Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 21 septembre 2023
Politique de la ville

Politique de la ville : les maires vigilants avant le prochain comité interministériel

L'association des maires Ville & Banlieue a tenu un point presse hier, à Paris, afin de rappeler l'urgence d'apporter une réponse concrète aux habitants des quartiers. Après les émeutes de juin, le comité interministériel des villes, qui devait alors se tenir à Chanteloup-les-Vignes (Yvelines), a été reporté au 9 octobre. Un rendez-vous crucial pour l'avenir de ces territoires.

Par Caroline Reinhart

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Covid, inflation, paupérisation, émeutes, et maintenant, crise du logement : l’urgence d’agir pour les quartiers prioritaires de la politique de la ville n’a jamais été aussi forte. C’est ce que les élus de Ville & Banlieue ont rappelé à la presse, hier, dans le cadre de la préparation du prochain comité interministériel des villes (CIV) qui aura lieu le 9 octobre prochain à Chanteloup-les-Vignes. Assis sur un brasier, les habitants des quartiers ont plus que jamais besoin de réponses concrètes à leurs difficultés grandissantes.

« Les émeutes de juin n’ont pas été une surprise dans un ciel serein : en mai, plusieurs maires de diverses sensibilités ont adressé une lettre ouverte au président de la République [lire Maire info du 17 juillet] pour lui demander d’intervenir dans les banlieues avant qu’il ne soit trop tard », a rappelé d’entrée le président de Ville & Banlieue, Gilles Leproust, maire d’Allonnes (Sarthe) et vice-président de l’association des maires de France (AMF). 

Massification de la pauvreté, assignation à résidence

Marquée par la dégradation sociale, la rentrée de septembre est particulièrement difficile. Pour le maire d’Allonnes, « l’État n’est pas à la hauteur : le plan pauvreté (lire Maire info du 19 septembre) présenté cette semaine par le gouvernement n’est pas au niveau de ce que nous vivons dans nos territoires, marqués par une certaine massification de la pauvreté. ». Signal d’alerte, l’appel des Restos du cœur traduit ce phénomène à plusieurs facteurs – dont la crise du logement. « Aujourd’hui, avoir un logement est un parcours du combattant. Nous observons dans nos territoires une augmentation des dettes de loyers et de charges, et un arrêt de la mobilité dans le parcours résidentiel. Nous sommes dans une situation d’assignation à résidence », estime Gilles Leproust.  

Même constat pour la maire de Chanteloup-les-Vignes (Yvelines), Catherine Arenou, première vice-présidente de l’association Ville & Banlieue : « On n’est pas n’importe quel mois de septembre. On est en septembre 2023, après avoir vécu ce que nous avions redouté, les émeutes, qui ont touché toute la France et qui ont jeté l’opprobre sur les habitants de nos quartiers. On est aussi dans un temps de contractualisation, les contrats de ville devant être renouvelés en 2024 (leur signature étant repoussée à mars 2024). Par ailleurs, nous sommes au début d’une crise du logement, qui pourrait durer 3 à 4 ans minimum. L’enjeu est lourd : s’il n’y a pas d’acte fort, les 35 % de nos habitants sous le seuil de pauvreté risquent de devenir 60 % dans 6 ans – les mêmes causes produisant les mêmes effets. Nous attendons donc une prise de conscience forte, à la hauteur de l’enjeu, ainsi qu’une nouvelle relation avec le gouvernement. Il faut donner de l’espoir aux habitants de nos quartiers, après il sera trop tard. » 

Droit commun et élus de terrain

Pour Saïd Rhamani, adjoint au maire de Sarcelles chargé de la politique de la ville, la politique du « quoi qu’il en coûte », portée par Emmanuel Macron lors de la crise du covid-19, doit s’appliquer aux 1500 quartiers de France. « En tant que maires, on nous demande de tout faire, y compris financer le droit commun à travers la politique de la ville ! Nous avons besoin de propositions et de financements spécifiques. ».

Même son de cloche du côté de Damien Allouch, maire d’Épinay-sous-Sénart (Essonne) et secrétaire général de Ville & Banlieue, pour qui l’État « doit revenir dans les territoires », et tenir compte des remontées des élus de terrain. « Après les émeutes, les prises de parole se sont concentrées sur l’annonce d’une amende forfaitaire pour les dealers et de l’ouverture des collèges de 8 h à 18 h ! Des mesures que personne n’a réclamées ici… Alors que l’expérimentation « Territoires zéro chômeur », qui marche plutôt bien, est remise en cause. C’est un paradoxe absolu : des choses fonctionnent, et on les fait disparaître… ».

Moyens, effectifs, et opérations de communication

Pour Anne-Claire Boux, adjointe à la maire de Paris chargée de la politique de la ville, le CIV du 9 octobre « doit répondre aux enjeux immédiats et préparer l’avenir ». En effet, l’urgence sociale, les quartiers souffrent aussi d’un urbanisme inadapté face à l’enjeu climatique. « Il faudra vérifier si les moyens sont là dans la loi de finances pour 2024, y compris ceux destinés à l’Agence nationale de rénovation urbaine ». 

« Nous avons besoin de plus de moyens, a renchéri Lamine Naham, maire de Trélazé (Maine-et-Loire) ; or l’État ne fait que les diminuer. L’exonération de taxe foncière décidée par le gouvernement n’est par exemple pas compensée ! Il va falloir mener cette bataille et rester très vigilants lors du vote de la loi de finances. » 

Sur la question récurrente de la sécurité, Driss Ettazaoui, vice-président de l’agglomération d’Évreux et de Ville & Banlieue, a rappelé le discours d’autorité d’Emmanuel Macron de l’été dernier, contrastant avec la réalité. « Sur ces territoires, il y a des lieux où la police n’intervient pas. Les effectifs sont insuffisants, pas assez formés… : il faut repenser les modes d’intervention de la police nationale. Le premier besoin des habitants est la sécurité : il faut leur apporter une réponse, sinon c’est l’extrême droite qui gagne. » 

Pour Ali Rabeh, maire de Trappes (Yvelines), « le comité interministériel du 9 octobre n’est pas un CIV comme les autres. Le contexte des émeutes, leur coût, les opérations de communication d’Emmanuel Macron, ignorant nos revendications et appels au secours depuis 6 ans, en font un rendez-vous crucial. Nous avons besoin de paroles politiques fortes et de mesures concrètes. Un rapport de la Cour des comptes de 2023 indique que les politiques de ségrégation se renforcent : soit on regarde la réalité en face, soit on maintient cet état de fait en faisant du coup par coup. ». Et d’avertir : « Nous serons toujours là pour éteindre le feu, cautériser les plaies… Mais le risque de désespérance des élus est grand s’il n’y a pas de vraies mesures. Nous sommes donc impatients d’être au 9 octobre, pour savoir si nous pouvons être optimistes… ou résignés. ».

Ville & Banlieue célèbrera ses 40 ans d’existence les 18 et 19 octobre à Lyon.  

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