| Édition du mercredi 30 avril 2025 |
Commerce
Les enjeux du dĂ©bat sur l'ouverture des commerces le 1er-MaiÂ
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Plusieurs parlementaires, Ă l'AssemblĂ©e nationale comme au SĂ©nat, ont dĂ©posĂ© des propositions de loi visant Ă permettre Ă certains commerces d'employer des salariĂ©s les 1er-Mai. Le gouvernement se dit ouvert Ă ces initiatives, qui pourraient avoir d'importants effets de bord. Explications.Â
« Le gouvernement regardera avec beaucoup de bienveillance ces textes. » Catherine Vautrin, ministre du Travail, a clairement indiqué hier, lors de la séance de questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, que l’exécutif compte soutenir les propositions de loi qui permettraient à certains commerces de déroger à l’interdiction d’employer des salariés les 1er-Mai.
Ce sont les sénateurs Annick Billon et Hervé Marseille qui se sont emparés du problème en déposant une proposition de loi. Le député Olivier Marleix, à l’Assemblée nationale, vient lui aussi de déposer un texte, non encore publié. Ces textes répondent à une demande de la Confédération nationale de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie et de la Fédération française des artisans fleuristes, qui réclament depuis longtemps une clarification de la loi qui permettrait d’officialiser la possibilité d’employer des salariés le 1er-Mai dans ces professions.
Ce que dit (et ne dit pas) la loi
Dans une question au gouvernement posée hier, la députée LR Valérie Bazin-Malgras a affirmé : « La loi autorise un boulanger à ouvrir sa boutique [le 1er-Mai] mais lui interdit de faire travailler ses salariés »
C’est exact. Le 1er-Mai n’est en effet pas un jour férié comme les autres : c’est le seul jour « férié et chômé » de l’année, comme en dispose l’article L3133-4 du Code du travail. Il est donc interdit d’employer des salariés ce jour. Cette disposition s’applique exclusivement aux salariés et non aux employeurs : il est donc permis à un commerçant d’ouvrir sa boutique le 1er-Mai, mais pas de faire travailler un employé, même au volontariat, sous peine d’une amende de 750 euros.
Cette disposition fait naturellement l’objet de dérogations : dans certains secteurs, il est autorisé de faire travailler des salariés, à condition de les payer double ce jour-là (article L3133-6 du Code du travail). Mais c’est ici que s’ouvre le débat : dans quels secteurs ces dérogations s’appliquent-elles ?
La loi est en effet assez floue : la dérogation s’applique aux « établissements et services qui, en raison de la nature de leur activité, ne peuvent interrompre le travail ». Certains secteurs répondent de façon évidente à cette définition : la santé, les services d’urgence, les transports ou les médias. Pour les commerces, c’est nettement moins évident en revanche.
Pendant longtemps, en l’absence d’une définition normative dans la loi, il a été admis que la dérogation s’applique aux établissements qui sont autorisés à ouvrir le dimanche. Cette tolérance date d’une réponse ministérielle fort ancienne, donnée le 30 juin 1980 par le ministre du Travail à un député demandant quels sont les établissements « ne pouvant interrompre le travail le 1er-Mai ». Réponse du ministre : « Il a toujours été considéré » qu’il s’agit « des établissements bénéficiant du droit d’accorder le repos hebdomadaire par roulement ». Ce qui inclut, donc, les boulangeries. Cette réponse ministérielle a été reprise, quelques années plus tard, dans une instruction de la Directrice des relations au Travail de l’époque (une certaine Martine Aubry), datée du 23 mai 1986.
Le problème est que ni une réponse ministérielle ni une instruction émanant d’une direction générale n’ont force de loi. C’est ce qu’a rappelé la Cour de cassation, vingt ans plus tard, dans un arrêt du 14 mars 2006. La Cour jugeait du cas d’un magasin de location de DVD, qui avait ouvert un 1er-Mai, ce que la Cour d’appel avait validé en s’appuyant sur les positions ministérielles précitées. Erreur, répondit alors la Cour de cassation : la dérogation au repos du 1er-Mai pour les magasins ouverts le dimanche ne figure pas dans le Code de travail, il n’y a donc « pas de base légale » à cette dérogation. Et la Cour de cassation précisait que cette question doit être jugée cas par cas : il appartient au commerçant « d’établir que la nature de l’activité exercée ne permet pas d’interrompre le travail le jour du 1er-Mai ».
