Maire-info
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Édition du mardi 2 mai 2023
Outre-mer

Les indépendantistes remportent les élections territoriales en Polynésie française

Le parti indépendantiste Tavini huiraatira d'Oscar Temaru a largement remporté, hier, le second tour des élections à l'Assemblée de la Polynésie française. Un renversement qui pourrait conduire, à terme, vers un processus d'indépendance. 

Par Franck Lemarc

Changement de majorité à l’Assemblée de la Polynésie française : le parti du gouvernement sortant, Tapura huiraatira, proche de la majorité présidentielle d’Emmanuel Macron, a été largement battu par celui d’Oscar Temaru : les indépendantistes remportent 38 sièges, et le parti du gouvernement sortant, 16, lors d’un scrutin marqué par une participation assez élevée de quasiment 70 %. 

Renouvellement

Ce scrutin permet d’élire le parlement de la Polynésie française, composé de 57 membres, qui sera notamment chargé d’élire le président de la collectivité. Cette assemblée, depuis la loi de 2004 relative à l’autonomie de l’archipel, dispose de très larges compétences : elle « règle par ses délibérations les affaires de la Polynésie française ». Elle est élue pour cinq ans, via un mode de scrutin assez complexe (scrutin proportionnel plurinominal à deux tours). Si la Polynésie française constitue une circonscription électorale unique, les sièges sont répartis en fonctions de plusieurs sections (Îles du Vent, Îles Sous-le-Vent, Îles Marquises, etc.). 

Contrairement au Parlement de métropole, le cumul des mandats exécutifs est possible en Polynésie française : la liste du parti battu, Tapura huiraatira, comptait pas moins de 42 maires. Mais cela n’a pas suffi à assurer la victoire à un parti qui paye le prix de la crise du covid-19 (la vaccination obligatoire des soignants a été très mal vécue en Polynésie, et la fermeture des frontières a mis à mal l’économie touristique de l’archipel) et d’une inflation galopante.

Le parti Tavini huiraatira a, au contraire,  engrangé de bons scores à la fois sur le rejet de cette politique et sur le renouvellement des élus, en présentant des candidats plus jeunes. Il va d’ailleurs concrétiser ce renouvellement des cadres : le chef historique du parti et maire de Faaa depuis 1983, Oscar Temaru, 78 ans, ne se représentera pas à la présidence de l’Assemblée : c’est le député Gauche démocrate et républicaine Moetai Brotherson, 53 ans, qui se présentera et devrait être élu sans difficulté, vu la confortable majorité dont disposent les indépendantistes. 

Ce scrutin avait également été marqué, au premier tour, par la disparition politique de Gaston Flosse, ancien président de la Polynésie française, dont le parti n’a pas réussi à se qualifier pour le second tour. 

Silence radio à l’Élysée

Cette élection a été étonnement peu commentée par les chefs de l’exécutif, en métropole : pas le moindre communiqué de presse de l’Élysée ni de Matignon, pas de tweet ni d’Emmanuel Macron ni d’Élisabeth Borne pour commenter ce résultat. Seul le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, s’est fendu d’un tweet pour constater que « les Polynésiens ont voté pour le changement »  et que le gouvernement « prend acte de ce choix démocratique ». Le ministre « félicite »  Oscar Temaru et Moetai Brotherson pour leur victoire et indique que le gouvernement travaillera « avec engagement et rigueur »  avec la nouvelle majorité. 

Le parti Tavini huiraatira, s’il reste indépendantiste, a néanmoins assoupli son discours ses dernières années, en rupture avec ses débuts – puisqu’il s’appelait à sa création le FLP (Front de libération de la Polynésie), avec une doctrine alors beaucoup plus radicale. Le futur président de la Polynésie française, Moetai Brotherson, a d’ailleurs déclaré hier : « Nous n’allons pas être indépendants demain ni la semaine prochaine. Je n’ai aucun problème à travailler avec l’Etat et ça ne va pas changer demain. » 

Le parti souhaite néanmoins engager un processus progressif de « décolonisation », en passant par un référendum d’autodétermination. Les résultats d’hier semblent montrer que, contrairement à la Nouvelle-Calédonie, un tel référendum pourrait bien, à terme, mener à l’indépendance de l’archipel. 

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