, le financement des grandes prestations sociales nationales ». Ce « jour du dépassement », comme ils le nomment, est ainsi celui où « l’État cesse de contribuer aux prestations qu’il fixe, laissant aux départements la charge exclusive de leur financement ».
Afin d’éviter de fermer les services publics et d’interrompre les investissements, « nous devrions aussi décider d’une année blanche » si le gouvernement décidait de nouvelles ponctions en 2026, a confirmé André Laignel. « Cela ne pourrait pas être à sens unique », selon lui.
Conférence financière des territoires
Cette proposition d'André Laignel n’a, cependant, jamais été évoquée ni par les membres du bureau de l’AMF – qui s’est réuni hier – ni par les représentants des élus locaux présents, également, lors d’une nouvelle réunion de la conférence financière des territoires.
Lors de cette conférence, plusieurs options ont été envisagées par les représentants du gouvernent, allant d'un gel des dotations à un encadrement des dépenses (dans l'esprit des contrats de Cahors). Les représentants des élus se sont opposés à un gel de la DGF, dans la mesure où celle-ci est entièrement dédiée à compenser les charges transférées aux collectivités par l'État.
Les élus ont estimé que si l'État envisage une « année blanche » sur les recettes des collectivités, il s'imposerait a minima « une année blanche sur les nouvelles dépenses contraintes », comme par les exemple l'évolution du taux de rénovation des bâtiments, le dispositif NIS2, le décret tertiaire ou encore les dispositions du Plan nationale d'adaptation au changement climatique. Les élus ont estimé que cette année blanche devrait s'appliquer aussi à la hausse des cotisations CNRACL.
Il semble que le gouvernement envisage également une nouvelle mesure qui prendrait la forme d'une péréquation horizontale, revenant à écréter les dotations des communes les mieux dotées pour le redistribuer aux communes les plus pauvres. Ce dispositif, évoqué plusieurs fois pendant les conférences financières des territoires, est unanimement rejeté par les représentants des élus.
Les propositions des uns et des autres étant maintenant sur la table, les élus attendent que le gouvernement dévoile ses arbitrages. Ce devrait être le cas mi-juillet.
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Urbanisme
Simplification du droit de l'urbanisme : le Sénat modifie le texte en profondeur
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Après son adoption à l'Assemblée le 15 mai, la proposition de loi visant à relancer la construction de logements a été considérablement musclée par les sénateurs.Â
Le 17 juin 2025 restera-t-il dans les annales du droit de l’urbanisme ? C’est probable : alors que la loi visant à faciliter la transformation des bureaux et autres bâtiments en logements était à peine publiée, le Parlement devait se prononcer sur deux textes « de simplification » revenant déjà sur ce qui venait d’être acté.
Ainsi, au moment où les députés adoptaient le projet de loi de simplification de la vie économique – supprimant les zones à faibles émissions (ZFE) et entaillant sévèrement le zéro artificialisation nette (ZAN) (lire Maire info d'hier) –, les sénateurs modifiaient la proposition de loi de simplification du droit de l’urbanisme et du logement, s’attaquant frontalement au Code de l’urbanisme dont le volume a gonflé de 55 % en 20 ans, et qui serait ainsi responsable de la crise qui mine le secteur depuis le covid-19.
En attendant, le texte de la proposition de loi est passé de quatre articles à près d’une quarantaine : après l’Assemblée nationale le 15 mai, les sénateurs ont ainsi rendu leur copie sur le texte du député de l’Eure-et-Loir Harold Huwart (Liot), soutenu par le gouvernement. Présente lors des débats, la ministre chargée du Logement, Valérie Létard, a ainsi salué le travail en commission des sénateurs, remerciant les trois rapporteurs du texte – les sénateurs Ghislain Cambier (UC, Nord), Sylviane Noël (LR, Haute-Savoie), et Marc-Philippe Daubresse, (LR, Nord) – « pour leur mobilisation en faveur des maires bâtisseurs ».
Avec un « corpus d’obligations en croissance continue », et une « forte exposition aux recours contentieux », « la simplification est un vrai levier de relance économique » a-t-elle ainsi exposé en introduction des discussions. « Il en va de l’intérêt de tous : élus, citoyens, porteurs de projet, professionnels du BTP, qui plaident tous pour des règles plus lisibles, un droit plus accessible et un allègement des contraintes. »
Simplification ou dérégulation ?
Un régime radical, en l’occurrence, que Valérie Létard souhaitait prescrire par ordonnance pour refondre les procédures d’évolution des documents d’urbanisme. Demande rejetée par les sénateurs, suggérant le dépôt d’un projet de loi pour un véritable travail de fond (et une étude d’impact). Le texte adopté conserve néanmoins la possibilité de recourir à la procédure de participation du public par voie électronique à la place de l’enquête publique pour l’évolution des PLU(i), Scot et cartes communales. Un dossier papier devra être mis à disposition en mairie.
