| Édition du jeudi 28 septembre 2023 |
Déchets
Consigne sur les bouteilles plastique : les associations d'élus enfin entendues
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Le gouvernement renonce à imposer la consigne sur les bouteilles plastique, qui était combattue par toutes les associations d'élus. C'est la principale annonce faite, hier, par Christophe Béchu aux Assises des déchets, à Nantes.
« Force est de constater que la mise en place d’une consigne généralisée et immédiate ne remporte pas la pleine adhésion dont nous avons aujourd’hui besoin », reconnait Christophe Béchu. Le ministre a le sens de la litote : dire que le dispositif « ne remporte pas la pleine adhésion » est en effet le moins que l’on puisse dire, toutes les associations et réseaux d’élus, AMF et Amorce en tête, étant vent debout contre ce dispositif depuis qu’il a été sorti du chapeau, il y a déjà plusieurs années, par le gouvernement. Celui-ci les a donc entendues.
Les associations vent debout
Cela ressemble donc à la conclusion d’un long débat qui oppose, depuis 2019, l’exécutif et les associations d’élus (auxquelles s’est joint notamment le Cercle national du recyclage). D’un côté, le gouvernement – et, derrière lui, les industriels de la boisson – qui voulait imposer la consigne sur les bouteilles plastique, c’est-à-dire le fait d’installer des dispositifs de collecte dans les commerces dans lesquels les consommateurs seraient venus déposer leurs bouteilles vides contre quelques centimes. De l’autre, les associations d’élus, totalement opposées à ce dispositif qui aurait risqué « d’assécher » la collecte en bacs jaunes, alors que beaucoup d’entre elles ont procédé à de très lourds investissements pour développer leurs centres de tri.
Cette idée de consigne sur les bouteilles plastique, qualifiée au mieux de « fausse bonne idée » par le Sénat et plus simplement de « parfaitement stupide » par un certain nombre d’élus, aurait également eu de réels impacts sociaux : le consommateur aurait été amené à payer deux fois – une fois via la TEOM ou la REOM, et une fois avec la consignation, puisque les bouteilles consignées sont plus chères. Elle aurait, en outre, complexifié le geste de tri, alors que depuis des années, les collectivités font d’importants efforts pour inciter les consommateurs à tout simplement jeter leurs bouteilles dans les bacs jaunes.
Rappelons également que les associations d’élus ne sont pas pour le statu quo : elles ont pris la peine, dans un document très argumenté publié récemment, de formuler « 14 propositions pour atteindre l’objectif de 90 % de collecte pour le recyclage des bouteilles en plastique ».
« Leviers » et bonus-malus
Présent hier aux Assises des déchets à Nantes, le ministre de la Cohésion des territoires et de la Transition écologique, Christophe Béchu, a été clair : « Nous n’allons pas mettre en place la consigne généralisée. » Ou du moins pas maintenant. Au contraire, le ministre a assuré qu’il entendait « laisser le choix des moyens » aux collectivités pour atteindre les objectifs.
Deux moyens vont être déployés pour inciter davantage les collectivités retardataires à agir – le ministre ayant reconnu que certaines d’entre elles sont particulièrement performantes, avec des taux de recyclage supérieurs à 90 %. Mais certaines, notamment en Île-de-France et en Paca, plafonnent à « moins de 30 % ». Le gouvernement souhaite donc « mobiliser les 11 leviers identifiés par l’Ademe » pour aller vers les 90 % de recyclage. Ces leviers, listés dans un document de synthèse disponible sur le site de l’Ademe, vont de la mise en place de la tarification incitative (de loin le plus efficace des leviers selon l’Ademe) à l’extension des consignes de tri pour tous les emballages, en passant par « la densification des points d’apport pour la collecte de proximité », « l’amélioration du service de collecte en porte à porte » ou « le développement du tri sur l’espace public ».
Par ailleurs, le ministre a déclaré, ce qui devra désormais être précisé, qu’il souhaite la mise en place d’un dispositif de « bonus-malus » appliqué aux collectivités. Ce que l’on en comprend, c’est qu’un malus financier pourrait être appliqué aux collectivités qui n’atteignent pas les objectifs qui seraient fixés dans un « protocole national ». Ce bonus-malus pourrait, a détaillé Christophe Béchu, jouer sur le taux de TGAP, voire sur les dotations. Il compte engager des discussions à ce sujet avec les associations d’élus dès la fin de l’année, pour « une application en 2024 ». Le ministre n’a pas donné d’autres précisions, assurant seulement que le dispositif serait « progressif ».
