« Nous devons faire en 7 ans plus que ce que nous avons fait en 33 ans. » Devant les membres du CNR réunis hier à Matignon, la Première ministre n’a pas caché l’ampleur de la tâche face « au dérèglement climatique, à l’effondrement de la biodiversité, à l’épuisement des ressources naturelles ». Elle a rappelé que la méthode dite de « planification écologique » – qu’elle est personnellement chargée de piloter – a pour but de répondre en même temps à la double préoccupation du court et du long terme : « l’avenir de la planète (…) et le quotidien des Français ».
Élisabeth Borne a expliqué que la planification écologique vise à atteindre des résultats « radicaux », mais « sans brutalité », en choisissant « l’incitation plutôt que la contrainte ». « Nous ne réussirons pas à mobiliser chacun, si la transition écologique devient synonyme de complications et d’interdits », a déclaré la Première ministre, qui a pris l’exemple de la stratégie déployée l’hiver dernier par le gouvernement pour éviter les coupures d’électricité : « Nous avions alors demandé d’abord aux grandes entreprises de baisser leur consommation, et aux pouvoirs publics, État et collectivités, de se joindre à l’effort avant de proposer aux Français des gestes concrets et utiles. » La même stratégie va être déployée sur les émissions de gaz à effet de serre. Des « actions concrètes » vont être demandées aux entreprises, en leur fournissant des aides financières pour y parvenir, et les collectivités seront « appuyées », via le Fonds vert, pour agir elles aussi concrètement, notamment dans les domaines « de la mobilité ou de traitement des déchets ». Puis, troisième étage de la fusée, des actions concrètes seront proposées aux Français, « en rendant toujours plus attractives et plus accessibles les solutions décarbonées ».
Les finances allouées à cette stratégie seront, selon la Première ministre, proportionnelles à l’effort demandé : la moitié pour les entreprises, « un quart sur l’État et les collectivités, un quart sur les ménages ».
Matignon a donné le détail des efforts budgétaires que le gouvernement entend faire. Dès juillet, il avait été annoncé que l’État allait engager 7 milliards d’euros pour la transition écologique dans le budget pour 2024, plus 3 milliards d’euros sur des projets pluriannuels.
Ces crédits sont répartis sur cinq grands secteurs : les ressources naturelles (2,3 milliards d’euros) ; la rénovation des bâtiments (2,1 milliards) ; l’énergie (1,8 milliard) ; mobilités (1,6 milliard) ; industrie (1,8 milliard).
On retiendra que les secteurs de l’eau et de la forêt seront chacun dotés de 500 millions d’euros. La rénovation des logements bénéficiera d’un soutien de 1,6 milliard d’euros, tandis que 600 millions seront consacrés à celle des bâtiments de l’État et 500 millions, via le Fonds vert, à celle des écoles. Les projets touchant aux infrastructures de transport (ferroviaire, collectif, fluvial, maritime) seront soutenus à hauteur de 1,4 milliard d’euros.
Enfin, 300 millions d’euros seront consacrés au « verdissement des dotations », ce qui demandera quelques précisions.
Élisabeth Borne a conclu son discours en évoquant « la mobilisation des territoires ». « Face au défi de la transition écologique, les réponses ne peuvent pas être descendantes et uniformes. Nous devons donc partir des initiatives et des innovations du terrain, et rendre compte des spécificités de chaque territoire ». Le gouvernement entend donc « travailler main dans la main avec les élus locaux » et « leur donner les moyens d’agir ».
Initiative nouvelle dans ce domaine : le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu a été chargé d’organiser, dès le mois prochain, des « COP régionales ». Il faut là encore attendre que le gouvernement donne des détails, mais rappelons que la COP – dont la plus connue est la fameuse COP21 qui a débouché sur l’Accord de Paris – est une institution pilotée par l’Onu qui réunit les 197 pays signataires de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Le sigle COP signifie Conférence des parties (Conference of the parties en anglais). Les COP se tiennent chaque année avec pour objectif de fixer des objectifs climatiques mondiaux.
Ceci étant posé, on ne voit pas très bien à quoi pourraient ressembler des « COP régionales », dans la mesure où la logique de la COP repose précisément sur son caractère global, mondial. On sait simplement, à écouter la Première ministre hier, que « chaque collectivité sera associée, dans le respect de ses compétences (…), urbains, périurbains et ruraux ». En quoi cela sera-t-il différent des CNR Climat territorialisés ? À multiplier ainsi les réunions, voire les grands-messes, le gouvernement prend le risque de la dilution de son action. D’autant que les communes réclament, certes, des moyens, mais surtout que l’État facilite leurs actions. Ces COP régionales ne risquent-elles pas encore de semer de la confusion ?
Quant aux déclarations de la Première ministre sur le refus des décisions « descendantes » et sa volonté de « partir des initiatives du terrain », il faut qu’elles se matérialisent de façon concrète : la récente annonce de la méthode retenue pour les rénovations des écoles, en confiant le choix des écoles à rénover aux préfets et aux Dasen plutôt qu’aux maires, ne va certes pas dans ce sens. Pas plus que les premières moutures de la circulaire sur la territorialisation de la transition écologique, qui placent là encore les élus sous une forme de tutelle des préfets.
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Journal Officiel du mercredi 20 septembre 2023