Cette décision a fait jurisprudence : en cas de contentieux, un employeur qui a fait travailler des salariés le 1er-Mai doit prouver devant la justice la nécessité de ne pas interrompre son activité ce jour. Cela peut être le cas, par exemple, pour une boulangerie qui livre des hôpitaux ou des Ehpad – illustre la Confédération nationale de la boulangerie. La Confédération, « en raison des aléas importants sur ce sujet », conseille donc à ses adhérents « de ne pas faire travailler leurs salariés le 1er-Mai », en attendant, éventuellement, que la loi évolue, ce que la profession appelle de ses vœux.
Une brèche considérable
C’est dans ce contexte que la proposition de loi sénatoriale a été déposée, le 25 avril dernier. Elle vise, selon ses auteurs, à « combler un vide juridique » et à « sécuriser juridiquement l’ensemble des professionnels concernés », tout en précisant « qu’il ne s'agit en aucun cas de remettre en cause le caractère férié et chômé de cette journée ».
Il est donc proposé de modifier l’article L3133-6 du Code du travail, relatif aux dérogations au caractère chômé du 1er-Mai. Au lieu de s’appliquer « aux établissements qui en raison de la nature de leur activité, ne peuvent interrompre le travail », Annick Billon propose d’appliquer la dérogation aux établissements « dont le fonctionnement ou l’ouverture est rendu nécessaire par les contraintes de la production, de l’activité ou les besoins du public, mentionnés à l’article L3132-12 » du Code du travail. Cet article du Code du travail est celui qui réglemente l’ouverture le dimanche.
Même si, dans l’exposé des motifs, la sénatrice ne mentionne que le cas « des boulangers et des fleuristes », on voit qu’en l’état actuel de sa rédaction, ce texte ouvrirait une brèche considérable dans le droit du travail, puisqu’il étendrait la possibilité de faire travailler le 1er-Mai à tous les établissements autorisés à ouvrir le dimanche par l'article L3132-12du Code du travail, qu’il s’agisse de grandes surfaces, de magasins de bricolage, de jardineries, et même bien au-delà : la liste des établissements pouvant ouvrir le dimanche, fixée à l’article R3132-5 du Code du travail, est fort longue, et va des garages aux musées en passant par les services de livraison, les débits de tabac ou les poissonneries.
Ce texte, comme le note l’enseignante en droit social Bérénice Bauduin sur le site du Club des juristes, amènerait « par capillarité tous les commerces (…) à revendiquer le droit de faire travailler leurs salariés » le 1er-Mai, rendant « symbolique » le caractère chômé de cette journée.
Il reste à savoir si ce texte – ainsi que celui qui a été déposé à l’Assemblée nationale – sera adopté en l’état, ou si le législateur y posera des limites plus claires… ou le rejettera. Cette dernière option est, évidemment, le souhait des syndicats, à l’instar de la CGT qui a récemment rappelé, par la voix de sa secrétaire nationale Sophie Binet, qu’il « y a 364 autres jours pour ouvrir ».
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Parlement
Accès à la santé, outre-mer, logement... : une série de textes très attendus arrive au Parlement
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De la proposition de loi luttant contre les déserts médicaux à celle simplifiant le droit de l'urbanisme, en passant par celle s'attaquant à la reconstruction de Mayotte, tour d'horizon des textes qui vont être discutés, en séance, dans les tout prochains jours au Sénat et à l'Assemblée.
Améliorer l'accès aux soins dans les territoires, relancer la construction de logements ou encore reconstruire de Mayotte… Les parlementaires s’attaquent à compter de la semaine prochaine à une série de textes très attendus ou qui touchent de près les collectivités.
Cette semaine déjà, à l'Assemblée nationale, devrait s'achever l'examen du projet de la loi simplification de la vie économique, débat dont l'un des enjeux – parmi de nombreux autres – sera de savoir si les députés valident, en séance, la suppression des zones à faibles émissions (ZFE) adoptée en commission.
Vers une autorisation d’installation pour les médecins
Sur la question de la santé et de son accès inégal dans le pays, alors que le Premier ministre vient de dévoiler sa volonté d’imposer aux médecins jusqu’à deux jours par mois de temps de consultation dans les zones prioritaires du territoire, deux propositions de loi vont être débattues.