Reste que les associations devront rester vigilantes. La consigne sur les bouteilles plastique avait déjà été enterrée en 2019, pour refaire brusquement surface cette année. Rien ne dit que le recul du gouvernement soit définitif. D’ailleurs, le ministre lui-même a évoqué la poursuite « d’études » sur une éventuelle « régionalisation » de la consigne, sans que l’on sache bien, à cette heure, de quoi il pourrait bien s’agir.
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Budget de l'état
Programmation budgétaire : Elisabeth Borne déclenche de nouveau le 49.3
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La Première ministre a mis rapidement fin, hier, aux débats ayant cours sur la trajectoire budgétaire des prochaines années, alors que son gouvernement avait annoncé qu'il proposerait, en séance, que l'effort demandé aux collectivités soit trois fois moins important que celui demandé à l'Etat.
Elisabeth Borne renoue avec le « 49.3 ». Peu avant minuit hier soir, et après seulement un peu plus de deux heures d’examen en séance du projet de loi de programmation des finances publiques (PLPFP) pour les années 2023 à 2027, la Première ministre a fait irruption pour dégainer cet article de la Constitution qui doit lui permettre de faire passer ce texte sans vote.
Une première depuis sa dernière utilisation lors de la réforme des retraites, il y a six mois, mais pas vraiment une surprise puisque son gouvernement avait déjà entériné cette possibilité, le matin même, en Conseil des ministres.
Un texte « indispensable »
« Après avoir écouté les uns et les autres, je constate qu’au-delà de la majorité présidentielle, aucun groupe n’est prêt à voter ce texte essentiel pour notre pays », a expliqué la cheffe de l’exécutif, sous les rires et les huées des députés d’opposition. « Nous avons besoin de cette loi de programmation de nos finances publiques. Nous ne pouvons pas prendre le moindre risque », a-t-elle assuré, avant d'engager la responsabilité de son gouvernement sur « l’ensemble du projet de loi ».
Une mesure de précaution qui arrive alors que le texte a déjà été rejeté par les députés - puis la commission mixte paritaire - l’an passé, lors de sa première lecture. Un nouvel échec serait donc problématique d’autant que ce projet de loi s’avérerait « indispensable », selon le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, en début de séance. « C’est un texte indispensable à la crédibilité budgétaire de la nation française […] par rapport au marché », dans un contexte de taux d’intérêts élevés, mais aussi « par rapport aux autres Etats de la zone Euro qui, tous, ont déjà adopté une trajectoire pluriannuelle de réduction de leur dette et de leur déficit », a-t-il justifié.
En jeu, d’après lui, près de 18 milliards d’euros pour les caisses de l’Etat. « De ce texte dépend le décaissement de deux aides européennes, de 10,3 milliards d’euros en 2023 et 7,5 milliards d’euros que nous devrions recevoir avant la fin 2023 et en 2024. Et je veux être clair : sans loi de programmation des finances publiques, il n’y aura pas de décaissement », a prévenu le ministre de l’Economie, reprenant l’argument que la majorité présidentielle et l’exécutif déploient depuis l’an passé.
Mais comme en 2022, les oppositions ont rejeté cet argumentaire. « Rien ne permet d'affirmer que l'absence d'adoption serait un motif seul de blocage des versements », a estimé le président de la commission des Finances Eric Coquerel (LFI) qui a enjoint le gouvernement à « modifier sa politique budgétaire pour trouver une majorité ». « Soumettre le décaissement des crédits européens au vote d'une loi découle du seul engagement du gouvernement qui ne sait plus comment faire », a de son côté fait valoir la députée socialiste du Tarn-et-Garonne Valérie Rabault.
Limitation des dépenses des collectivités
S’il s'agit du 12e recours au « 49.3 » de la part d’Elisabeth Borne depuis le début de la législature, ce n’est vraisemblablement que le premier d’une longue série automnale. Sauf succès peu probable de la motion de censure déposée, dans la foulée, par 146 députés et qui permettrait au passage de renverser le gouvernement, le texte sera donc considéré comme adopté dans les prochains jours.
Quelques minutes avant l’intervention de la Première ministre, la majorité avait d’ailleurs réussi à esquiver, par 175 voix contre 119, une motion de rejet préalable au texte (déposée par le député socialiste Boris Vallaud) grâce soutien des Républicains.