Autres mesures sensibles adoptées : la suppression de l’évaluation environnementale pour certaines procédures de modification des PLU (rectification d’une erreur matérielle ; réduction de la surface d’une zone urbaine ou à urbaniser) ; l’élargissement des cas de recours à la procédure de modification simplifiée du PLU, notamment en cas de majoration de constructibilité jusqu’à 30 % (contre 20 % actuellement).
Par ailleurs, la réduction d’un espace boisé classé, d’une zone agricole ou d’une zone naturelle et forestière ne relève plus du champ de la révision – procédure d’évolution des documents d’urbanisme la plus lourde. Un recul environnemental, tout comme l’allègement des obligations de solarisation des bâtiments publics et des parkings, dénoncé par le sénateur écologiste Yannick Jadot comme allant à rebours des obligations européennes de la France.
Autre disposition contestée : l’adaptation du régime des résidences hôtelières à vocation sociale pour y loger provisoirement des salariés de chantiers avoisinants, en réduisant l’accueil des publics vulnérables « dans les territoires présentant des besoins particuliers en matière de logement liés à des enjeux de développement de nouvelles activités économiques, d’industrialisation ou d’accueil de travailleurs saisonniers ou en mobilité professionnelle ».
Rationalisation
Certaines mesures adoptées au Sénat sont particulièrement attendues des acteurs du secteur : l’accès facilité des communes à l’ingénierie des établissements publics fonciers via l’élargissement de leur périmètre, ou encore la réduction du délai de trente à quinze ans pour l'acquisition des biens sans maître par les communes.
En matière de contentieux, le texte comporte de nombreuses mesures de rationalisation. Ainsi, comme prévu initialement, le délai de recours gracieux est réduit à un mois (au lieu de deux), et n’est plus suspensif. Une présomption d'urgence est par ailleurs ajoutée en cas de référé-suspension à l'encontre d'un refus d’autorisation d’urbanisme. Enfin, le texte des sénateurs ajoute une condition de recevabilité aux recours contre les documents d’urbanisme, celle d’avoir « pris part à la participation du public effectuée par enquête publique, par voie électronique ou par mise à disposition organisée préalablement à cette décision contestée ».
À noter qu’au passage, les sénateurs ont amendé le principe d’urbanisation en continuité en zone de montagne : « L’urbanisation ne peut être appréciée comme discontinue au seul motif qu’elle est séparée des zones urbanisées (…) un espace intercalaire lorsque l’extension de l’urbanisation est située à proximité immédiate de ces zones », ni « au seul motif que le nombre de constructions implantées est insuffisant dès lors que l’ensemble de constructions compte au moins trois constructions. »
Qu’il soit « fourre-tout », « patchwork » ou « Frankenstein », pour reprendre les mots du sénateur Marc-Philippe Daubresse, le texte passera en commission mixte paritaire le 3 juillet. D’ici là, la boîte de Pandore est ouverte…
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Fonction publique territoriale
Un maire ne peut pas à sa guise faire voter une prime exceptionnelle à ses agents, rappelle un tribunal
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Le tribunal administratif de Toulouse, saisi par le préfet de l'Ariège, a annulé la délibération d'une commune qui avait accordé une « prime exceptionnelle » à ses agents en 2024. Le tribunal a rappelé qu'il est impossible d'accorder dans la territoriale des primes qui n'existent pas dans la fonction publique de l'État.Â
Le 9 juillet 2024, le conseil municipal de Tarascon-sur-Ariège adoptait une délibération indiquant qu’« en l’absence d'augmentation ou de prévision du point d'indice en 2024, le maire souhaite instaurer (une) prime visant à valoriser le travail des agents et à encourager leur présence régulière sur leur lieu de travail afin de contribuer ainsi à la continuité et à l'efficacité du service public ». La délibération précise que le montant de cette prime sera déterminé individuellement, en fonction du salaire moyen de chaque agent et de son taux de présentéisme.
Principe de parité
En octobre dernier, au titre du contrôle de légalité, le préfet de l’Ariège a saisi le tribunal administratif de Toulouse en lui demandant d’annuler cette délibération, estimant qu’elle est « dépourvue de base légale » et qu’elle est contraire aux règles fixées à l’article L714-4 du Code de la fonction publique. Cet article dispose en effet que « les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics fixent les régimes indemnitaires de leurs agents, dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'État ». C’est ce que l’on appelle le principe de parité.
