Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mardi 10 octobre 2023
Grand âge

Personnes âgées : 60 % des établissements et services à domicile en difficultés financières

L'Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA) tape du poing sur la table en désignant les départements « où il ne fait pas bon vieillir », et dénonce la hausse insuffisante du budget versé par certains départements. 

Par Emmanuelle Stroesser

L'association épingle sept départements (1) n'ayant revalorisé le budget versé aux établissements et services à domicile que de 1 à 3 %. Loin du minima estimé nécessaire de + 6 %, soit le taux de l'inflation. À l'inverse, elle donne un satisfecit à sept autres conseils départementaux, expressément cités comme « responsables », pour avoir appliqué une hausse de 5 à 6 %. La hausse pour certains n'est que de 5 %, mais l'association salue le fait que dans ces deux cas (dans les Pyrénées-Orientales ou la métropole de Lyon), les élus aient pris une seconde délibération, pour revenir sur leur première décision et relever de 2 à 5 % la revalorisation de leur financement, suite à un échange avec les professionnels.

Du déni à la maltraitance

« Quand on augmente un budget de 1 %, on condamne une structure à baisser son budget de 5 %. C'est mathématique », explique Pascal Champvert, le président de l'AD-PA. Ce qui implique de réduire les dépenses, et donc les prestations, d'alimentation, ou de personnel. « Fort heureusement, à notre demande et celle d'autres organisations professionnelles, les directeurs de ces structures ont massivement refusé de couper dans leurs budgets et de compter les biscottes comme chez Orpéa », assure Pascal Champvert. Avec pour autre conséquence, également mathématique, que leurs déficits se creusent. Or certaines structures étaient déjà « à l'os ». 

À raison d'un prix plancher de 23 euros (le socle que le conseil départemental est censé financer pour l'APA), comment s'en sortir quand le « bon »  tarif serait entre 31 à 33 euros, interpellent les professionnels ? 

Outre les difficultés budgétaires, le secteur souffre d'un taux de maladie professionnelle et d'accidents du travail « le plus élevé », « du double de celui du BTP »  rappelle l'AD-PA.  

Le manque de rattrapage des coûts de l'inflation ne fait qu'alimenter le cercle vicieux, selon l'association, d'une dégradation des conditions de travail et de services du secteur. Le problème est « profond et structurel ». Il n'est surtout pas nouveau. 

Dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2024 (PLFSS), le gouvernement propose de « faire évoluer »  le mode de financement des Ehpad, « à partir de 2025 » , pour « les départements volontaires », selon une formule encore assez floue et complexe, comme souvent en terme de tarification... Les professionnels attendent eux, toujours, une « grande prestation autonomie basée sur la solidarité nationale », seule à même de « développer l’emploi dans le secteur et de mieux accompagner et mieux solvabiliser les personnes âgées et leurs familles ».  

Fin juillet, la Première ministre a annoncé 100 millions d'euros en faveur des Ehpad et services à domicile en difficulté, à la suite de la parution du rapport Pires Beaune (2). Des commissions départementales exceptionnelles, pilotées par les ARS, vont être installées pour examiner ces situations. À la demande de l’AMF, la ministre des Solidarités et des Familles a souhaité qu’un représentant de l’association départementale de maires soit systématiquement associé. Si l'AD-PA salue la « démarche » , elle ne se fait guère d'illusion sur la probabilité que cette « goutte d'eau »  suffise, rapportée au nombre d'établissements et services en difficulté, estimé à 60 %.  Elle s'inquiète surtout que les départements les plus vertueux n'en récupèrent aucune goutte… Il s’agit également d’une crainte exprimée par les maires ayant voté des subventions d’équilibre au profit de leur CCAS afin de compenser les difficultés financières de leurs Ehpad. Ceux-ci n’apparaitront plus comme étant en difficulté mais le restent. 

(1) Alpes-de-Haute-Provence, Hautes-Alpes, Moselle, Oise, Yvelines, Vienne, Hauts-de-Seine.
(2) du nom de la députée du Puy-de-Dôme, Christine Pires Beaune, auteur du rapport Garantir la prise en charge des personnes âgées en établissement.

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