La première – « visant à lutter contre les déserts médicaux, d'initiative transpartisane » – sera discutée par les députés le 6 mai dans le but de stopper la progression des inégalités entre territoires. Pour cela, elle propose d’orienter l’installation des médecins – généralistes et spécialistes – vers les zones ou l’offre de soins est insuffisante en créant une autorisation d’installation des médecins, délivrée par l’ARS.
« Un premier pas dans la régulation de l’installation des médecins sur le territoire », expliquent les signataires du texte qui comptent également mettre en place « une formation a minima de première année en études de médecine dans chaque département » et rétablir « l’obligation de permanence des soins ».
La seconde proposition de loi – qui vise à « améliorer l'accès aux soins dans les territoires » - sera, elle, au menu du Sénat le 12 mai prochain. Portée par la majorité LR, elle propose aussi de « conditionner l'installation des médecins libéraux à une autorisation préalable ». Celle-ci serait ainsi « conditionnée, pour les médecins généralistes exerçant en zone sur-dense, à un engagement d'exercice à temps partiel en zone sous-dense ». Et, pour les spécialistes, à « la cessation concomitante d'activité d'un médecin de la même spécialité exerçant dans la même zone ».
Le texte prévoit également de « donner la possibilité aux départements de mener une mission d'évaluation des besoins de santé sur le territoire » et d’inscrire « dans les organes de pilotage et de définition de la politique de santé un comité de pilotage comprenant les principaux acteurs de l'offre de soins et des représentants des collectivités locales ». Le but, proposer « des actions de déclinaison territoriale de la politique de santé permettant la prise en compte des besoins spécifiques à certains territoires ».
Au Sénat, trois autres textes portent sur la « profession d'infirmier » (le 5 mai) ou prévoient de « renforcer la sécurité des professionnels de santé » (le 6 mai) et de créer un « cadre d’emploi des personnels de santé des services d’incendie et de secours » (le 12 mai).
Dans le cadre de la niche parlementaire du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (Liot), les députés examineront le 15 mai deux propositions de loi « visant à lutter contre la mortalité infantile » et sur « la revalorisation des personnels exclus des accords du Ségur et Laforcade ».
Refondation de Mayotte
Toujours lors de la journée consacrée aux textes des députés Liot, ceux-ci défendront, le 15 mai toujours, deux textes visant à « étendre l'aide médicale de l'État à Mayotte » et à « prendre en compte la cherté de la vie en outre-mer dans le calcul de la retraite des fonctionnaires ultramarins ».
Surtout, le 19 mai, les sénateurs discuteront du projet de loi organique relatif au Département-Région de Mayotte et du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte. Ces deux textes comprennent de nombreuses mesures qui toucheront directement les communes de l'archipel, en matière d'urbanisme, de logement, ou encore d'école.
Ils instaureraient notamment un recensement de la population « exhaustif pour toutes les communes de Mayotte en 2025 » afin d’obtenir enfin un chiffre incontestable de la population de l’île, et donneraient la qualification de quartiers prioritaires de la politique de la ville à l’ensemble du territoire de Mayotte.
Par ailleurs, les sénateurs discuteront le 14 mai d'une proposition de loi organique modifiant une disposition du statut d'autonomie de la Polynésie française afin de « simplement mettre le droit en conformité avec la réalité ». Concrètement, ce texte prévoit de « faciliter l'intervention des communes dans certaines matières du pays en supprimant l'autorisation du Pays », comme c’est le cas actuellement.
Par ailleurs, ils examineront un projet de loi relatif au transfert à l'État des personnels enseignants de l'enseignement du premier degré dans les îles Wallis et Futuna.
Simplification des règles d’urbanisme
Soutenu par l’AMF, un texte très attendu par les communes sera, là aussi, porté par les députés Liot dont le but est de simplifier le droit de l'urbanisme et du logement.
Afin de relancer la construction de logements, ce texte du député de l’Eure-et-Loir Harold Huwart (Liot) assouplissant les procédures d'urbanisme et sera examiné le 15 mai, en séance. Il prévoit d'étendre certaines dérogations et de diminuer les recours afin notamment de faciliter l'accueil des travailleurs et la reconversion des friches.
Pèle-mèle, on peut citer le seuil d’obligation de végétaliser et d’installer des panneaux solaires sur les bâtiments publics à partir de 2028 qui passerait de 500 m² à 1 100 m², les Scot qui n’auraient plus besoin d’être mis à jour tous les six ans, ou encore le fait que ces derniers puissent être fusionnés avec les PLUi quand cela est pertinent.