Reste que ce texte, qui avait fait couler beaucoup d’encre l’an passé, est particulièrement important pour les collectivités puisqu’il fixera leur trajectoire budgétaire pour les quatre prochaines années.
Initialement, il devait leur imposer, de manière coercitive - à travers des « contrats de confiance » s’apparentant aux contrats de Cahors - , une limitation de leurs dépenses de fonctionnement « à un rythme inférieur de 0,5 point au taux d’inflation ». Le but étant toujours le même : les voir participer à l’effort de redressement des finances publiques.
Si le dispositif contraignant a été désormais abandonné par l’exécutif, l’objectif de réduction des dépenses de fonctionnement des collectivités était encore fixé à hauteur de « - 0,5 % par an par rapport à l’inflation prévisionnelle ».
Mais le gouvernement s’était engagé, dans un communiqué publié mardi, après l’adoption en nouvelle lecture du projet de loi par la commission, de « proposer à l’Assemblée nationale, en séance publique, que l’effort demandé aux collectivités soit trois fois moins important que celui demandé à l’Etat ». Concrètement, « la dépense primaire de l’Etat devra ainsi reculer en moyenne de - 0,9 % par an en volume entre 2023 et 2027, contre - 0,3 % par an pour les collectivités », expliquait-il. Une annonce qui vient rappeler une indiscrétion qui avait déjà fuité dans Les Echos la semaine dernière.
Dans l'attente de la publication du texte adopté, on ne sait donc pas encore clairement ce que le gouvernement a décidé en la matière. Maire info reviendra donc sur ce point dans les jours à venir.
« Manque d’ambition et de crédibilité » pour le HCFP
Plus globalement, ce texte prévoit notamment de ramener le déficit public de 4,8% du produit intérieur brut (PIB) en 2022 à « 2,7 % » en 2027, sous l'objectif européen de 3 %, mais aussi d’« accélérer le désendettement pour revenir à 108,1 % de dette publique » (la limite européenne étant de 60 %) et de « réduire le taux de prélèvement obligatoire de 45,4 à 44,4 points ».
Une trajectoire qui avait d’ailleurs été jugée, en début de semaine, « peu ambitieuse par rapport aux engagements européens » et basée sur des hypothèses de croissance « optimistes » par le Haut conseil des finances publiques (HCFP). Elle « manque encore à ce jour, à notre sens, de crédibilité », avait ainsi taclé son président, Pierre Moscovici.
A noter que, en examinant ce texte en session extraordinaire, le gouvernement a réussi à manœuvrer pour disposer encore de la possibilité d’utiliser un « 49.3 » pour la session ordinaire qui s'ouvre lundi. Pour rappel, l’exécutif ne peut dégainer cet article de la Constitution que sur un seul texte par session, hors budgets de l'Etat et budget de la Sécurité sociale, sur lesquels il peut engager sa responsabilité autant de fois qu’il le souhaite.
Consulter le dossier législatif du PLPFP 2023-2027.
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Ecole
Le gouvernement engage « une lutte implacable » contre le harcèlement scolaire
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La Première ministre a présenté, hier, le plan du gouvernement contre le harcèlement scolaire. Les collectivités, « véritables alliés de la lutte contre le harcèlement », seront associées à ce plan.Â
Après plusieurs cas de jeunes poussés au suicide par le harcèlement subi à l’école, le gouvernement a décidé de lancer une vaste campagne d’action pour détecter, prévenir et punir le harcèlement.
Le scandale provoqué par la lettre envoyée par le rectorat de Versailles à des parents qui dénonçaient le harcèlement subi par leur enfant a certainement accéléré les choses. Cette lettre, où le rectorat se montrait menaçant et méprisant à l’égard des parents et niait tout problème, alors que l’enfant a mis fin à ses jours quelques semaines plus tard, a été qualifiée de « honte » par le ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal. Le gouvernement a souhaité très ostensiblement changer de braquet en faisant procéder, quelques jours plus tard, à l’arrestation d’un jeune harceleur en pleine classe, dans le Val-de-Marne, sorti de la classe menottes aux poignets.
Phénomène en hausse
Dans son discours de présentation, hier, Élisabeth Borne a qualifié le harcèlement de « phénomène massif » : « un million d’enfants ont subi du harcèlement au cours des trois dernières années ». Les tentatives de suicide chez les jeunes de moins de 15 ans ont augmenté de 300 % ces dix dernières années.
