Maire-info
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Édition du jeudi 21 septembre 2023
Précarité

La lutte contre la précarité étudiante reste une « priorité » du gouvernement, malgré des mesures jugées « insuffisantes »

L'exécutif a vanté, hier, la mise en place de « la plus forte hausse des bourses étudiantes depuis dix ans », alors que près d'un étudiant sur deux dit avoir déjà supprimé un repas par jour, faute de moyens, devant l'explosion du coût de la vie.

Par A.W.

Une revalorisation des bourses et un nouveau gel à la fois des droits d’inscription, des loyers en résidence étudiante et des tarifs de restauration pour « un demi-milliard d’euros supplémentaire par an ». Le gouvernement a fait la promotion, hier, des mesures de « justice sociale »  qu’il entend mettre en œuvre pour la rentrée des près de trois millions d’étudiants de l’enseignement supérieur. 

Des actions qui visent à « agir en amont des difficultés de pouvoir d’achat », a fait valoir le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, dans le cadre d’une « communication »  au sortir du Conseil des ministres, tandis que les syndicats étudiants Unef et Fage alertaient déjà, mi-août, d'une hausse du coût de la vie étudiante (estimée à + 6,5 % pour la première et + 4,7 % pour la seconde) qui n’a « jamais atteint de tels sommets ». 

Bourses revalorisées « au-dessus de l'inflation » 

Olivier Véran a ainsi assuré que la protection des étudiants restait « une priorité »  du gouvernement, alors que ceux-ci ne sont « pas épargnés par l’inflation »  et que « les difficultés matérielles ne doivent pas affecter leurs conditions d’études et leurs chances de réussite ».

Afin de combattre cette précarité grandissante, le ministère de l’Enseignement supérieur s’est donc engagé à « construire une réponse à la hauteur des enjeux »  via, tout d’abord, « la plus forte hausse des bourses étudiantes depuis dix ans ». « Toutes les bourses ont été revalorisées de 37 euros, à 127 euros par mois en métropole [des montants abondés de 30 euros mensuels en outre-mer], correspondant à des revalorisations allant de 6 % à 34 %, au-dessus de l’inflation », s’est félicité Olivier Véran.

Mais pas question de créer une « allocation d'études »  pour tous les étudiants, comme viennent de le réclamer 14 présidents d'université dans une tribune au Monde. « En quoi donner une allocation [à tous les étudiants] va-t-il faire reculer la précarité ? », s'est interrogée, hier, sur franceinfo, la ministre de l’Enseignement supérieur, Sylvie Retailleau, qui a fermé la porte à la mise en œuvre d'une telle mesure : « Donner à tous sans regarder les revenus ne me paraît pas être la solution la plus efficace ».

Outre l’augmentation des montants, c’est aussi le nombre de boursiers qui va augmenter avec la révision des barèmes de revenus. Ce qui conduirait à « réintégrer près de 35 000 boursiers qui n’étaient pas éligibles, et à reclasser 140 000 boursiers à un échelon supérieur, en tenant mieux compte de leur situation familiale », a détaillé le porte-parole du gouvernement, précisant qu’il s’agissait « essentiellement »  d’étudiants « issus des classes moyennes »  qui seraient concernés. « Les étudiants en situation de handicap et les étudiants aidants accèdent eux aussi désormais plus facilement à une bourse sur critères sociaux, et à des montants plus élevés », a-t-il indiqué.

Concernant l'alimentation, le gel des tarifs sociaux est reconduit et le repas à 1 euro pour les boursiers et les non-boursiers précaires, créé en 2020, est « pérennisé ».

Alors que la Première ministre vient de s’engager à construire 30 000 logements étudiants d’ici la fin du quinquennat, « un effort particulier »  sur le logement sera aussi réalisé à travers le « renfort de la communication sur les démarches et aides existantes (aide personnelle au logement, garantie Visale), un nouveau gel des loyers en résidence Crous, ainsi que la rénovation de 12 000 logements Crous d’ici la fin du quinquennat ». 

La mise en place des services de santé étudiante et « le gel des droits d’inscription à l’université et de nombreuses aides accessibles aux non-boursiers »  sont également actés.

Près d’un étudiant sur deux a déjà sauté un repas à cause de l'inflation

Des mesures jugées « largement insuffisantes »  à la fois par l’Unef et les 14 présidents d’universités réclamant une allocation d’étude. « Ni les bourses sur critères sociaux, qui concernent environ 750 000 étudiants », « ni les aides exceptionnelles débloquées fin 2022 par le gouvernement pour soutenir les associations qui agissent en faveur des étudiants les plus précaires ne suffisent à juguler la pauvreté étudiante », écrivent ainsi ces derniers.

En effet, la situation n’a rien de réjouissant et le tableau semble même particulièrement sombre, si l’on en croit l’étude de l'Ifop, parue la semaine passée. Selon ses données, près d'un étudiant sur deux dit souffrir de solitude (contre 19 % des Français) et avoir déjà supprimé un repas à cause de l'inflation. Bien plus que l’ensemble de la population française (28 %).

Un phénomène « particulièrement alarmant »  qui témoigne des renoncements des étudiants à l’achat de denrées alimentaires. Là encore, près d’un sur deux indique devoir limiter, voire renoncer, à des achats de denrées alimentaires (et 66 % pour ceux en situation de précarité). 

Ces éléments « très préoccupants »  pour l’alimentaire se retrouvent également dans l’accès aux protections hygiéniques avec un quart des étudiantes (et près d’un tiers de celles se trouvant en situation de précarité) contraintes d’y renoncer « au moins occasionnellement », faute d’argent.

Et si les résultats paraissent « plus contrastés »  concernant le logement, c’est tout de même un peu plus d’un tiers des étudiants qui témoigne de difficultés (37 %). Ceux en situation de précarité sont jusqu’à 63 % à estimer que « les choses sont difficiles »  dans ce domaine, et près d’un sur deux jugeant qu’elles sont même très difficiles. 

Alors que la tension sur les logements aurait presque doublé dans les plus grandes métropoles françaises, les témoignages d’étudiants n’arrivant pas à trouver de toit pour la rentrée se multiplient, certains d’entre eux se retrouvant parfois à vivre dans leur voiture

La précarité entraîne également des renoncements dans les choix d’orientation post-bac et la poursuite dans l’enseignement supérieur, selon une note d'information du service statistique du ministère de l’Enseignement supérieur, qui constate que les étudiants précaires qui arrivent à poursuivre leurs études obtiennent, en moyenne, un niveau de diplôme moins élevé que les autres.

 

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