Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 2 février 2023
Commerce

Dynamisation du commerce rural : ce que prévoit le gouvernement pour 2023

Hier, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l'Assemblée nationale a auditionné Olivia Grégoire, ministre chargée notamment du commerce. La désertification commerciale des communes rurales était au coeur des préoccupations, et la ministre a rappelé qu'une enveloppe de 12 millions d'euros pour le développement du commerce en zones rurales était disponible en 2023.

Par Lucile Bonnin

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© D.R.

« Je ne conçois pas une politique du tourisme, et encore moins une politique du commerce, qui n’associerait pas les collectivités. »  Tels ont été les propos introductifs d’Olivia Grégoire face à la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. 

Cette audition qui a eu lieu hier au Palais-Bourbon a permis d’éclaircir quelques perspectives pour le dynamisme des communes, alors que la crise frappe durement les entreprises et les particuliers.

Action cœur de ville 2 

D’abord, il a été confirmé que le programme Action cœur de ville allait reprendre pour la période 2023-2026. Lancé en mars 2018, cette politique de soutien a déjà accompagné, selon la ministre, « 234 villes moyennes »  et les 5 milliards d’euros de subventions engagés pour la période précédente ont même été « dépassés ». 

« Plus de 6 400 projets ont été engagés dans de nombreux domaines, rapporte Olivia Grégoire, avec 78 00 logements rénovés, 1 000 cellules commerciales restructurées et de nombreux espaces et équipements publics requalifiés. » 

La ministre a également rappelé que cette enveloppe de 5 milliards d’euros n’est pas l’unique biais pour que les collectivités obtiennent de l’aide. Elle a notamment évoqué le programme Petites villes de demain et le fonds de restructuration des locaux commerciaux du Plan de relance. 

Pour rappel, la deuxième version du programme Action cœur de ville peut également servir aux financements de projets d’embellissement des entrées de ville ou des quartiers de gare (lire Maire info du 21 novembre). 

« Reconquête du commerce rural » 

La désertification commerciale dans les zones rurales est un phénomène qui inquiète de nombreux élus depuis maintenant plusieurs années. « Ce déclin du commerce observé en zone rurale conduit à des difficultés d’accès aux services de la vie courante, dans des zones peu denses, constate la ministre. Le trajet routier médian pour se rendre au pôle commercial le plus proche est de 10 minutes dans les zones peu denses et de 2,6 minutes dans les zones denses. » 

Le gouvernement a donc décidé de lancer « une politique de reconquête du commerce rural »  qui va « permettre d’aider les communes à recréer des commerces. »  Concrètement, une première enveloppe de 12 millions d’euros est prévue pour l’année 2023 afin de financer les premiers projets. Le traditionnel appel à projets ou appel à manifestation d’intérêt a été abandonné pour davantage de « simplicité », ce que les élus apprécieront. 

« Les préfets auront pour instruction de communiquer aux maires le cahier des charges (qui est en cours d’élaboration) et les maires feront remonter leurs projets »  et ce « au fil de l’eau » . Les aides pourront aller de « 75 000 euros pour les commerces en dur (...). Notre objectif est d’atteindre avec cette enveloppe 1 000 collectivités accompagnées. » 

Si les conditions pour obtenir un financement ne sont pas encore connues, la ministre a cependant rappelé qu’un « commerce dans une ville qui n’en a plus doit, pour fonctionner, être multiservices. »  Elle a également évoqué les avantages du « commerce itinérant qui, aux côtés du commerce en dur, connaît de plus en plus de succès pour les plus petites communes. » 

Rappelons qu'en mars 2022, le Sénat avait fait 43 propositions pour soutenir le commerce rural dans les territoires ruraux, spécifiquement dans les communes de moins de 2 500 habitants. L’AMF a aussi rendu public un rapport sur les zones de revitalisation rurale (ZRR) en octobre dernier. 15 propositions y sont formulées dont plusieurs visent à soutenir l’activité – et donc le commerce – en milieu rural. L’AMF demande le renforcement du fonds de 12 millions d'euros ainsi que la mise en place d’un nouveau FISAC.

Transformation environnementale des zones commerciales 

L’autre grand sujet au programme concerne les zones commerciales. Elles concentrent aujourd’hui, selon les chiffres du gouvernement, « 72 % des dépenses des Français dans le commerce physique. »  Pour le gouvernement, il n’est donc pas question de détruire ces zones mais de les adapter aux nouveaux enjeux, de « revoir l’impensé des politiques publiques. » 

« On a des zones de plusieurs dizaines d’hectares ou centaines d’hectares totalement artificialisées qui apparaissent pour certaines comme des aberrations écologiques et qui ne répondent plus aux enjeux actuels de réchauffement climatique »  mais aussi aux nouvelles exigences législatives liées au ZAN (lire Maire info du 14 octobre). 

La ministre a donc annoncé hier qu’à partir du mois d’avril prochain, le gouvernement allait « engager la sélection d’une dizaine de démonstrations/expérimentations, pour engager avec les collectivités territoriales, la transformation de ces espaces. »  Dix projets seront choisis avec une enveloppe annuelle de 24 millions d’euros. 

Suppression de la CVAE 

Pour de nombreux élus, ces aides ne peuvent pas compenser la perte d’investissement des collectivités territoriales liée à la suppression de la CVAE. André Laignel, premier vice-président délégué de l’AMF, en septembre dernier, expliquait que disparition de la CVAE « romprait le lien fiscal, et avec lui le contrat social, qui unit localement entreprises et territoires »  et qu’elle allait « entraver l’indispensable réindustrialisation dont notre pays a besoin en réduisant tout retour économique bénéfique pour le territoire d’installations entrainant forcément des nuisances »  (lire Maire info du 13 septembre).

Hier, pendant son audition, la ministre a également été interpellée sur le sujet par la députée de la Creuse, Catherine Couturier : « Depuis le début du quinquennat précédent, votre gouvernement n’a cessé de démanteler l’autonomie fiscale des collectivités territoriales, d’abord par la suppression de la taxe d’habitation, et maintenant par la suppression progressive de la CVAE remplacée par une fraction de la part nationale de la TVA. Pourtant, l’existence d’un impôt local économique dynamique encourageait les élus à s’investir pour attirer de potentielles entreprises sur leurs territoires. Supprimer cette taxe revient aussi à réduire le lien entre collectivités, citoyens et entreprises dans les territoires. » 

Mais face aux inquiétudes des élus, le gouvernement campe sur ses positions. La ministre s’est dit « pas d’accord »  avec ce raisonnement en expliquant que « ces impôts de production grèvent directement la compétitivité de nos entreprises et le pouvoir d’achat de nos travailleurs. »  Elle a enfin ajouté : « Je pense qu’il est important pour les petits commerces et moyens commerces qu’on fasse baisser la pression fiscale. » 

Lors de cette audition, on pouvait espérer que la ministre s'exprimerait également sur la question des dark stores. Cela n'a pas été le cas. Le décret consacré à ce dossier, très attendu, n'est toujours pas paru. 

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