Le tribunal s’est prononcé sur cette affaire le 2 juin dernier et a donné raison au préfet.
Il rappelle, outre l’article L714-4 du Code de la fonction publique, les termes du décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 sur les dispositions statutaires de la fonction publique territoriale : « Le régime indemnitaire fixé par les assemblées délibérantes des collectivités territoriales (…) pour les différentes catégories de fonctionnaires territoriaux ne doit pas être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'État exerçant des fonctions équivalentes. »
Le juge rappelle quelles sont les primes qui peuvent être versés aux fonctionnaires des trois fonctions publiques : d’une part, une « indemnité de fonction, de sujétions et d’expertise », et, d’autre part, « un complément indemnitaire annuel lié à l'engagement professionnel et à la manière de servir ». Même lorsqu’une collectivité institue le Rifseep (régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel), elle doit respecter cette décomposition en deux parts : une part « qui tient compte des conditions d’exercice des fonctions et la seconde de l’engagement professionnel des agents ». Les collectivités sont libres de fixer les plafonds applicables aux deux parts, mais toujours en veillant à ce qu’ils ne dépassent pas le plafond global des primes accordées aux agents de l’État.
Or la délibération qui a instauré une prime exceptionnelle à Tarascon-sur-Ariège ne peut être rattachée au Rifseep, puisqu’il n’est fait aucune référence à celui-ci dans la délibération. Par ailleurs, elle ne respecte pas, formellement, la décomposition en deux parts exigée par les textes. Cette délibération, conclut le juge, n’est donc pas conforme au principe de parité entre la fonction publique de l’État et la territoriale, et est donc illégale.
Rétroactivité
Le maire de la commune avait par ailleurs demandé, en cas de décision défavorable du tribunal, que l’application de cette décision soit « différée dans le temps ». Si le tribunal administratif décide d’annuler une décision, celle-ci est réputée n’avoir jamais existé. Autrement dit, la décision est rétroactive. Le maire a fait valoir, non sans logique, qu’en l’espèce la rétroactivité d’une telle annulation conduirait à ce que chaque agent doive rembourser la prime perçue, sans compter « la mise en œuvre d’opérations complexes pour la récupération des charges sociales et patronales ». De plus, deux agents avaient entretemps quitté leurs fonctions, et que « la récupération des trop-perçus auprès de ceux-ci se heurterait à des obstacles significatifs ». Autant d’arguments qui paraissent recevables. La loi prévoit en effet, lorsque l’effet rétroactif d’une annulation risque d’avoir des conséquences « manifestement excessive », que le juge peut déroger « à titre exceptionnel » au principe de rétroactivité des annulations contentieuses. Il peut, par exemple, décider que l’annulation prendra effet à une date ultérieure, qu’il est libre de déterminer.
Mais le juge ne l’a pas entendu de cette oreille. Il a estimé que dans ce cas, les conséquences ne pouvaient être regardées comme « manifestement excessives », la somme à recouvrir n’étant « que d’un montant de 10 645 euros ». La décision d’annuler cette délibération reste donc rétroactive, et la commune devra exiger des agents qu’ils remboursent le montant perçu dans le cadre de cette prime.
Cet épisode – et l’intransigeance du juge en la matière – doivent être connus des élus qui auraient envie de faire un geste vis-à-vis des agents, pour leur éviter de tels déboires. Les règles sont extrêmement strictes en la matière, et une fois encore la « libre administration des collectivités territoriales » a des limites parfois insoupçonnées.
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Santé publique
Déserts médicaux : prendre en compte la spécificité de la montagne
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L'Association nationale des élus de la montagne (Anem) demande que les politiques nationales de santé retiennent le critère du temps d'accès aux soins, « extrêmement long » dans ces zones géographiquement sinueuses.Â
« L’offre de soins en zone montagne est extrêmement fragile et les temps d’accès explosent ! Il faut en moyenne 8,4 minutes pour se rendre chez le médecin généraliste le plus proche (contre 6,2 minutes en moyenne au niveau national), 11,8 minutes pour aller chez le dentiste (contre 8,6 minutes). L’accès aux urgences prend 30,4 minutes (contre 23,2 minutes). Pour les services obstétriques, il faut 36,3 minutes (contre 27,3). Dans les Pyrénées, le temps d’accès moyen dépasse les 40 minutes. En Corse, il faut le double de temps pour l’accès à tous ces services en comparaison avec les zones hors montagne ! Comment rendre nos territoires attractifs dans ces conditions ? », demande Jean-Pierre Vigier, député de Haute-Loire et président de l’Anem. « Il y a un vrai sujet d’accès aux soins en zone montagne, d’égalité d’accès ! » Quand on n’évoque pas carrément les pertes de chances en raison de prises en charge tardives.
