Les députés adoptent en première lecture le projet de loi supprimant les ZFE et « amenuisant » fortement le ZAN
Par Franck Lemarc
Déposé au Sénat par le gouvernement en avril 2024 et porté par l’ancien ministre de l’Économie Bruno Le Maire, le projet de loi de simplification de la vie économique comptait à l’origine 28 articles et une trentaine de pages. Au sortir de son examen par l’Assemblée nationale, il tient sur 111 pages et compte presque 140 articles. Autant dire que les députés, d’abord en commission puis en séance, n’ont pas lésiné sur les amendements de toute sorte pour transformer un texte qui n’était déjà, à l’origine, pas très simple, en un « fourre-tout » jugé hier par certains députés eux-mêmes « totalement incompréhensible ».
« Fourre-tout »
Il serait vain de prétendre résumer ici un texte qui traite une innombrable palette de sujets, allant de l’urbanisme aux transports en passant par les installations d’énergie renouvelable, le ZAN, les antennes de téléphonie mobile, la réforme du Code de la santé, les marchés publics et même l’installation des cafés dans les petites communes. Surtout, il faudra attendre le passage de ce texte, pour en faire le bilan, en commission mixte paritaire, sans doute en juillet, voire son examen par le Conseil constitutionnel – parce que tant d’amendements divers ont été ajoutés au texte qu’il contient sans doute bon nombre de « cavaliers », c’est-à-dire de disposition n’ayant pas de rapport direct avec l’objet du texte initial.
On peut tout de même rappeler que ce texte, dans sa version issue de l’Assemblée nationale, prévoit des changements majeurs qui concernent directement les collectivités locales. Plusieurs instances sont supprimées, dont l’Observatoire nationale de la politique de la ville. Le Code des marchés publics est réformé en profondeur, notamment pour permettre la réservation de lots à des « entreprises locales » ou à des « jeunes enreprises innovantes » , ou encore pour modifier certains seuils. Le texte aborde également la question de l’assurabilité des collectivités locales, avec de nouvelles missions « d’accompagnement » données au médiateur de l’assurance et une réforme des franchises qui s’appliquent à des collectivités frappées plusieurs fois par le même aléa.
ZFE et ZAN
C’est le titre VII du projet de loi (« Faciliter l’essor des projets industriels et d’infrastructures » ) qui a le plus retenu l’attention, puisque l’examen de ce titre a permis aux députés d’infliger au gouvernement un certain nombre de défaites majeures.
Première mauvaise surprise pour le gouvernement : l’ajout d’un article 15 ter qui abroge les deux articles du Code général des collectivités territoriales rendant obligatoire l’instauration des zones à faibles émissions (ZFE) dans 42 agglomérations. Issue du Rassemblement national et des LR, cette abrogation des ZFE a également été voté par des députés de gauche, qui estiment que les ZFE constituent une forme de « ségrégation sociale », en empêchant les plus modestes d’accéder aux villes centres en voiture.
Par ailleurs, lors de l’examen du texte, les députés RN et LR ont bien failli supprimer purement et simplement le dispositif du ZAN (lire Maire info du 2 juin). Sauvé in extremis par une suspension de séance du président de l’Assemblée, le ZAN a toutefois fait l’objet de multiples amendements qui se retrouvent dans le texte final voté par l’Assemblée nationale. Au point, selon certains députés, d’être « vidé de sa substance ».
Plusieurs dérogations au principe de limitation de l’artificialisation ont en effet été adoptés : tous les projets considérés comme « d’intérêt national majeur » , mais aussi « d’intérêt communal majeur » ou « d’intérêt intercommunal majeur » sortent du décompte du ZAN. Il restera, naturellement, à définit ces notions tout à fait nouvelles d’intérêt communal et intercommunal majeur. Dans l’exposé des motifs de l’amendement qui a permis cette dérogation, il est indiqué qu’il s’agit « de permettre aux communes, intercommunalités et régions de répondre efficacement aux enjeux locaux, comme la création d'emplois et le développement d'infrastructures essentielles au développement économique ».
Autre modification profonde apportée par les députés sur le ZAN : la possibilité d’ouvrir des surfaces à l’urbanisation dans les PLU « pouvant dépasser jusqu’à 30 % l’objectif local de consommation maximal » d’espaces naturels, et ce « sans justification ». Ce qui revient, de l’aveu même de l’auteur de l’amendement, le Républicain Ian Boucard, à « considérablement amenuiser le ZAN ».
Fissures dans le « bloc central »
Le texte final, qui a fait l’objet d’un vote solennel hier, est si éloigné du projet initial que les députés du parti macroniste Ensemble pour la République ont décidé de voter contre, le jugeant, comme l’a déclaré hier la députée EPR Olivia Grégoire, « défiguré par l’extrême droite ». Au final, 64 députés EPR sur 93 ont voté contre le texte, et seulement 8 pour.
Ce vote a également creusé une brèche dans ce que l’on appelle encore le « bloc central », même si son caractère de « bloc » est de moins en moins évident : à la différence d’EPR, les députés Horizons et MoDem ont, eux, unanimement voté pour le texte, jugeant que malgré les modifications apportées au fil de son examen, il restait un texte de « simplification » utile.
Tous les partis de la gauche de l’Hémicycle (PS, PCF, écologistes et LFI) ont en revanche voté contre, jugeant que les partisans de ce texte « confondent simplification et dérégulation ».
À droite de l’Hémicycle, enfin, le texte a fait le plein des voix, avec tous les suffrages du RN, des Républicains (moins 5 absentions), et de l’UDR ciottiste.
L’interminable et chaotique parcours parlementaire de ce texte va donc maintenant se poursuivre avec une commission mixte paritaire (7 députés et 7 sénateurs), qui va, ou non, valider les mesures les plus spectaculaires de ce projet de loi notamment sur le ZAN et les ZFE. Viendra ensuite l’examen par le Conseil constitutionnel. Le texte définitif ne devrait donc pas être disponible avant la fin juillet, voire le mois d’août.
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2








