Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 2 février 2023
Territoires

ANCT : les propositions du Sénat pour améliorer une agence « mal connue » et « mal comprise » par les élus

La Délégation aux collectivités territoriales du Sénat rend public aujourd'hui son rapport d'information sur la perception, par les élus locaux, de l'Agence nationale de cohésion des territoires. Le bilan est plutôt négatif, et les sénateurs font plusieurs propositions pour améliorer la situation.

Par Franck Lemarc

Peu connue, mal connue, majoritairement perçue comme « inadaptée », « inefficace »  et « bureaucratique » … Les résultats de l’enquête menée par les sénateurs Charles Guené et Céline Brulin auprès des élus et de leurs associations ne sont pas très réjouissants pour l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), créée il y a maintenant trois ans. Pourtant, l’idée même de cette création venait des associations d’élus puisque, rappelons-le, elle émanait de François Baroin, alors président de l’AMF. 

Une Agence mal connue et mal comprise

C’est d’abord un déficit de notoriété que constatent les sénateurs : 52 % des élus qui ont répondu à l’enquête du Sénat avouent ne pas connaître l’ANCT, et les trois quarts n’y avoir jamais fait appel. Les services préfectoraux eux-mêmes, d’ailleurs, avouent qu’il y a « des marges de progrès »  en la matière. Même les élus qui connaissent l’Agence « peinent à comprendre son fonctionnement »  et son rôle, et notamment à différencier son action de celle des autres opérateurs de l’État comme l’Ademe ou le Cerema. 

Exception à ce constat : les sénateurs notent que l’ANCT est en revanche bien connue chez ceux qui ont bénéficié de ses programmes, en particulier les collectivités incluses dans un programme national du type Petites villes de demain ou Action cœur de villes. 

Logique « descendante » 

Mais le constat est là : « les élus auditionnés ont été majoritairement critiques sur l’action de l’ANCT ». Les adjectifs majoritairement utilisés pour qualifier l’Agence sont surtout négatifs (« en silo, cloisonnée, inefficace, abstraite, complexe, inadaptée » ). 

L’une des principales critiques rencontrées par les sénateurs est le caractère trop « descendant »  des interventions de l’Agence. Derrière « le discours bien rôdé sur le ‘’cousu main’’ », notion chère à l’ancienne ministre de la Cohésion des territoires Jacqueline Gourault, les élus estiment globalement que l’Agence « n’est pas assez attentive aux démarches existantes », voire « ignore les dynamiques locales ». Témoin cette déclaration lapidaire d’un maire, reprise dans le rapport : « L’ANCT ne considère pas les territoires comme des territoires mais comme un lieu d’atterrissage de dispositifs nationaux silotés ». 

La centralisation, le caractère « trop peu concerté », le manque de dialogue voire le « passage en force »  sur certains sujets comme les CRTE, sont également pointés par les élus. 

Enfin, de nombreux élus ont estimé lors de l’enquête que la promesse de « simplification », qui était « l’une des vocations »  de l’Agence, n’a pas été tenue. « On avait promis aux élus la simplification des démarches pour accéder à l’ingénierie, et à ce stade, c’est une nouvelle strate un peu opaque qui s’est ajoutée », a par exemple écrit un maire dans une contribution. « L’espoir de simplification s’est transformé en sentiment de complexification », notent les sénateurs, qui ajoutent que « globalement les élus ont le sentiment de complexité, de lourdeur et de bureaucratie »  sur toutes les missions de l’ANCT. 

Le relais des associations d’élus

Pour autant, les sénateurs n’enterrent pas l’ANCT, bien au contraire. Ils se livrent à un certain nombre de propositions pour la redynamiser et lui permettre de retrouver le rôle qui devrait être le sien. 

Leur conviction, écrivent-ils, « c’est que l’ANCT ne pourra réussir qu’au niveau local, dans la proximité avec les élus », et dans une démarche de réelle « confiance ». De nombreux élus demandent un véritable contact humain avec l’Agence – « il faut des gens en face des flyers », dit un maire ; « une agence doit être incarnée par des hommes et des femmes », complète un autre. Les rapporteurs préconisent donc l’organisation de « temps d’échange »  avec les élus, si possible non dans des préfectures mais dans les collectivités elles-mêmes. 

Ils prônent également un engagement beaucoup plus important des préfets et des sous-préfets d’arrondissement et le « doublement »  des délégués territoriaux de l’Agence. 

Autre proposition : faire en sorte que l’Agence s’appuie davantage sur les associations d’élus, en tant que « relais », et en particulier les associations départementales de l’AMF. 

Faciliter l’ingénierie locale

Pour les sénateurs, l’ANCT doit à présent se concentrer sur l’accès des élus locaux à l’ingénierie : « Il est stratégique, pour la cohésion du pays et la réussite des grandes transitions, que les territoires soient dotés d’un socle minimal d’ingénierie nécessaire à l’exercice de leurs compétences, au montage de leurs projets, à la recherche de financements et leur permettant d’accéder à une ingénierie de second niveau. »  L’ANCT pourrait contribuer à « recenser »  les capacités d’ingénierie locale, mission qui pourrait être réalisée d’ici à l’été prochain. Mais l’Agence pourrait également permettre de « financer les acteurs locaux »  en matière d’ingénierie, quitte à doter pour cela les préfets d’enveloppes nouvelles, crédits qui permettraient de « lancer des diagnostics, des études, de réaliser de la prospective sur des sujets d’intérêt locaux, de façon complémentaire, avec les besoins des collectivités ». 

Les rapporteurs préconisent également que l’ANCT pilote des formes de « mutualisation de l’ingénierie »  entre collectivités – comme elle l’a d’ailleurs déjà fait, mais de façon « incomplète », dans la Creuse. 

Simplifier

Enfin, dans le but de « consolider et simplifier l’existant », les sénateurs proposent que l’ANCT se livre à « un travail en interne pour réinterroger son action », dans une approche « plus collective, transversale et moins en silo ». 

Plusieurs propositions concrètes sont faites dans le rapport : travailler de façon à proposer aux élus « un dossier unique de demande de financements pour leurs investissements », mettre en place des procédures « différenciées selon la taille des collectivités », et surtout, comme le réclament les associations d’élus à cor et à cri, « en finir avec les appels à projets et les appels à manifestation d’intérêt », compte tenu de « leurs effets pervers connus ». 

Ces diagnostics et ces propositions, ainsi que bien d’autres, sont à retrouver dans le rapport d’une centaine de pages que la Délégation rend public aujourd’hui. 

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