Face à « l’un des pans du droit les plus contraignants et complexes pour les collectivités », l’AMF a estimé, dans un communiqué publié vendredi, que « le débat parlementaire doit permettre d'aller plus loin dans la simplification, notamment au bénéfice des petites communes ».
Ce texte arrive alors que le « choc de simplification » promis, il y a un an tout juste, par l'ancien ministre du Logement Guillaume Kasbarian n’a pas survécu à la dissolution, contrairement à la crise du logement qui frappe toujours de plein fouet les Français.
Sécurité civile, école, transport
Parmi les textes examinés dans les prochains jours, on peut signaler la proposition de loi socialiste « tendant à rétablir le lien de confiance entre la police et la population » qui sera examiné par les sénateurs le 15 mai.
Celle-ci prévoit de réduire les contrôles d'identité qui pourraient être « arbitraires », notamment en inscrivant dans la loi « l'exigence de contrôle motivé qui exclut toutes discriminations » et en imposant la délivrance d’un « récépissé de contrôle d'identité ».
La veille, les sénateurs se pencheront sur la proposition de loi portant « création d'un groupe de vacataires opérationnels et encourageant le volontariat pour faire face aux défis de sécurité civile ». Porté par les écologistes, ce texte vise à expérimenter la mise en place, sur deux ans et dans cinq départements, d'un groupe de vacataires opérationnels, « à l'image des réserves opérationnelles des autres corps de sécurité ouvert aux seuls citoyens engagés comme volontaires ». En cause, un modèle français qui est désormais « en tension » bien qu’il s’appuie aujourd'hui sur près de 240 000 sapeurs-pompiers, dont 80 % de volontaires.
Sur ce point, on peut rappeler qu’un texte des députés Horizons – adopté le 3 avril et dont le parcours législatif doit se poursuivre – souhaite développer les réserves communales de sécurité civile.
À noter la volonté de créer « une croix de la valeur des sapeurs-pompiers volontaires et professionnels » par les députés qui se prononceront le 15 mai.
Sur l’école, les députés examineront le 5 mai une proposition de loi visant à renforcer le parcours inclusif des élèves en situation de handicap, tandis que, sur le transport, ils se pencheront, le lendemain, sur un texte créant l’homicide routier et « visant à lutter contre la violence routière ». Les sénateurs s’attaqueront, le 15 mai, à la proposition de loi « relative à la raison impérative d'intérêt public majeur de la liaison autoroutière entre Castres et Toulouse » dont le chantier a été arrêté.
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Jeunesse
Contrôle des foyers pour mineurs placés : le gouvernement durcit le ton
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Alors que des révélations toujours plus sordides se font jour sur le sort de certains enfants « placés sur décision judiciaire », le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, exige un renforcement des contrôles sur les structures d'accueil.
Au début du mois d’avril, la commission parlementaire sur les manquements de la politique de protection de l’enfance rendait son rapport (lire Maire info du 9 avril) et qualifiait de « honte absolue » la situation de l’aide sociale à l’enfance – qui, dans certaines structures, semble n’avoir « d’aide » que le nom.
Le scandale de la prostitution des adolescents placés
Écho de ce rapport de 500 pages, qui décrit d’innombrables cas de maltraitance et d’abandon des enfants placés dans certaines structures de l’ASE, une nouvelle affaire est révélée ce matin par Franceinfo : dans trois départements (Bouches-du-Rhône, Yvelines et Essonne), des familles ont décidé de porter plainte contre les présidents de département pour « faute en responsabilité », dénonçant « l’inaction » de ces élus face à l’activité des réseaux de prostitution qui exploitent des adolescents, voire des enfants, placées en foyer par l’ASE. Il s’agit d’un « phénomène national », dénonce ce matin sur Franceinfo l’avocat Michel Amas : il faut que « tout le monde sache qu’ en France, à l’heure actuelle, des petits garçons et des petites filles se prostituent en très grand nombre. (…) Il n’y a pas de réaction, d’organisation de la réponse de l’État. » Et l’avocat de conclure avec cette formule terrible : « Nous livrons nos enfants aux chiens. »
Dans la même enquête, une éducatrice de Marseille, Jennifer Abitbol, affirme qu’à Marseille, « il n’y a pas un foyer où il n’y a pas de prostitution », au vu et au su de tous : « C’est filmé, il y a les voitures qui défilent avec leurs plaques. »
Cette infamie a été clairement identifiée dans le rapport parlementaire sur les manquements des politiques publiques de protection de l'enfance (pages 224 et suivantes notamment), où il est estimé qu’environ 15 000 mineurs sont victimes de prostitution au sein de l’ASE, avec un âge moyen d’entrée dans la prostitution compris « entre 11 et 14 ans ». « Les réseaux de prostitution recrutent au sein même des structures d’accueil », écrivent les rapporteurs, qualifiant les foyers de « vivier à prostitution ».