« Le harcèlement, ce sont des jeunes que la bêtise et la haine ont poursuivi à l’école, dans leurs clubs de sport, dans leurs loisirs, et souvent jusqu’à chez eux sur les réseaux sociaux. Ce sont des enfants, parfois visés en raison de leur handicap, de leur surpoids, de leur orientation sexuelle ; parfois pour un trait physique ou de caractère. Ce sont des parents confrontés à la pire des douleurs, et qui ont le sentiment de s’être battus sans avoir été écoutés. » Le gouvernement a donc décidé de « mener une lutte implacable » contre ce phénomène, qui se traduit par un « plan d’actions global et interministériel », présenté hier.
Rappelons que déjà, au mois d’août, le gouvernement avait publié un décret permettant d’inscrire d’office un élève harceleur dans un autre établissement, après autorisation du maire.
Prévention et détection
Le plan gouvernemental a été qualifié par la Première ministre de « 100% prévention, 100% détection, 100% solutions. »
Pour faciliter la prévention et la détection, le gouvernement mise sur la formation : celle de « tous les personnels à tous les échelons de l’Éducation nationale », mais aussi celle « des professionnels et des collectivités », en particulier les intervenants dans les activités périscolaires. « Sur chaque territoire, les collectivités et les partenaires associatifs sont de véritables alliés de la lutte contre le harcèlement », peut-on lire dans le dossier de presse du gouvernement, qui mentionne par exemple « les nombreuses municipalités (qui) se mobilisent avec les écoles et établissements scolaires de leur secteur pour produire des affiches et des vidéos de sensibilisation ».
Une vaste campagne de sensibilisation va être menée à partir du 9 novembre prochain, avec notamment la diffusion d’un spot télévisé et de messages dans la presse et par affiches. Il s’agira notamment de faire connaître le nouveau numéro unique, le 3018, dédié aux signalements du harcèlement.
Pour permettre une détection plus large, il va être mis en place un questionnaire qui devra être rempli chaque année par « tous les élèves, dès le CE2 ».
Des « interlocuteurs dédiés », spécialement formés, seront désignés au sein de la police et de la gendarmerie nationales, ainsi que dans les parquets. La Première ministre va prochainement diffuser une circulaire pour détailler ce dispositif.
« Solutions »
Le gouvernement a créé, a expliqué la Première ministre, un nouvel Office des mineurs, « qui va produire une doctrine nationale claire et unique pour améliorer la prise en compte des plaintes et la conduite les enquêtes en matière de harcèlement ». Outre la possibilité nouvelle de faire changer d’école un élève harceleur, le gouvernement travaille à des dispositifs permettant notamment de lutter contre le cyberharcèlement sur les réseaux sociaux : un harceleur pourrait désormais être exclu pendant six mois à un an du réseau social sur lequel a été commis le délit, et une peine de confiscation du téléphone est en train d’être créée – ce qui suppose une disposition législative. Les harceleurs se verront, selon la gravité des faits, appliquer des peines allant de « stages de citoyenneté » à 10 ans de prison pour les cas les plus graves.
Enfin, pour soutenir les victimes, le gouvernement entend faciliter les conditions d’accès au dispositif « Mon soutien psy », en augmentant notamment le nombre de séances prises en charge par l’Assurance maladie. « La santé mentale des jeunes victimes de harcèlement, et plus généralement de tous les jeunes, est une priorité : nous y veillons », a conclu la Première ministre. Une formule qui fera certainement tiquer les professionnels de la santé mentale, qui ne cessent, depuis des années, de dénoncer la diminution constante et dramatique des moyens alloués à cette branche de la médecine.
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Parlement
Une proposition de loi transpartisane pour rétablir la réserve parlementaire
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Plus d'une centaine de députés soutiennent une proposition de loi pour le rétablissement de la « réserve parlementaire » au profit des petites communes et des associations. Ses auteurs l'ont présentée, hier, lors d'une conférence de presse.
C’est en 2017 que la « réserve parlementaire » a été supprimée, dans le cadre de la loi pour la confiance dans la vie politique. Pour mémoire, il s’agissait d’une fraction du budget de l’État, dans la mission « Relations avec les collectivités territoriales », répartie entre tous les députés et les sénateurs, et que ceux-ci pouvaient utiliser pour soutenir des projets de leur choix. Chaque député disposait ainsi de 130 000 euros par an, et chaque sénateur de 150 000 euros, soit un budget total d’environ 56 millions d’euros par an.