Et ce en dépit des mesures déjà prises, notamment dans la loi Montagne de 2016. Celle-ci prévoyait par exemple, dans les six mois après la publication de loi – soit au plus tard le 29 juin 2017 – un rapport « sur la juste compensation des surcoûts associés à la pratique des actes médicaux et paramédicaux en zone de montagne ». À ce jour, l’Anem n’en a pas eu connaissance.
Des prises en compte inégales par les ARS
Toujours selon la loi de 2016, les agences régionales de santé (ARS) devaient adapter les projets régionaux de santé et les schémas interrégionaux d’organisation des soins à la spécificité de la montagne. L’Anem évoque une prise en compte inégale selon les ARS. Celle d’Occitanie offre une aide de 50 000 € aux médecins qui s’installent dans l’une des 1 577 communes de montagne. L’ARS d’Auvergne-Rhône-Alpes a créé un label « Cabinet de montagne » pour les médecins généralistes pratiquant en altitude et spécialisés dans la traumatologie liée aux sports d’hiver. Elle a également mis en place des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), qualifiées par Jean-Pierre Vigier de « très importantes car l’organisation des soins est coconstruite par les professionnels de santé avec les élus. Si on veut que ça marche, il faut de la co-construction ! Il n’y a pas une solution uniforme. Il faut s’adapter aux territoires ».
En revanche, les expérimentations prévues par la loi Montagne sur la garantie aux populations d’un accès par voie terrestre aux services de santé (généraliste, urgences, maternité) dans des délais raisonnables « n’ont jamais vu le jour ». Dans les communes « France Ruralités Revitalisation » (FRR), « les médecins sont exonérés d’impôts les cinq premières années et un impôts dégressif les quatre suivantes », rappelle par ailleurs le président de l’Anem.
Maintien d'un réseau de proximité
La situation n’est toutefois pas satisfaisante pour l’association qui propose donc d’autres mesures comme le maintien d’un réseau hospitalier de proximité permettant de limiter le temps de transport. « Il faut garder un maillage territorial au moins pour les urgences et la maternité, insiste Jean-Pierre Vigier. Ces hôpitaux pourraient pratiquer les opérations en ambulatoire. C’est un service public local. Cela fait partie de l’aménagement du territoire. Et cela éviterait d’engorger les urgences des CHU. Il est également important que les hôpitaux aient des équipements de qualité pour offrir des soins de qualité comme un scanner, une IRM. Il m’est arrivé d’avoir une ARS qui refuse ces équipements ! Les élus se sont alors mobilisés. Parfois, les ARS constituent un État dans l’État ! Une seule personne peut mettre en péril un hôpital. Elles fonctionnent avec des tableurs, mais ce n’est pas de l’aménagement du territoire ! Il faudrait donner davantage de pouvoirs aux délégués départementaux des ARS », estime-t-il. L’Anem propose également la présence d’un référent montagne au sein du conseil d’administration des ARS pour qu’elles «n’imposent pas des mesures allant à l’encontre des intérêts des territoires ».
Accompagnement à l'installation des médecins
Un autre train de mesures porte sur des avantages en faveur des professionnels qui viendraient s’installer dans ces zones : guichet unique départemental d’accompagnement à l’installation, garantie de majoration des indemnités kilométriques pour les professionnels non installés en zone montagne mais qui y viendrait pratiquer des soins, développer et pérenniser les cabinets de montagne qui concentrent « une véritable expertise en traumatologie » , soutien des initiatives permettant d’accueillir les étudiants en médecine, « trop longtemps laissés de côté ». Encore faudrait-il aussi supprimer réellement le numerus clausus, souligne aussi le président de l’Anem.
« Aujourd’hui, il faut oublier [la solution] du médecin seul en zone montagne. Les maisons de santé, publiques ou privées c’est-à-dire portées par les professionnels de santé, sont aussi une bonne solution. Attention toutefois à toujours bien co-contruire avec eux pour qu’elles fonctionnent et à bien les installer sur un bassin de vie pour éviter la concurrence entre collectivités. Les permanences de quelques jours constituent aussi une piste », cite comme exemple Jean-Pierre Vigier, qui se dit défavorable à l’installation obligatoire des médecins dans les zones sous-dotées. « Ils ne resteraient pas. Mais quand un médecin souhaite s’installer, il vient avec sa famille. Son rôle va au-delà de la santé avec les patients et il fait partie d’une chaîne avec la pharmacie ». Et tout un écosystème.
L’Anem rencontre le ministre chargé de la Santé et de l'Accès aux soins, Yannick Neuder, la semaine prochaine pour lui présenter ses propositions.
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