Première réponse de l’État
Est-ce une première réponse face à cette situation indigne, et à l’appel de la commission d’enquête parlementaire à ce que l’État « prenne ses responsabilités » ? Avant-hier, le garde des Sceaux Gérald Darmanin a signé une circulaire adressée aux procureurs et aux magistrats pour exiger le renforcement des contrôles des structures accueillant des mineurs placés sur décision judiciaire.
Avec, en préambule de ces instructions, un constat qui a le mérite de la franchise : « La protection de l'enfance est aujourd'hui dans une situation critique, au point de poser la question d'une défaillance de la puissance publique dans sa mission. » Il est « inacceptable », martèle le ministre, « que des mineurs placés par la Justice pour les préserver d’un danger familial soient pris en charge dans des structures qui les mettent également, voire davantage encore, en danger ».
Le garde des Sceaux ne cherche pas à se défausser sur les départements : s’il rappelle que ceux-ci sont bien les « chefs de file » en matière de protection de l’enfance, ce sont bien « les services de l’État et l’autorité judiciaire » qui sont chargés du contrôle des établissements. Les préfets, via les DDEETS (directions départementales de l'emploi, du travail et des solidarités) doivent « élaborer une stratégie de contrôle des établissements, accompagner l’action du conseil départemental en la matière et, en cas de carence manifeste de ce dernier, s’y substituer pour mettre en œuvre des contrôles ».
Gérald Darmanin demande donc que les juges des enfants « se saisissent de leurs prérogatives » et partagent les conclusions de leurs contrôles avec les procureurs de la République. Le ministre fixe le calendrier : d’ici au 30 juin, un recensement « de l’ensemble des structures existantes » devra être effectué. Puis, avant le 31 décembre prochain, il faudra procéder à la vérification de l’ensemble des habilitations des établissements de placement. Au moins une visite de chaque établissement doit être programmée, avec un objectif « minimum » de 35 visites par trimestre.
Dans les structures ayant fait l’objet de signalement ou d’alerte, le procureur de la République devra informer le préfet « afin que celui-ci puisse engager, le cas échéant, les procédures de contrôle relevant de ses prérogatives ». Si certains manquements constituent des infractions, le procureur devra « apporter les réponses pénales adaptées », demande le ministre. Le seul fait que cette précision doive être apportée souligne, à lui seul, l’ampleur du problème.
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Déchets
32,1 millions de Français ont désormais accès à une solution de tri des biodéchets
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Depuis le 1er janvier 2024, le tri à la source des biodéchets (déchets végétaux et alimentaires) et leur valorisation sont généralisés. Un an plus tard, l'Ademe publie une enquête nationale sur le tri à la source des biodéchets.
La « loi anti-gaspillage pour une économie circulaire » du 10 février 2020, dite loi Agec, prévoyait à partir du 1er janvier 2024, une obligation de proposition de collecte et de tri des biodéchets. Concrètement, communes, EPCI ou syndicats ont l'obligation depuis ce jour de proposer aux habitants une solution de collecte ou de tri (lire Maire info du 3 janvier 2024). La mise en œuvre de cette obligation peut passer par différents modèles : collecte en point d’apport volontaire, collecte grâce au porte-à-porte, tri à la source et valorisation sur place avec par exemple la mise à disposition de composteurs dans les quartiers ou chez les particuliers...
Un an après, un Français sur deux bénéficie d’une de ces solutions pour trier leurs déchets végétaux et alimentaires. C’est ce que révèle une enquête de l’Ademe publiée cette semaine sur son site internet.
Des solutions mises en place par les collectivités
« 32,1 millions de Français ont accès à une solution de tri des biodéchets, relève l’Ademe. C’est 3 fois plus qu’il y a 3 ans. » Cette progression est très positive mais il demeure que plus de la moitié des Français n’ont donc pas encore accès à une solution de tri de biodéchets aujourd’hui.