Depuis les années 2000, ce dispositif a été critiqué, car jugé trop peu transparent : il a fallu attendre 2011 pour que les montants alloués par les parlementaires et leur destination soient rendus publics. Mais cela n’a pas suffi : les accusations de « clientélisme » ont finalement conduit les parlementaires à voter, en août 2017, la suppression de ce dispositif. Cette suppression a été très partiellement compensée par la création du FDVA (Fonds de développement de la vie associative) – nettement moins doté – et par une augmentation de la DETR (dotation d’équipement des territoires ruraux). Autant de dispositifs qui, cette fois, n’étaient plus à la main des parlementaires mais à celle des préfets.
Des projets « sous les radars »
Trois députés (respectivement LR, Renaissance et Horizons) ont déposé au début de l’année dernière une proposition de loi pour demander le rétablissement de la réserve parlementaire. Dino Cinieri, Frédéric Descrozaille et André Villiers ont été rejoints par plus de 140 autres députés qui ont accepté de cosigner le texte, donnant à celui-ci un caractère particulièrement transpartisan, de la France insoumise au Rassemblement national.
L’argument principal mis en avant par les « trois mousquetaires » à l’initiative de ce texte, comme ils se baptisent eux-mêmes, est que la suppression de la réserve parlementaire a encore un peu plus coupé les liens entre les parlementaires et le « terrain », après la loi sur le non-cumul des mandats. Par ailleurs, ils estiment que les projets susceptibles d’être soutenus via la réserve parlementaire sont souvent « sous les radars », trop modestes pour attirer l’attention des préfets (on parle en général de quelques milliers d’euros au maximum). D’autant que les porteurs de projets, souvent de petites associations locales ou des petites communes rurales, n’ont « ni l’envie ni les moyens » de constituer un lourd dossier FDVA ou DETR.
Guy Geoffroy, présent hier à la conférence de presse en qualité de vice-président de l’AMF pour apporter le soutien de l’association à cette initiative parlementaire, a évoqué quelques projets qu’il a soutenus lorsqu’il était député : 1 500 euros pour l’association des chiens-guides d’aveugles, ou encore « un petit sou pour aider une interco à acheter des costumes pour la fanfare qu’elle voulait créer ». Le maire de Combs-la-Ville a vivement rejeté le fait que la démarche pût être « clientéliste ». « En tant que président du groupe d’amitié franco-slovène, j’ai aidé grâce à la réserve parlementaire un lycée de Lubiana à acheter quelques ordinateurs… Je ne sache pas que les parents d’élèves de Lubiana aient été électeurs de ma circonscription », a raconté en souriant Guy Geoffroy.
Plutôt qu’une enveloppe « discrétionnaire » que les parlementaires pouvaient distribuer à tort et à travers, la réserve parlementaire était, comme l’a dit une députée intervenue hier, « une subvention de l’État à l’initiative des parlementaires ».
Transparence
C’est bien sous cet angle que la voient les signataires de la proposition de loi. Ils insistent sur la nécessaire « transparence » du dispositif : ils proposent que toutes les informations sur les bénéficiaires soient publiées au Journal officiel, et que ceux-ci « rendent des comptes sur l’avancement du projet avec des indicateurs précis de coûts, de délais, de qualité, d’efficacité et de progression ».
La proposition de loi dispose que la réserve parlementaire serait rétablie uniquement pour financer les projets associatifs et ceux « des communes de moins de 18 000 habitants ». On peut, en passant, s’interroger sur ce seuil, qui ne correspond à aucun des seuils officiels figurant dans le CGCT.
Plusieurs sénateurs ont déjà dit leur soutien à ce texte. Les signataires espèrent qu’il rencontrera un large soutien de leurs collègues, y compris chez ceux qui avaient voté la suppression de la réserve en 2017. D’ailleurs, l’un des auteurs du texte, Frédéric Descrozaille, a très naturellement reconnu hier qu’il avait personnellement voté la fin de la réserve parlementaire. « J’ai changé d’avis », a-t-il déclaré, convaincu que bien d’autres parlementaires le feront également, étant quotidiennement sollicités pour soutenir « des projets à 1 500 ou 2 000 euros ».
Les signataires espèrent pouvoir inscrire leur proposition de loi dans une niche transpartisane, dès cet automne.
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Transports
À Saint-Malo, les régions au pied du mur pour financer leurs transports
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Appelées à se mobiliser pour décarboner les déplacements des Français, les régions, réunies en congrès à Saint-Malo, s'inquiètent d'un mur de financement impossible à surmonter, entre RER métropolitains et « pass Rail », sans voir venir la « nouvelle donne ferroviaire » de 100 milliards d'euros promise par Élisabeth Borne.
