Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 15 septembre 2023
Transition écologique

Rénovation écologique des écoles : un peu d'argent et beaucoup d'inquiétudes

Le premier Comité d'animation du plan de restauration écologique des écoles a été réuni hier, au ministère de la Transition écologique. Objectif du gouvernement : rénover 40 000 écoles primaires publiques en dix ans. Mais ni les moyens ni la méthode de gouvernance ne convainquent, pour l'instant, les représentants des élus.

Par Franck Lemarc

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© Gouvernement

« Une bonne nouvelle qu’il ne faut pas bouder », beaucoup de flou et des points d’inquiétude. Hier, au sortir de la première réunion du Comité d’animation du plan de restauration écologique des écoles, les deux représentants de l’AMF ont dressé, lors d’un point presse, un bilan plus que réservé de cette rencontre. Delphine Labails, maire de Périgueux et co-présidente de la commission éducation de l’AMF, et Christian Métairie, maire d’Arcueil et co-président de la commission Transition écologique, ont notamment réaffirmé qu’il est « hors de question »  que les maires ne soient pas libres de choisir eux-mêmes les écoles qu’ils souhaitent rénover en priorité. 

Financements en hausse

Au chapitre des « bonnes nouvelles », la confirmation par Christophe Béchu d’une rallonge de 500 millions d’euros au Fonds vert, qui sera exclusivement fléchée vers la rénovation écologique des écoles. Le Fonds vert sera donc bien porté de 2 à 2,5 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2024, et cette rallonge sera pérennisée jusqu’en 2027. Cette information était connue depuis le mois de juillet, mais elle prend à présent un caractère officiel, et est confirmée dans le guide Rénovation des écoles dévoilé hier par le ministère. 

Cette augmentation de l’enveloppe est évidemment bonne à prendre, vu l’ampleur du chantier. Delphine Labails a rappelé hier que la rénovation écologique des écoles répond à des exigences tant climatiques que pédagogiques – il est en effet prouvé que dès que la température dépasse les 23 ° C, l’attention des enfants et leurs capacités d’apprentissage diminuent. Or la maire de Périgueux rapporte que la semaine de la rentrée, des températures de 30 ° C ont été relevées dans les classes de sa commune. 

L’isolation thermique des écoles, mais aussi la renaturation des cours d’école, constitueront un chantier majeur pour les communes dans les années à venir. D'autant qu'il s'agit de projets globaux, qui incluent généralement des sujets d'accessibilité, de désamiantage, de pratiques pédagogoiques, etc. Le chantier est estimé, a-t-il été rappelé hier, à au moins 40 milliards d’euros. On ne peut évidemment qu’être frappé par le fossé entre cette somme et les 2 milliards d’euros sur quatre ans promis par le gouvernement. « Il est bien évident que les communes n’ont pas les moyens de mettre les 38 milliards restants » , constate Christian Métairie. D’autres financements de l’État vont pouvoir être mobilisés, dont la DETR et la DSIL, ainsi que le programme Actee+, porté à 220 millions d’euros en 2023, mais cela « ne fera pas le compte » . En outre, la Banque des Territoires a lancé au mois de mai le dispositif EduRénov qui mobilise 2 milliards d’euros en prêts et 50 millions d’euros en ingénierie pour accompagner 10 000 projets de rénovation des écoles d’ici 2027. Pour le reste, le recours à l’emprunt sera sans doute la seule solution qui restera aux communes. Ou, comme le souhaite le gouvernement, celui au tiers financement, comme le permet désormais, à titre expérimental, la loi du 30 mars 2023. Ce texte autorise les collectivités et EPCI à conclure des contrats de performance énergétique avec des tiers, dérogatoires au Code de la commande publique qui, jusqu’à présent, interdisait le paiement différé. Mais ce dispositif, outre sa complexité, est pour l’instant inapplicable en l’absence de décret d’application. Celui-ci, annonce le gouvernement, sera publié « en septembre ». 

Flou sur le guichet unique

C’est également une certaine déception qui règne sur le très attendu « guichet unique »  promis par le gouvernement. Les représentants de l’AMF n’ont pas réussi à y voir clair dans la présentation de ce que Christophe Béchu lui-même a appelé « une sorte de guichet unique », formule qui n’a pas le mérite de la clarté. Christian Métairie a avoué n’avoir « pas forcément compris »  comment les choses allaient se dérouler. Il faut d’ailleurs noter que le terme de « guichet unique »  n’est même pas mentionné dans le guide diffusé hier par le ministère. Il semble néanmoins que l’interlocuteur des maires sera « un binôme associant le sous-préfet et un cadre de la DDT ». 

Les élus ont noté hier qu’au moins autant que le guichet unique, ils auraient souhaité entendre parler d’un « dossier unique » , c’est-à-dire de la possibilité de pas constituer un dossier différent pour chaque école. 

Pilotage « par en haut » 

Reste la question de la gouvernance, et c’est apparemment là que le bât blesse réellement. 

D’abord, le ministre de l’Éducation, Gabriel Attal, présent à la réunion d’hier matin, a indiqué que les aides de l’État pourraient être conditionnées à la démarche « d'autoévaluation et d'innovation pédagogique », déclenchée à la suite du CNR éducation. Mais aujourd'hui, moins de 15 % des établissements y sont engagés, et qui plus est, ans associer les maires. À Périgueux, a illustré Delphine Labails, une telle condition fermerait l’accès aux financements à 16 écoles sur 17. 

Les représentants de l’AMF se sont par ailleurs dits « particulièrement inquiets »  de la façon dont l’État envisage de piloter les choses, par en haut. On peut en effet lire dans le guide publié hier que « Christophe Béchu et Gabriel Attal écriront dans les prochains jours aux préfets et aux directeurs académiques des services de l'Éducation nationale afin qu’ils identifient les projets prioritaires à accompagner et les besoins au niveau local » . Une fois encore – comme c’est le cas pour la quasi-totalité des politiques publiques en ce moment – il s’agit d’une forme de recentralisation : ce seraient donc les préfets et les Dasen qui décideraient des écoles à rénover en priorité, et non les maires, alors que les communes sont propriétaires des bâtiments ? Christophe Métairie et Delphine Labails ont jugé hier ce projet « inacceptable »  : « Il relève des prérogatives du maire de choisir les écoles qui seront rénovées », insiste la maire de Périgueux, tandis que son homologue d’Arcueil estime que le gouvernement ferait mieux de « déléguer des enveloppes aux communes »  en leur laissant le choix de leur utilisation la plus judicieuse – les maires étant tout de même mieux placés que les Dasen pour connaître l’état du patrimoine scolaire de leur commune et les chantiers à prioriser. Les Dasen seraient, en revanche, nettement plus attendus pour donner aux maires des données fiables sur les ouvertures et fermetures de classe, ce qui permettrait aux maires de mieux cibler leurs investissements. 

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