Parmi les millions de Français qui disposent d’une solution, 50 % bénéficient d’une solution de tri des biodéchets mise en place par leur collectivité, 30 % disposent de composteurs individuels ou partagés (pour les copropriétés ou les quartiers) et 20 % ont accès à une collecte des biodéchets en porte-à-porte ou via des bornes dans l’espace public. Il faut souligner que les solutions de tri mises en place varient souvent d’un territoire à un autre. L'Ademe précise par exemple que « la gestion de proximité est plutôt déployée sur des zones pavillonnaires ou en milieu rural, tandis que la collecte séparée est principalement mise en place en secteur urbain ».
Concernant l’adoption du tri des biodéchets dans le quotidien des Français – et au-delà des solutions proposées par les collectivités – 56 % des citoyens déclarent effectivement trier leurs déchets alimentaires. Parmi ces convaincus, « 37 % compostent leurs biodéchets alimentaires, dont les deux tiers se sont auto-équipés sans les services de leur collectivité », « 12 % participent à la collecte séparée des biodéchets » et « 7 % donnent aux animaux de leur foyer ».
Vers une montée en puissance du tri, sans augmentation des moyens
L’enquête de l’Ademe montre cependant que 44 % des Français déclarent ne pas trier leurs déchets alimentaires. L’Ademe identifie deux principaux obstacles à l’adoption du tri dans les foyers français : « l’absence de solution proposée par la collectivité » et « les a priori concernant le tri des biodéchets à domicile (odeurs, manque de place, travail supplémentaire…) ».
Rappelons que de nombreuses collectivités ont anticipé l’entrée en vigueur de cette nouvelle obligation mais que, pour d’autres, il est plus compliqué de se mettre en ordre de marche notamment parce que cela représente un coût non négligeable, dans un contexte de crise budgétaire. L’Ademe relevait également à l’occasion d’une autre enquête que 38 % des Français interrogés se disent insuffisamment informés sur les solutions de tri à la source. Il y a donc un vrai sujet sur la sensibilisation des citoyens au tri et cette charge pèse essentiellement, encore une fois, sur les collectivités.
Le Fonds vert doit permettre aux collectivités d'investir dans des équipements de tri à la source des biodéchets. Cependant, il a perdu cette année plus d'un milliard d’euros, après avoir subi une baisse drastique en 2025, en passant de 2,5 milliards à 1,15 milliard d’euros. En plus de cette baisse des moyens, il faut souligner que le Fonds vert n’est plus seulement destiné à soutenir les projets environnementaux des communes et EPCI, mais intègre aussi le « fonds climat territorial » (qui finance les plans climat air énergie territorial des EPCI) et l’aide aux « maires bâtisseurs » (lire Maire info de lundi).
Selon l’Ademe, depuis 2023, le montant du financement des projets permis par le Fonds vert est de 100 millions d’euros. Ces subventions soutiennent des études de faisabilité, des investissements en équipement de tri, équipement de collecte, des aides aux chargés de mission, communication, plateformes de compostage centralisé ou unités de méthanisation…). Au total, 20 millions d’habitants supplémentaires devraient bénéficier d’une solution de tri d’ici à la fin des projets financés par le Fonds vert selon les projections de l’Ademe.
L’Ademe rappelle enfin que chaque année 900 000 tonnes de biodéchets sont triés, évitant ainsi l’incinération ou l’enfouissement. Ce sont d’ailleurs les collectivités qui collectent les biodéchets contenus dans les points d’apport volontaire ou dans les bacs de collecte séparée, pour les amener dans une installation de compostage ou une installation de méthanisation. Le ministère de la Transition écologique propose aux collectivités et entreprises des ressources pour définir des solutions techniques de tri à la source des biodéchets. Une page dédiée est à consulter sur le site ecologie.gouv.fr. Les maires sont d’ailleurs toujours en attente de la publication du décret dit « décret socle », pour lequel les discussions sont engagées depuis 2019. Sa publication doit permettre une clarification du statut du digestat et les nouvelles normes des composts. Pour l’instant les collectivités sont sans réponse concernant les possibilités de retour au sol des matières organiques, notamment dans la perspective de leur valorisation avec le monde agricole.
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Cybermalveillance
Le renseignement militaire russe à l'origine de plusieurs cyberattaques contre des collectivités françaises
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Depuis 2021, plusieurs entités françaises – dont des collectivités territoriales – ont été ciblées par un mode opératoire cyber-offensif mené par un groupe appelé APT28. La France attribue publiquement ces cyberattaques au service de renseignement militaire russe.
