Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 17 mars 2022
Crise énergétique

Plan de résilience : pour les collectivités, ce sera zéro

Le Premier ministre a dévoilé hier les contours du « plan de résilience » concocté par le gouvernement pour faire face à la crise de l'énergie. Si les ménages et les entreprises vont faire l'objet de mesures d'aides, il saute aux yeux que les collectivités - pourtant lourdement frappées - ont été totalement oubliées. 

Par Franck Lemarc

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© Gouvernement.fr

« Face à l’urgence, l’État se mobilise. »  Le sous-titre du plan de résilience est volontariste, et le Premier ministre a en effet annoncé hier de nombreuses mesures pour soutenir les ménages, les entreprises, les pêcheurs, les agriculteurs… mais pas les collectivités territoriales, qui vont donc devoir pour l’instant faire face seules aux conséquences de l’explosion des prix – et pas seulement ceux de l’énergie.

Double crise

Jean Castex a commencé, dans son discours prononcé hier à Paris, par rappeler le contexte diplomatique et militaire et la position de la France : aider l’Ukraine « par tous les moyens ». Il faut se préparer « à une crise longue », et « accepter que les mesures [de sanctions] aient des conséquences potentiellement lourdes (…) sur nos propres économies ». 

On assiste en réalité à deux crises qui se télescopent : la première a commencé il y a plusieurs mois, du fait des tensions d’approvisionnement dues à la reprise fulgurante des activités après la crise du covid-19. Cette première crise a provoqué une hausse rapide des prix, depuis l’été dernier, dans de nombreux secteurs, allant de l’énergie aux matières premières industrielles, mais aussi au bois, au papier, aux engrais ou aux céréales. La deuxième crise est née de la guerre en Ukraine : entre l’interruption de la production, en Ukraine même, et les sanctions économiques contre la Russie, ce sont de nombreux secteurs qui sont affectés voire à l’arrêt. La conséquence la plus visible de la situation est l’augmentation extraordinairement rapide des prix de l’énergie et, en particulier, de ceux des carburants.

Mesures générales

Samedi dernier, Jean Castex avait déjà annoncé « un renforcement du bouclier tarifaire »  pour les ménages : à compter du 1er avril, et pour une durée de quatre mois, une remise de 15 centimes par litre sera appliquée dans les stations-services. Pourront en bénéficier, a énuméré le Premier ministre, outre les particuliers, « les routiers, les taxis, les transporteurs sanitaires, les agriculteurs, les acteurs des travaux publics… ». Les réseaux de transport collectif et les flottes de véhicules des collectivités seront-ils concernés ? En tout cas, ils n’ont pas été cités par Jean Castex. 

Le deuxième train de mesures concerne les entreprises fortement consommatrices de gaz et/ou d’électricité (celles dont les dépenses en la matière représentent au moins 3 % de leur chiffre d’affaires). Une aide « sous forme d’une subvention »  correspondant à « la moitié du surplus de dépenses énergétiques »  leur sera accordée, « sans condition de taille ou de secteur », et plafonnée à 25 millions d’euros par entreprise. Cette aide sera effective sur la période du 1er mars au 31 décembre.

Les dispositifs mis en place pendant la crise sanitaire (prêt garanti par l’État, report de charges fiscales et sociales et chômage partiel) vont être prolongés et renforcés. Le plafond du PGE va être par exemple relevé de 25 à 35 % du chiffre d’affaires. 

Mesures sectorielles

Le chef du gouvernement a également annoncé un certain nombre de mesures « ciblées »  vis-à-vis de secteurs plus particulièrement touchés. C’est le cas des pêcheurs, qui vont bénéficier d’une aide de 35 centimes par litre de gazole de pêche entre le 16 mars et le 31 juillet. Jean Castex compte aussi « sur les collectivités locales »  gestionnaires d’infrastructures portuaires pour accentuer cette aide.

Les éleveurs vont bénéficier d’une aide globale de 400 millions d’euros pour faire face à « l’envolée du coût de l’alimentation animale ». Par ailleurs, l’État va verser aux agriculteurs « un acompte de 25 % du remboursement de la TICPE »  sur le gazole non routier. 

Le secteur du « transport »  va toucher un « complément d’aide » , encore non défini, et le gouvernement va « accélérer le rythme de remboursement de la TICPE », qui sera désormais remboursée mensuellement et non tous les trois mois. Mais il paraît clair que le gouvernement parle ici du transport routier de marchandise et non du transport public de personnes. 

Enfin, des mesures ciblées sont prévues pour le secteur du BTP, frappé par la hausse des prix des matières premières. Aucune aide directe n’a été mentionnée par le Premier ministre, mais il sera en revanche demandé aux « acteurs publics »  – c’est-à-dire en grande majorité les collectivités locales – de « ne pas appliquer de pénalités de retard »  si celui-ci « est justifié par la prolongation d’un délai de livraison de la part d’un fournisseur à cause de la crise ».

Collectivités : le gouvernement dans le « déni » ?

On le voit : absolument rien n’est prévu pour aider les collectivités à faire face à la crise. Le gouvernement a pourtant été alerté depuis plusieurs mois d’une situation qui se dégrade rapidement, entre les courriers répétés de l’AMF ou de la FNCCR et les interpellations du gouvernement par des députés et des sénateurs, lors de séances de questions au gouvernement. Ce n’est pas donc par ignorance du problème que le gouvernement n’agit pas, mais par choix – sans que l’on puisse être en mesure de comprendre ce qui justifie celui-ci. 

La crise touche pourtant les collectivités locales de multiples façons : l’explosion des prix du gaz et de l’électricité frappe de plein fouet les collectivités qui doivent pourtant continuer à chauffer bâtiments, écoles et équipements sportifs, à faire tourner les stations d’épuration et à éclairer les rues ; celle des prix du carburant grève les budgets des réseaux de transports collectifs et des services techniques. La hausse des prix des denrées alimentaires aura un impact sévère sur le budget des cantines. Sans parler de la hausse du prix du papier, du bois, des matériaux de construction, qui renchérit d’autant le coût des chantiers. 

Face à cette situation, qui pourrait rapidement devenir gravissime, le gouvernement semble être dans le « déni »  le plus complet, comme l’avait relevé le sénateur Hervé Maurey. Alors que de premières estimations chiffrent à plus de 10 milliards d’euros les dépenses supplémentaires qui pourraient survenir pour les collectivités cette année, aucune mesure sérieuse de soutien n’est envisagée par le gouvernement à cette heure. Une situation qui apparaît incompréhensible à un nombre de plus en plus important d’élus, qui font l’amer constat que les collectivités, contrairement aux entreprises, devront apparemment se débrouiller toutes seules en matière de « résilience ». 

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