Vingt ans après la décentralisation des trains express régionaux (TER), les transports sont aujourd’hui le premier budget des régions, avec 7,9 milliards d’euros de dépenses de fonctionnement en 2022, soit un tiers des dépenses totales. Mais les défis sont nombreux, entre bond de la demande depuis le Covid, annonces inopinées du gouvernement sur le pass Rail et les RER métropolitains, et lignes vieillissantes.
« On a le plus vieux réseau ferré d’Europe. Si on veut continuer à faire rouler des trains, il faudra investir énormément », avertit Michel Neugnot, vice-président chargé des mobilités au Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté. L’élu PS voit non seulement arriver « un mur d’investissement » sur les infrastructures mais aussi un « mur financier » sur les dépenses de fonctionnement. « Il y a une appétence très forte des Français pour le train, mais plus il y a de trains et plus ça coûte cher en fonctionnement puisque le billet du voyageur ne représente que 25 % à 30 % du coût réel », rappelle-t-il.
Hors Île-de-France, les régions ont transporté 1,15 million de voyageurs par jour dans les TER en 2022, 1,8 million d’élèves par autocars et 250 000 voyageurs par cars interurbains. En Île-de-France, 9,4 millions de trajets sont réalisés quotidiennement.
Mardi, l’État et Ile-de-France Mobilités (IDFM) ont justement conclu un accord pour financer les transports franciliens jusqu’en 2031. « Pourquoi ne pas faire pareil pour les autres régions ? », interroge Franck Leroy, président centriste du conseil régional du Grand Est.
« Aucun sens »
L’État a certes annoncé un financement de 8,25 milliards d’euros sur les mobilités pour 2023-2027 dans le cadre des contrats de plan État-Région.
Sur ce total, entre 700 et 800 millions devraient financer la construction de 13 RER métropolitains, dont le coût global est lui-même chiffré à plus de 10 milliards d’euros. Mais cette enveloppe « ne permet pas de répondre à tous les besoins recensés par les régions », a fait savoir la présidente de Régions de France – et du conseil régional d’Occitanie – Carole Delga (PS), dans un courrier adressé fin juillet à la Première ministre.
Les régions se plaignent aussi de l’augmentation continuelle des péages, les droits de circulation des trains qu’elles versent à SNCF Réseau. « Nous sommes à + 8 % par an. Pour nous c’est extrêmement dissuasif car plus on met de trains en circulation, plus on paye », résume Franck Leroy.
Une des solutions pourrait être, selon lui, l’accès des régions au versement mobilité, une taxe sur la masse salariale des entreprises que touchent déjà les intercommunalités et IDFM. « Il faut revoir de fond en comble la fiscalité des régions en matière de mobilités qui n’a plus aucun sens », plaide Michaël Quernez (PS), vice-président du conseil régional de Bretagne. « Nous n’avons pas de levier fiscal, seulement deux ressources que sont les cartes grises et la TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, ndlr) mais les deux baissent et montrent surtout qu’on a plus intérêt à faire rouler des SUV que des trains », poursuit-il.
Comité État-regions
Un premier « comité État-Régions » s’est tenu mercredi à Saint-Malo, en présence du ministre des Transports Clément Beaune. Il a officiellement lancé la concertation sur la mise en œuvre du « pass Rail», cet abonnement illimité et peu cher, sur le modèle allemand, qui serait destiné à tous les voyageurs.
À ce sujet, la présidente LR du conseil régional d’Île-de-France, Valérie Pécresse, a réitéré mardi son opposition, jugeant le pass allemand de 49 euros « impossible ». « Évidemment, il faut que le système soit national », a répondu Clément Beaune, assurant que l’État « prendra sa part » du financement.
Carole Delga a salué une réunion « très riche ». S’il n’y a pas de « choc d’investissement (...), la moitié des lignes ferroviaires (...) vont fermer d’ici cinq ans parce que les conditions de sécurité ne seront plus remplies », a-t-elle prévenu.
Clément Beaune a également reconnu la nécessité d’un « choc de l’offre » (par l’investissement). Il s’est dit par ailleurs « confiant » dans la conclusion des contrats de plan État-Région « d’ici la fin de l’année » et « ouvert » à une discussion sur « les modes de financement » du ferroviaire.
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Journal Officiel du jeudi 28 septembre 2023
Ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire
Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires
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