L’Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) a publié hier un nouveau rapport dans lequel elle alerte sur la montée en puissance d’une menace pour la France analysant plusieurs attaques orchestrées par des cybercriminels durant les quatre dernières années.
L’Anssi observe en effet « entre 2021 et 2024 des attaques informatiques conduites par les opérateurs d’APT28, qui sont publiquement rattachés par différentes sources à la Russie. » Dans une vidéo publiée hier sur X par le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, les autorités françaises alertent sur la menace que constitue ce groupe de hackers russes se faisant appeler APT28, pour Advanced Persistent Threat (menace persistante avancée).
C’est la première fois que la France affirme publiquement que derrière ce groupe se cache en réalité « le service de renseignement militaire russe (GRU) » qui « déploie depuis plusieurs années contre la France un mode opératoire cyber-offensif », a indiqué hier Jean-Noël Barrot, chef de la diplomatie française. « Par le passé, ce mode opératoire a également été utilisé par le GRU dans le sabotage de la chaîne de télévision TV5Monde en 2015, ainsi que dans la tentative de déstabilisation du processus électoral français en 2017 », peut-on lire sur le site du ministère des Affaires étrangères.
Actif depuis 2004, le mode opératoire de ce groupe « est attribué publiquement par l’Union européenne à la Russie », rappelle l’Anssi, et « est régulièrement employé pour cibler des organisations gouvernementales et militaires, ainsi que les secteurs de la défense, de l’énergie et des médias, notamment en Europe et en Amérique du Nord. » Depuis 2021, plusieurs entités ont été ciblées ou compromises, et notamment des collectivités territoriales.
APT28 : une menace pour les collectivités souvent cibles d’hameçonnage
De plus en plus actif depuis « la guerre d’agression déclenchée par la Russie contre l’Ukraine le 24 février 2022 », ce groupe met en œuvre des « attaques informatiques à des fins de collecte de renseignement contre des entités ukrainiennes » mais aussi européennes.
Au début de la chaîne de compromission, les cyber-assaillants « conduisent ainsi des campagnes d’hameçonnage, d’attaques par force brute notamment contre des messageries web (webmails), et d’exploitation de vulnérabilités ». L’Anssi observe aussi la « compromission d’équipements situés en bordure de systèmes d’information et généralement peu supervisés » notamment via les routeurs, VPN, passerelles, serveurs de messagerie, et pare-feux.
« Certaines campagnes, lors desquelles les attaquants chercheraient à collecter des informations stratégiques (conversations, carnets d’adresses, authentifiants de connexion) », indique l’Anssi. Par exemple, depuis le début de l’année 2023, les hackers ont conduit des campagnes d’hameçonnage visant à rediriger des utilisateurs des services de messagerie Yahoo vers des fausses pages de connexion afin de voler leurs identifiants. Les hackers sévissent aussi en « s’appuyant sur l’utilisation de services web gratuits ». « Ces campagnes consistaient à envoyer des courriels d’hameçonnage contenant un lien de redirection vers un sous domaine pour délivrer des archives ZIP malveillantes ».
Ces campagnes menées depuis 2021 ont ciblé ou compromis plusieurs organisations françaises parmi lesquelles : des entités ministérielles, des collectivités territoriales et des administrations ; des entités du secteur e la base industrielle et technologique de défense ; des entités du secteur de l’aérospatial ; des entités du secteur de la recherche et des groupes de réflexions (think-tank) et des entités du secteur de l’économie et de la finance. Ainsi, les acteurs sont invités plus que jamais à redoubler de vigilance ce qui passe forcément par une montée en puissance du niveau de cybersécurité de toutes les entités, et surtout des collectivités. Le gouvernement indique être résolu à « employer l’ensemble des moyens à sa disposition pour anticiper les comportements malveillants de la Russie dans le cyberespace, les décourager et y réagir le cas échéant ».
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A nos lecteurs
Maire info fait le pont
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Maire info ne paraîtra pas le vendredi 2 mai.
Maire info ne paraîtra pas le vendredi 2 mai. La rédaction donne rendez-vous à ses lecteurs le lundi 5 mai.
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Journal Officiel du mercredi 30 avril 2025
Ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles
Ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles
Ministère de la Transition écologique, de la Biodiversité, de la Forêt, de la Mer et de la Pêche
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